Au nombre des points faibles du système démocratique béninois figure l'indépendance et le rôle de la cour constitutionnelle. Une cour constitutionnelle instrumentalisée transforme de fait la démocratie en une parodie qui porte atteinte à la souveraineté du peuple. Faute d'une indépendance absolue de la cour et d'une probité morale et intellectuelle de ses membres au service de la cause suprême de la nation, la démocratie n'est qu'un leurre. Le pouvoir devient celui d'un seul groupe sinon d'un seul homme. L'expérience dit démocratique oscille en vérité entre ploutocratie et autocratie. Une démocratie sans transparence, sans équité, sans un sens supérieur de la justice, une démocratie sans éthique qui se contente du jeu des apparences tronquées, une démocratie qui prospère sur le fumier des artifices est une insulte à l'esprit et aux valeurs démocratiques. Si dans le cas de l'expérience démocratique béninoise, il va sans dire qu'il y a beaucoup à améliorer pour la sauver de l'antre du despotisme théâtral où la possibilité de la manipulation crapuleuse des formes l'a fait choir ces dernières années, ses travers et ses aberrations ne se situent pas exclusivement au niveau de la constitution ou des modalités du fonctionnement des institutions républicaines. Ces aberrations sont aussi dans les mœurs politiques elles-mêmes, dans l'éthique politique et dans ce qu'elle révèle de l'intentionnalité éthique et pratique de l'entreprise politique. Une des aberrations du système politique béninois et qui est une idiosyncrasie par sa spécificité est le système de parachutage présidentiel. Le fait que le président de la république apparaisse à nos yeux comme un héros étranger à la classe politique, un homme venu d'ailleurs et qui atterrit dans l'assiette électorale comme un cheveu sur la soupe. Ce modèle est d'autant plus préoccupant qu'il est naturalisé par la classe politique et les faiseurs de roi, valorisé et accepté par l'ensemble des citoyens. Les citoyens semblent flattés de se voir présenter un inconnu, de préférence un soi-disant expert, qui a occupé des postes de « fonctionnaire international », qui a « vécu à l'étranger », qui a « frotté avec les occidentaux » avec lesquels il est censé avoir de bonnes relations susceptibles d'être investies dans l'intérêt du pays. Les montreurs d’ours qui amènent le miraculeux inconnu eux aussi sont satisfaits et se frottent les mains de pouvoir atteindre les objectifs égoïstes pour lesquels ils usent de cette voie du parachutage de celui qu'ils présentent comme l'oiseau rare. Mais aucune démocratie ne fonctionne ainsi. La génération spontanée est antinomique avec les valeurs et les exigences de la démocratie. La politique est un métier qui s'apprend. Les partis politiques sont les seuls lieux d'animation et de médiation de la vie politique. Ce sont des associations d'hommes et de femmes légalement reconnues qui visent le même objectif, celui de la gestion de la vie collective pour l'amélioration et le progrès de la condition de leurs concitoyens. Mais chaque parti a ses moyens, ses convictions et des voies différentes pour atteindre le même objectif. Les partis, en ce qu'ils existent publiquement dans l'espace politique, sont identifiables, apportent leur savoir-faire et la garantie de leur responsabilité. Ils sont responsables devant le peuple et la nation. C'est la garantie de cette responsabilité qui fait que c'est en leur sein que se choisissent les candidats aux élections ; que celles-ci soient locales, communales, législatives ou présidentielles. Dans toutes les démocraties du monde, c'est ainsi que la pratique et l’éthique ont établi le rôle des partis comme médiateur de la vie publique, lieu de recrutement des élus, origine politique de leur identité. Ainsi, les élus qui émergent à la surface des affaires publiques ne sont pas des dilettantes, ils ne sont pas étrangers à leur entourage, à leurs électeurs et au peuple. Ils ne sont pas l'objet de simples fantasmes sans consistance mais des hommes et des femmes que le peuple choisit en toute connaissance de cause parce qu'ils ont fait leurs preuves dans l'animation de la vie publique avant de demander la confiance des électeurs. Cette trajectoire empirique de l'élu qui scelle la connaissance que son parti a de lui et la confiance de son électeur est le gage de sa légitimité potentielle. Dans toutes les démocraties du monde, telle est la voie éthique et pratique d'accès au statut d'élu. Cette voie vaut pour tout élu, à commencer par le premier d'entre eux, celui qui est chargé de prendre en mains les destinées de toute une nation, à savoir le président de la république. Or, depuis les 25 dernières années de notre soi-disant expérience démocratique, le Bénin s'est pour ainsi dire mis à l'écart de cette voie commune à toutes les démocraties du monde. Comme un enfant surdoué, imbus de nous-mêmes, et nous présentant comme des innovateurs originaux depuis que nous avons été les premiers en Afrique à faire une conférence nationale souveraine en 1989, nous nous sommes enlisés avec insolence dans une voie de travers à l'originalité douteuse ; celle qui consiste à faire venir dans l'arène politique un homme qui n'y a jamais fait ni ses classes ni ses armes. La seule motivation de ce parti pris malicieux est que le nouvel homme est un oiseau rare, un expert venu du large, et qui de ce fait aurait l'esprit tout aussi large pour apporter au pays l'expérience qu'il a acquise à l'étranger. Donnant le bon Dieu sans confession à un parfait inconnu, au détriment de nombreux autres qui ont blanchi sous le harnais des partis politiques, nous ramenons brutalement la complexité et la richesse du travail politique à des fantasmes sans fondement réel. Au Bénin depuis 25 ans, ce parti pris extraverti que constitue le parachutage présidentiel hante la vie politique du pays et est constitué même en modèle valorisé. Le mépris des partis politiques et plus particulièrement le mépris de soi des partis eux-mêmes en sont le principe. Comme le dit si bien l'ex-ministre de la justice et probable candidat à l'élection présidentielle de 2016, Victor Prudent, Topanu : « Nous sommes probablement le seul pays au monde qui se veut démocratique et qui n'a jamais réussi à porter à sa tête depuis un quart de siècle le président d'un parti politique ou un homme politique tout court. Et nous sommes le seul pays dans lequel tous ces présidents se réunissent pour appeler à voter pour quelqu'un qui n'a pas de parti politique. (…) Au Bénin, vous débarquez de nulle part et vous êtes président. Et toute la classe politique comme un seul homme se réunit pour dire : " votons pour celui-là " ». Cette aberration a beau être bizarre, on a beau l'expliquer par le naturel malicieux du Béninois, le fait de laisser croire au monde à une certaine originalité, il reste qu'elle a une histoire dont les éléments se sont accumulés et enchaînés au fil du temps. Au lendemain de la faillite du régime dictatorial du PRPB, à la conférence des forces vives de la nation, outre les représentants des divers groupes sociaux et des associations, nombre des participants pouvaient se targuer de leur identité d’hommes politiques. Mais le fait qu'ils n'eussent pas de parti politique digne de ce nom peut difficilement se justifier de l'excuse du système du parti unique instauré par le régime dictatorial au pouvoir durant les 18 années précédentes. Puisque l'un des groupes politiques qui a snobé cette conférence était le parti communiste du Bénin qui, par son combat ouvert dans la clandestinité, a prouvé qu'on pouvait exister en tant que parti politique sans appartenir au régime dictatorial qu'il a combattu de toutes ses forces. L'une des caractéristiques de la vie politique béninoise est que les partis politiques ont la vie très courte tandis que pour avoir été ministres, députés ou syndicalistes à un moment donné ou à un autre de l'histoire politique mouvementée du pays, les hommes conservent à la fois le titre et la prétention d'être des politiques. C'est ainsi qu'à la conférence nationale on avait beaucoup d'hommes prétendument politiques mais qui n'émargeaient à aucun parti politique clairement identifié. L'une des sources du syndrome du parachutage présidentiel est à rechercher dans cette situation en soi absurde par laquelle le pays avait pléthore d'hommes politiques autoproclamés mais qui en dehors du fait d'appartenir à des groupes restreints ne pouvait se prévaloir d'émarger vraiment à un parti politique connu.
L'un des partis politiques structurés dont les acteurs avaient participé à la conférence nationale, le PRD, allait formellement voir le jour en décembre 1991 ; c'est-à-dire non seulement après la conférence nationale elle-même mais aussi et surtout après l'apparition du premier président parachuté qui allait être d'entrée le premier modèle de cette mode qui oppose l'homme politique normal, émanation du sérail politique à l'expert économiste, gestionnaire censé posséder mieux que quiconque les clés du bonheur du peuple. Parce qu'il n'était pas l'homme d'un parti, bien que se considérant comme politique pour avoir été jadis éphémère ministre du budget avant la période dictatoriale puis à la fin de cette période, premier ministre de transition--poste qui d'ailleurs en toute éthique et justice aurait dû s'imposer une rigoureuse neutralité et dont l'occupant aurait dû s'abstenir de toute intervention dans la joute présidentielle. Il va de soi que le passage en force politique de Soglo et la réception favorable qu'a eue sa candidature dans l'opinion étaient basés sur la farouche volonté de tourner la page noire de la période dictatoriale, le fantasme de l'expert venu de la sphère de l'économie et du fonctionnariat international, par opposition à l'homme politique normal, considéré comme sans relief, sans attrait, sans capital international et, par-dessus le marché, affligé de tous les vices des hommes politiques que, dans sa naïveté, le peuple rend responsable de ses malheurs. Assurément, l'émergence et la fortune du modèle du président parachuté ; la valorisation au Bénin de ce profil contre nature démocratique plonge ses racines dans l'opposition naïve dans l'imaginaire politique entre l'homme politique du cru, blanchi sous le harnais d'un parti, et l'expert gestionnaire, fonctionnaire international auréolé de toutes les qualités et investi de mille et un fantasmes de miracles économiques. En annonçant la couleur en 1990, M. Nicéphore Soglo, en tant que modèle inaugural, avait quelques excuses. Il venait après 18 années de pouvoir dictatorial, et n'avait pas pu appartenir à un parti démocratique organisé qui, à l'époque, n'existait pas. Ce modèle du président parachuté va de pair avec son corollaire, le parti du président, c'est-à-dire un parti créé de toutes pièces par le président après son accès au pouvoir. La facilité de création d'un tel parti et sa santé politique, sa longévité aussi sont entièrement indexées sur les facilités financières et matérielles que confère le pouvoir. C'est ce que l'on peut appeler le parti-rivière, où viennent boire toute sorte d'animaux politiques assoiffés de profiter des passe-droits, avantages et opportunités d'affaires, occasions de détournement diverses que procure l'appartenance au pouvoir, et en quoi se résume le plus souvent la vocation politique sous nos cieux. Après le premier modèle inaugural, l'échec à la réélection de Soglo en 1995 découle de l'intériorisation active de ce procédé démocratiquement douteux consistant à créer une génération spontanée de candidat présidentiel que le peuple accepte sur la base d'un certain nombre de présupposés plus ou moins explicites qui vont tous dans le sens de la défiance des partis politiques établis. Tout se passe comme si, au Bénin, appartenir à un parti politique organisé et en être le candidat à l'élection présidentielle est le plus sûr moyen d'échouer à l'élection. Car les partis étant d'obédience tribale sinon villageoise--et en dépit de ses efforts de diversification régionale le plus ancien d'entre eux, le PRD, n'échappe pas à cette image sinon à cette fatalité--leurs candidats sont présentés à tort ou à raison comme le candidat d'une section de la nation, là où l'expert sans parti, venu de préférence de l'extérieur où il exerçait dans une institution internationale à vocation gestionnaire, est perçu comme un candidat au-dessus de la politique comprise ici au sens de politique politicienne, c'est-à-dire porteur d'une politique qui, tournant le dos aux irrationalités endémiques du régionalisme, du népotisme et de l'incompétence se proclame comme une politique rationnelle, républicaine gouvernée par l'intelligence au service du pays tout entier. Même lorsqu'en 1995, des faiseurs de roi réintroduisirent Kérékou dans la joute présidentielle alors que toute raison commandait qu'au vu de son passé il fût abandonné à sa solitude et à la pénitence des crimes et des horreurs dont il était le nom, ce n'était certes pas en tant que fonctionnaire international ni expert en économie qu’on le présenta. L'héroïsme fédérateur qu'on lui prêtait, outre son expérience d'ancien président, provenait du fait qu'il n'était en l'espèce, l'homme d'aucun parti et n'avait de liens que direct avec la nation. Mais quelle curieuse conception du lien personnel d'un homme avec une nation qu'il a, 18 années durant, enfermée dans la misère et les affres de la dictature ! Après ce parachutage de Kérékou fondé sur la mystification du lien personnel, nous assistons en 2006 au retour du modèle de l'expert international, avec l'émergence d'un inconnu sous tous rapports. Un homme qui n'avait ni nom, ni passé mais qui avait pour lui de présenter les traits caractéristiques du fantasme du héros salvateur, l'homme qui avait le profil de la mission dont dépendait le bonheur fantasmé du peuple : docteur en économie, banquier à la BOAD. Après ce succès retentissant du modèle, il a fait des émules. Abdoulaye Bio-Tchané qui présentait le même profil que le détenteur du titre n'a pas cru bon et ne croit toujours pas bon renoncer à sa chance. Dans la perspective des élections de 2011 qui seront bestialement volées par Yayi Boni, il avait cru bon pousser l'illusion de la ressemblance avec son modèle en allant jusqu'à occuper le même poste de président de la BOAD que lui, comme s'il fallait ajouter au scandale antidémocratique du parachutage présidentiel l'insulte de sa réduction à une formule suffisante. Abdoulaye Bio-Tchané a mis sur pied un treillis de rabatteurs de voix ethniques notamment parmi les ressortissants du Sud du pays très prompts à monnayer le cas échéant leurs services contre des nominations diverses : ministres, directeurs de sociétés, ambassadeurs, tout autres postes convoités ou sinécures. Mais cette horde électorale qui se targue d'être un mouvement a fait une telle fixation sur l’élection présidentielle qu'on ne voit pas en quoi elle a effectué le moindre mouvement depuis plusieurs années. En tout cas, la nébuleuse exclusivement axée sur l'élection présidentielle qu'on appelle ABT du nom de son candidat éponyme n'est qu'un navire électoral qui hante les eaux troubles du pouvoir avec l'intelligence de ne pas baisser pavillon entre deux élections présidentielles. Ce navire est à l'image des dizaines voire des centaines de clubs électoraux qui, tels des pirogues ou des chaloupes à ses côtés, sont prêts à faire alliance ou porter au pouvoir un E.T. présidentiel, héros politiquement exogène qui a le vent en poupe. Enfin, le syndrome du parachutage présidentiel, rend raison du phénomène des candidatures spontanées dont il est le modèle à la fois idéal et suprême. Parmi les candidatures spontanées, on distingue au moins deux sortes de modalités opératoires. Il y a d'une part les candidatures soutenues par un parti créé pour la circonstance et qui n'est que la formalisation et la vitrine d'un groupe restreint, sociologiquement situé. Ces clubs électoraux utilisent l’élection présidentielle comme un tremplin pour leur évolution vers une formation qui, à la faveur des alliances opportunistes bien nouées et en faisant valoir leur score électoral, accède au sein du pouvoir, comme composante de la future alliance ou parti présidentiel. L'accès au pouvoir, la prise de sa part du gâteau est l'objectif de ces groupes pour qui la politique est d'abord et avant tout un moyen d'avoir la haute main sur une parcelle du bien commun et d'en disposer à sa guise, à travers corruption, népotisme et détournement sous la houlette éthique de l'impunité garantie par le pouvoir. L'autre modalité de la candidature spontanée est la candidature sans fioritures qui ne s'embarrasse pas des formes, et qui prend le parachutage présidentiel comme modèle absolu et direct. Ce sont ces nombreuses candidatures personnelles sans parti mais qui, contrairement à ce qui peut se passer ailleurs, ne se veulent ni de complaisance ni de témoignage. Elles contiennent en elles le ferment du fantasme présidentiel et trahissent jusqu'à la limite de la caricature la fausse représentation de la fonction et de la formation présidentielles comme ne relevant pas d’un savoir-faire ni d’un métier politiques mais d'une disposition générale au commandement. Cette conception de la fonction et de la formation politiquement neutre du président participe de la toute-puissance du président dans un régime présidentiel, toute-puissance d'un homme qui est maître de tout, mais en dernier ressort responsable de rien. Et c'est à la fois la toute-puissance et l'irresponsabilité garantie du président de la république, le fait que même son bilan n'entre pas en ligne de compte sinon pour la postérité du moins pour son éventuelle réélection, qui font l'attrait mais aussi la majesté de la fonction présidentielle au Bénin. Au total, pour comprendre et rendre raison du parachutage présidentiel, il faut remonter à l'origine de nos états africains. Nos états sont héritiers de la violence coloniale de domination et d'exploitation. Après la colonisation, cette situation a été perpétuée par les repreneurs locaux qui se disent hommes ou femmes politiques. Ces néo-colonisateurs locaux ont conçu de la politique un moyen d'enrichissement. Ignorant ou feignant d'ignorer au passage la différence du rapport entre exploités et exploiteurs existant entre la période coloniale et la période postcoloniale. Avant, c'étaient les Blancs qui exploitaient les Noirs, maintenant c'est une petite classe de Noirs qui maintiennent leurs propres congénères dans la misère, l'ignorance et l'exploitation. L'enfermement ou le repli sur le modèle de la politique comme moyen d'enrichissement a été rendu implacable par le fait que la décolonisation africaine n'était que tactique, les portes de l'entreprenariat économique et de la production capitaliste autonome ont été implacablement fermées aux Noirs et aux Africains. Les Africains ne doivent rien fabriquer, rien entreprendre, rien produire par eux-mêmes. Ils doivent être réduits à un rôle de revendeurs, de sous-traitants et surtout de consommateurs de la production capitaliste occidentale. Ce décret anthropologique réducteur, qui prolonge les violences du passé a fait qu'en Afrique, la politique est devenue plus qu'ailleurs une source de richesse pour ceux qui s'y adonnent. Elle est même la seule source principale de richesse sur un continent qui ne participe au mouvement capitaliste du monde que comme ventre ou anus. Cette logique du repli négatif sur un territoire résiduel marque la politique en Afrique. En effet toutes les voies d'expression de la libido operandi des Africains étant bouchées par la mainmise léonine et les décrets néocoloniaux des Occidentaux, les Africains se sont rabattus sur la politique conçue non pas comme une activité de gestion de la vie de la collectivité en vue de l'amélioration du sort de chacun de ses membres, mais plutôt comme bizness pour ceux qui s'y adonnent. C'est de là que vient l'engouement en Afrique pour l'activité politique qui plus qu’ailleurs génère beaucoup de violence pour y accéder. Si la politique avait été un sacerdoce dénué de toute perspective de rentabilité matérielle et économique pour ses entrepreneurs, alors très peu d'entre eux se bousculeraient à son portillon. La politique étant conçue comme source unique d'enrichissement au Bénin, la constitution donnant dans un régime présidentiel tous les pouvoirs au président, on comprend que qui accède à ce poste à la haute main sur la source d'enrichissement. C'est pour cela que des groupes d'intérêts ou parfois un quarteron de manipulateurs émanant du monde des affaires trafiquent pour mettre à la tête du pays un homme dont ils espèrent tirer les ficelles. Quand, comme dans le cas de Kérékou, ils y parviennent, on parle « de démocratie apaisée » ; mais quand, comme dans le cas que nous vivons actuellement, ils n'y arrivent pas tout à fait à leur guise, la machine se grippe et des conflits éclatent entre les marionnettistes financièrement puissants et la marionnette politiquement puissante. Telles sont donc la raison et l'origine du phénomène du parachutage présidentiel au Bénin. Ce phénomène montre que ce n'est pas la vie politique du pays au sens éthique du terme qui intéresse le parachuté ou ses hommes de main mais plutôt le pouvoir de s'enrichir et de permettre à une certaine classe d'en faire autant. Que cette dérive antidémocratique soit devenue la norme et l'habitude au Bénin depuis les vingt cinq dernières années est en définitive une source de préoccupation. Cette aberration questionne l'authenticité de l'expérience démocratique, et la réalité de la souveraineté du peuple qui est au principe de toute démocratie ; enfin, elle jette de sérieux doutes sur sa capacité à atteindre les nobles idéaux du Renouveau démocratique.
Prof. Cossi Bio Ossè
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Peut-on même parler d'alternance au Bénin au sens strict du terme ? Puisqu'il y a alternance lorsqu'un parti qui s'est clairement présenté aux élections et, suite à sa victoire, a gouverné, quitte le pouvoir après un échec électoral et est remplacé par un autre parti vainqueur clairement identifié. Or au Bénin ce genre de choses n'a jamais eu lieu. Alors où est l'alternance dans tout ça ?
Rédigé par : B.A. | 25 janvier 2015 à 13:15
Un exemple pour bien comprendre le sort de la vie politique en Afrique est donné par une réalité de la vie socioéconomique en France, dont le premier ministre Manuel Valls a, dans le feu de l’émotion créée par les attaques terroristes de ces derniers jours à Paris, admis l’existence d’une logique d’apartheid dans certains espaces on fonctionnements sociaux du pays. Cet aveu opportuniste qui se voulait courageux ne dit pas tout mais il éclaire l’observateur attentif de la vie socioéconomique de la France. En France l’espace commercial et entrepreneurial est un désert de Noirs. Toutes les autres races y sont représentées, sauf les Noirs. On trouve des Blancs -- qu’ils soient européens, arabes ou juifs -- des asiatiques -- qu’ils soient indopakistanais ou chinois --, mais les Africains y sont rares. Même dans le commerce des produits tropicaux, à part le marché de Château d’eau dont la clientèle est à 90% noire et où ils sont en concurrence avec les Asiatiques, on trouve plus de Chinois, de Vietnamiens ou d’Indopakistanais que d’Africains. Pour toute sortes de raisons, les Noirs et surtout les Africains -- parce que le vice des contraintes administratives et les conséquences pluriséculaires de la bêtise humaine parviennent à instaurer là aussi une distinction entre Africains et Antillais--- sont totalement absents du monde du commerces et de l’entreprise libérale à clientèle libérale. En fait en France le Noir n’est pas du tout un animal commercial, il ne peut rien vendre aux autres : car ni le Noir, ni les autres races n’ont envie d’acheter chez le Noir, et l’ambiance ainsi naturalisée semble seoir à tous. La profession classique des Noirs oscille entre celle de médecin et de balayeur. Le fait d’avoir une boutique et de la gérer par soi-même est antinomique avec et l’image et la condition du Noir en France. Mis à part bien sûr les restaurants africains dont certains propriétaires cachés sont même des Blancs, et surtout les boutiques de coiffure. Comme le dit le proverbe fon : « yé man tou nou amion-non : ényi alɔ tché nou houé a »
Si bien qu’absents ou évincés de tous les secteurs du commerce associés à l’image du gestionnaire propriétaire responsable, le Noir et surtout l’Africain n’est devenu maître que des seuls secteurs marginaux de la restauration et de la coiffure ethniques. Seuls secteurs que le Blanc, dans sa bonne volonté s’estime incompétent à prendre en charge.
Cette logique de l’éviction et du repli sur un territoire résiduel est la même qui touche la vie politique en Afrique.
Rédigé par : B.A. | 24 janvier 2015 à 21:42