Voici une petite liste de probables candidats à l'élection présidentielle de 2016 au Bénin. Cette liste a été recueillie dans une publicité sur un siteˡ béninois qui présente ce qu'elle appelle les « probables candidats » à l'élection présidentielle. La publicité est visible depuis plusieurs semaines sur le site et ses supputations ainsi que leurs contenus ne sont pas démentis par les intéressés.
Oh non, il n'est pas insinué ici que les personnes concernées songeraient à dénier aux auteurs de cette publicité leur liberté d'expression et d'opinion basée sur une observation de la vie politique. Mais pour ce qui est de leurs images, il va de soi qu'elles n'apparaissent pas au hasard et que chacun de ces candidats probables a donné son aval à l'image de son choix, l'a voulue telle qu'elle apparaît dans la publicité. En somme, il ne s'agit pas d'images volées et réunies à la sauvette, d’images utilisées à leur corps défendant ; mais leur sélection s’inscrit parfaitement dans la continuité de l'image qu'ils veulent donner d'eux-mêmes, du message qu'ils veulent faire passer, de leur posture, du discours visuel qu’ils tiennent et de la définition préalable de la cible de ce discours visuel. Alors qu'est-ce qui saute aux yeux dans ces images pour ainsi dire homologuées ? Que sur 8 candidats, 5 sont en costume trois pièces et cravate, 1 candidat est en bras de chemise avec cravate ; et 2 candidats sont en tenues que l'on peut caractériser de régionales, à défaut de nationales. Sur les 8 hommes politiques, candidats probables à l'élection présidentielle, 75 % sont donc habillés en tenue occidentale et 2, soit 25 % en tenue régionale à connotation identitaire. Alors se pose un certain nombre de questions. D'un point de vue régionaliste, on constate déjà un déséquilibre entre le nombre de candidats selon les régions. Parmi les candidats, 6 sont d'origine proto-adja, ce qui fait 75 %. Deux sont d'origine Nord, provenant de départements différents. L'un étant du Nord-Ouest, l'autre du Nord est. Si on s'en tient à leurs seuls prénoms comme indicateurs de leur confession, on peut affirmer que 7 de ces hommes politiques sur 8 soit 87,5 % sont de confession chrétienne. Et enfin un seul, Abdoulaye B.T. est de confession musulmane. Abdoulaye B.T. est le seul à ne pas partager des traits communs à tous les autres candidats, notamment ceux qui forment une majorité soit de par leur région, soit de par leur religion. On peut en déduire que la singularité vestimentaire régionale qu’Abdoulaye B.T. partage avec le probable candidat Éric Houndété n'a rien d'aléatoire ni de fantaisiste. Alors que la singularité d'Éric Houndété peut se poser comme une singularité voulue, porteuse d'un discours d'authenticité, l'image et l'accoutrement de Abdoulaye B.T. sont d'une nature, d'une prudence et une posture éminemment sociologique. C’est une image qui veut s'adresser d'abord à sa base ethnique, religieuse et régionale avant de s'adresser au Béninois lato sensu ou générique. Les cercles concentriques, passablement en forme d'arc-en-ciel qui sont sur le fond de l'image renvoient in fine à cette thématique azurée à connotation religieuse. Pourquoi cette hiérarchie dans la cible de son discours visuel ? Eh bien parce que, compte tenu de la spécificité de sa posture identitaire, ce candidat probable ne veut pas courir le risque de se noyer dans la multitude générique du candidat national et perdre ce faisant le noyau primordial de ses électeurs et sympathisants de base. En s'affirmant dans son origine Nord Ouest et dans sa religion musulmane, en restant égal à lui-même, en apparaissant comme il est, Abdoulaye B. T. fédère dans un premier geste le noyau ethnique, identitaire et religieux à partir duquel pourront s'agréger d'autres éléments d'appoint à caractère national. Dans le même temps, tous autant qu'ils sont, la grande majorité des candidats probables du Sud adopte une stratégie qui peut apparaître contraire à celle du candidat Abdoulaye B. T. Mais une stratégie qui en réalité est complémentaire plutôt qu’opposée. En fait, comme les candidats sudistes vont en masse aux élections, disséminant de ce fait leur voix et réduisant la chance d'un homme du sud d'être élu, les candidats du sud croient pouvoir, dans une image occidentalisée, régionalement neutre, attirer des électeurs cosmopolites non nécessairement issus de leur département sinon de leur région ; notamment et expressément des candidats originaires du Nord. Ils s'affichent d'entrée comme des candidats nationaux en attribuant à l'électeur nordique extrarégional les dispositions à la haine de soi sur la base desquelles, au sud, on appréhende la vie électorale et d'une manière générale la vie politique. Ces hommes politiques du sud pensent qu’en euphémisant sinon en neutralisant le discours régional ou identitaire dans leur vêtement et dans leur image, ils se donneraient quelque chance d'attraper des candidats au-delà de leur département, étant entendu que ceux de leur propre extraction leur sont acquis. Il va de soi que cette stratégie et cette posture sont illusoires et vouées à l'échec car aucune personne qui a un sens si tant soi peu harmonieux de soi--ce qui est le cas des gens du Nord --- ne base son choix présidentiel sur une image aseptisée qui, au-delà des promesses verbales, ne lui ressemble ni d'Adam ni d'Eve, ne lui parle nullement ni au cœur ni aux tripes. Mais on ne se refait pas, et le sud est déjà dans sa logique, et dans son propre piège. Comment saurait-il en être autrement lorsqu’au sud les ténors sont enclins à vendre la maison pour habiter au champ ; se portent candidats en masse à l'élection présidentielle dans leur intérêt personnel alors qu'au Nord on y va dans l'unité, la conscience de l’identité et de l’intérêt collectif?
ˡ dans la panique générée par la publication de cette note, le site [24 Heures] vient de supprimer la publicité référencée
Alan Basilegpo
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