Analyse de Discours Politique
Dans cette déclaration de la présidence nigériane concoctée par le fameux Docteur Reuben Abati, conseiller spécial de Jonathan pour les médias (entendez surtout twitter, internet et Facebook), le style et le ton n’importent pas pour notre propos, seuls le fond et la vraisemblance des propositions seront pris en compte dans l’analyse logique succincte qui va suivre. Le but de l’analyse est de deviner ce qui se cache dans les déclarations des uns et des autres, et de conjecturer ce qui peut être une source d’angoisse ou d’incertitude pour les Nigérians et les Africains dans les semaines qui vont suivre : à savoir est-ce que les élections présidentielles du Nigéria prévues pour le 28 mars prochain se dérouleront de façon civilisée, sans heurts ni violence, et est-ce que le vaincu quel qu’il soit acceptera sa défaite sans donner la horde ethnique comme on donne du chien à l’ennemi que constitue ce qui est identifié comme l’ethnie, la religion ou la région d’en face ? |
Ne faisons pas attention à la forme du texte du bon docteur Abati qui fait partie de cette catégorie d’Africains qui, à l’instar du président qu’il sert, portent un titre dont la longueur d’onde du rayonnement social est inversement proportionnelle à leur savoir effectif ; c’est-à-dire, hormis les formalités administratives et sommatives requises pour se voir affubler de ce parchemin, savent mieux que quiconque qu’à l’échelle universelle dont ils se réclament, ils ne valent pas un pet. Le principe de sa rhétorique, comme toujours est basé sur le fait que plus on est grandiloquent ou pompeux dans l’usage de la langue du savoir qui est aussi au passage la langue du Blanc, du colonisateur, eh bien plus on est intelligent, et plus on est intelligent plus on est dans le vrai. Ce syllogisme frauduleux ne mérite donc pas qu’on y accorde beaucoup d’importance dans l’analyse qui va suivre, où comme il a été dit, ne sera considérée que la valeur de vérité des propositions émises dans la déclaration de la présidence du Nigeria, signée par le Docteur Reuben Abati. Le but visé ici est de deviner le goût de la sauce à laquelle le Nigeria sera mangé dans les prochaines semaines. Car derrière les mots et les déclarations des uns et des autres se cache sans doute la vérité. Pour cela nous allons considérer que la questions soulevée ici est d’une exceptionnelle gravité. A savoir est-ce que le président Jonathan est sincère lorsqu’il dit que les élections sous sa gouvernance seront libres, justes et transparentes ; et s’il ne se trame aucun complot à l’issue de ces élections qui empêcherait le vainqueur s’il n’était lui d’être proclamé comme tel, sans violence, sans effusion de sang. Ou tout au moins si violence il y avait, elle serait à la fois très limitée et absolument indépendante de lui. Compte tenu de la gravité de cette question, nous assumons que la déclaration de la présidence signée par son conseiller Reuben Abati reflète entièrement la position et la volonté du Président Jonathan. Ensuite nous allons considérer le texte de cette déclaration comme une conjonction de propositions. Ce qui veut dire que la déclaration elle-même est considérée comme une proposition dont nous essayerons de calculer la valeur de vérité. Or selon les lois du calcul propositionnel, une conjonction de propositions n’est vraie que si toutes les propositions qui la composent sont vraies. Autrement dit, une seule proposition fausse entraîne que la proposition est fausse, et donc que la déclaration de la présidence nigériane signée par le Dr Reuben Abati peut être considérée comme un tissu de mensonges. Ce qui voudrait dire qu’elle cache ce qui va arriver à travers des affirmations contraires à la réalité ou à la vérité. Rien n’empêche, à partir du moment où la proposition résultante est fausse que toute proposition choisie au hasard soit fausse ou ait de fortes chances d’être fausse. Voici les propositions pertinentes que l’on peut extraire de la déclaration de la présidence. P1 : il serait totalement absurde, irrationnel et déplacé pour M. Obasanjo, qui prétend encore appartenir au même parti que le Président, d'accuser le président Jonathan de comploter pour gagner par tous les moyens y compris les plus tordus les élections présidentielles reportées, et de planifier le chaos s’il les perdait P2 : le président Jonathan n'a pas cette intention et continuera de donner le plus grand soutien possible à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et à d'autres organismes fédéraux concernés pour s’assurer que les élections reportées se déroulent avec succès. P3 : ce n’est pas le président Jonathan qui reste fidèle à son serment qui cherche à plonger le Nigeria dans la crise, mais c’est M. Obasanjo qui complote pour plonger le pays dans le chaos, dans un but égoïste et égocentrique P4 : Les intrigues de M. Obasanjo et d’autres à l'intérieur comme à l'extérieur du pays pour contrecarrer les élections générales et imposer un gouvernement national intérimaire inconstitutionnel dont il espère être à la tête sont bien connues P5 : Heureusement, la grande majorité des Nigérians qui sont patriotes et bien-réfléchis ne se laisseront pas duper par les roueries de M. Obasanjo. P6 : Nous les exhortons à être assurés que l'engagement du président Jonathan pour la démocratie dans toutes ses ramifications reste constante et qu'il ne sera jamais partisan de l'utilisation de moyens illégaux pour s’accrocher au pouvoir ou obtenir un avantage politique sur ses adversaires. P7 : Le Président s’en tient à son engagement, dont il a réaffirmé à la télévision nationale mercredi dernier que sous son autorité, toutes les élections au Nigeria, seront libres, équitables et crédibles, et que tous les résultats certifiés des élections seront respectés. P8 : En tant que président, M. Jonathan a également assuré la nation, que le report des élections générales était dans le meilleur intérêt de la nation et n'a jamais été motivé par aucune arrière-pensée de la part du gouvernement comme M. Obasanjo et d'autres l’ont prétendu P9 : Le président continue aussi à faire confiance au bon jugement des Nigérians et à croire que, en reconnaissance de ses efforts sincères pour faire avancer le pays au cours des quatre dernières années, ils vont le réélire pour un second mandat le 28 Mars, 2015, afin qu’il poursuive son programme de transformation nationale à son terme. La déclaration de la présidence nigériane signée du Dr Reuben Abati peut être donc écrite comme suit : P = Π Pi i ϵ [1 ; 9] Considérées comme des jugements au sens kantien du terme, parmi ces propositions, nous éliminerons celles qui sont assertoriques ou celles qui sont apodictiques, par le fait qu’en tant que telle leur valeur de fait ou de droit est établie. Ne resteront alors que les propositions problématiques. Le but visé est de leur attribuer un opérateur modal, qui les arracherait à leur statut de jugement problématique. P1, P3, P4, sont purement rhétoriques, donc problématiques P2, P6, P7, P8 sont assertoriques mais leur factualité n’est pas universelle, donc elles sont problématiques P5, et P9 relèvent d’une opinion qui énonce que le sujet est du même avis que la majorité des Nigérians, c'est-à-dire in fine des électeurs ; ces propositions sont intéressantes pour notre bonne gouverne puisqu’elles dénotent de l’intention stratégique de l’énonciateur. Mais elles n’ont pas besoin d’être soumises à l’analyse car leur valeur de vérité pourra en être déduite. Après cette classification, il ressort que l’analyse logique et sémantique des propositions P2, P6, P7 et P8 est suffisante pour savoir la valeur de vérité de la proposition P. Posons donc P’ = P2 x P6 x P7 x P8. P et P’ ont la même valeur de vérité. D’entrée considérons P2 : le président Jonathan n'a pas cette intention et continuera de donner le plus grand soutien possible à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et à d'autres organismes fédéraux concernés pour s’assurer que les élections reportées se déroulent avec succès. Jusqu’au samedi 14, la CENI, par la voix de son président M. Attahiru Jega, continuait d’affirmer qu’elle avait les moyens d’organiser les élections à la date prévue du 14/02/2015. M. Attahiru Jega a défendu cette position jusqu’à la réunion du conseil d’Etat tenue le 7 février, soit une semaine avant la date prévue. Peut-on connaître l’opinion de Jonathan et de son cercle rapproché sur la question du report ? Oui, lors d’un discours tenu devant un parterre du Chatam House à Londres, son conseiller à la sécurité, M. Sambo Daisuki, s’est fait l’avocat une semaine auparavant de cette décision. On peut donc valablement dire qu’elle correspond à la position de Jonathan. Par ailleurs, la méthode d’annonce, la personne qui la fait et le lieu où elle a été faite sont étudiés pour leur donner une ouverture intellectuelle et par-là une objectivité thématique par opposition à des intrigues politiciennes. En ce qui concerne la personne du gouvernement qui a été choisie pour poser la première fois la question, du fait que ce soit le Conseiller à la Sécurité anticipe sur les raisons officielles qui seront avancées pour le report. Le report a été proposé non pas pour un défaut dans la logistique, mais pour des raisons de sécurité. Ce qui prouve que le report est un plan du gouvernement qui en a choisi à l’avance les raisons. Or dans la proposition P2 il est dit que « le président Jonathan continuera de donner le plus grand soutien possible à la CENI. » En matière de soutien qu’a fait concrètement Jonathan ? Alors que la CENI se disait prête pour faire les élections, le gouvernement l’en a dissuadé -- pour ne pas dire l’a forcée à revenir sur sa position. Peut-on appeler cela un soutien ? Certainement pas. Et pourtant dans la proposition P2 il est parlé de soutien. En clair la communication du Président use cyniquement d’un mot qui désigne le contraire de ce qu’elle a fait ou pense. Quand on a découragé quelqu’un à faire ce qu’il voulait faire ou lorsqu’on l’a forcé à changer sa position, on ne peut pas dire qu’on lui a fourni « un grand soutien pour assurer que les élections se déroulent avec succès ». On peut seulement dire cela si la personne est un enfant ou n’est pas en pleine possession de ses moyens. Or la CENI est un organe indépendant et autonome. Donc P2, qui est un concentré de propos sibyllins, mâtinés de cynisme est fausse et sa valeur de vérité est 0. Or comme nous l’avons dit si P2 est fausse alors P’ est fausse et P aussi est fausse. Au total, l’analyse du discours de la présidence du Nigeria montre qu’il s’agit d’un discours truffé de contrevérités où des intensions réelles sont déguisées en des expressions qui disent le contraire. Ce qui laisse penser à une forte probabilité de la part du pouvoir de fomenter un complot qui ne peut qu’être source d’explosion dans ce pays déjà au bord de la tension. Prof. Badarou Damonla
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