Au Bénin par exemple, des journaux affichent ostensiblement le hashtag consacré, « Je suis Charlie hebdo ». Les professionnels des médias, à travers leurs syndicats ont pondu une déclaration commune, expression de leur émotion et de leur soutien à leurs confrères français. « La CNPA-Bénin et l'UPMB peut-on lire dans cette déclaration, tout en exprimant leur solidarité à la presse française, aux parents des victimes, appellent tous les journalistes du monde entier , tous les républicains, tous les démocrates, tous ceux qui sont épris de liberté, de paix et de justice et tous les acteurs des médias du Bénin, à la mobilisation pour demander plus de protection aux journalistes afin que triomphe partout la liberté d’expression. » En dépit de cette envolée empathique, signalons que le drame intervenu en France se pose moins en termes de plus de protection aux journalistes qu’il ne renvoie à la problématique de la liberté d'expression et du recours à la violence aveugle au cœur de la cité. La solidarité humaine et professionnelle louables des journalistes béninois envers leurs confrères français dans l'hécatombe de Charlie hebdo détonne par rapport à l'indifférence et au silence de mort qu’observent dans des cas similaires en Afrique les mêmes instances et les mêmes professionnels aujourd'hui si affectés. Par exemple, au Nigéria voisin, Boko haram décime et massacre régulièrement des journalistes sans que leurs collègues béninois n'expriment la moindre émotion. Entre autres journaux nigérians visés, le 26 avril 2012, le journal THISDAY a fait l'objet d'une double attaque à la bombe simultanée qui a ravagé ses locaux à Kaduna et à Abuja, laissant une dizaine de morts et de nombreux blessés. Où étaient nos fameux professionnels, les journalistes et les organes de presse qui dans une belle unanimité, expriment leur compassion aujourd'hui dans la tragédie qui frappe la France ? En Afrique, le Bénin n'est pas le seul pays qui se signale par son indifférence vis-à-vis des tragédies qui frappent la presse sur le continent et dont certaines atteignent sinon dépassent le niveau de barbarie démontrée par les assassins de Paris. Mais le Bénin est trop voisin et trop frère du Nigéria pour que cette compassion sélective ne soit pas stigmatisée. Comme dans toutes choses que nous faisons depuis nos soi-disant indépendances, tout se passe comme si nous vivions sous le règne du mimétisme attentiste et que nos initiatives et nos sentiments ne prennent existence et consistance que comme ombre portée de ce que font ou ressentent nos maîtres occidentaux. Quand ils disent qu'il y a souffrance quelque part nous souffrons ; et quand ils ne disent pas qu'il y a souffrance quelque part nous ne souffrons pas. Et pourtant les Blancs ne nous attendent pas pour exprimer ce qui les touche au plus profond d’eux. Nous attendons peut-être qu'ils initient ce qu'on peut appeler le Tombeau de l'Esclave Inconnu, avant qu’éventuellement nous n’érigions de tels monuments en l'honneur des millions de nos ancêtres qui furent déportés dans le courant pluriséculaire de l'esclavage transatlantique. Mais bien évidemment les Blancs ne le feront jamais et, comme nous ne faisons que répercuter leurs faits et gestes, l'idée d'un tombeau de l'esclave inconnu restera nulle et non avenue. Pourquoi attendons-nous toujours que les occidentaux aient donné de l’importance ou conféré existence aux choses avant de nous décider à en faire autant ? Cela étant dit, quant à moi, je me hâte de dire que « Je suis Charlie Hebdo aujourd’hui comme j’ai été naguère THISDAY. »
Adenifuja Bolaji
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