Au fur et à mesure que se profilent les élections présidentielles prévues au Nigéria au mois de février 2015, le ton monte entre le PDP au pouvoir et l’APC, le grand parti de l'opposition qui ambitionne de lui succéder. Entre les deux partis et leurs ténors, Obasanjo qui en veut à Jonathan d'être devenu incontrôlable joue les snippers avec de petites phrases assassines destinées spécialement au président. Une véritable guerre des mots à l’ombre de la vraie guerre. Ainsi, lors d’un rallye de l'opposition, un ténor de l'opposition et ennemi personnel de Jonathan qui le considère comme traître, M Amaechi, le gouverneur de l'État de Rivers--État frère de celui dont Jonathan était gouverneur--s'est fait entendre sur la question des fraudes électorales qui obsède le landerneau politique nigérian. « Si les élections de 2015 sont truquées [mon] parti n'ira pas à la cour suprême demander justice mais entrera dans une logique de désobéissance civique, et formera un gouvernement parallèle ». Ce sur quoi, le sang du gouvernement Jonathan n'a fait qu'un tour, bien que M. Amaechi n’exprimât que la position officielle de son parti. Il faut dire que Jonathan développe une sensibilité exacerbée par rapport à son image dans l'opinion et se comporte comme si la victoire électorale était conditionnée par une victoire de logomachie. De ce point de vue, la communication présidentielle ne se contente pas de répondre du tac au tac aux déclarations publiques des ténors de l'opposition, elle y met de la forme, de la surenchère, donnant volontiers dans l'hyperbole à la limite du pédantisme ; comme si la victoire politique était d'abord rhétorique. La déclaration du gouverneur Amaechi--qui ambitionne le poste de vice-président aux prochaines élections sur le ticket du général Buhari-- est tenue par la présidence pour des propos séditieux passibles d’un jugement de haute trahison. Et à des sbires du pouvoir, tels le polémiste et ex-ministre de l'aviation, M. Femi Fani-Kayode, devenu un croisé de la réélection de Jonathan après l’avoir combattu férocement, d'exiger l'arrestation immédiate de M. Amaechi--éventualité pourtant peu probable en raison de l'immunité dont bénéficient les gouverneurs. De son côté, depuis plusieurs semaines, bien qu'étant formellement membre du PDP, Obasanjo n'hésite pas à attaquer Jonathan à fleuret moucheté. Dans une conférence tenue la semaine précédente sur l'énergie, il a blâmé la mauvaise politique énergétique de ses prédécesseurs, tenue pour responsables de l'État calamiteux et du faible niveau de la production électrique du Nigéria.
Malgré la généralisation subtile du propos, le clin d'œil critique à l’endroit de Jonathan n'est pas passé inaperçu. La communication présidentielle a aussitôt répondu en sortant des chiffres qui montrent selon elle l'effort exceptionnel que Jonathan aurait fait dans le domaine énergétique, tout en rappelant l’échec mémorable et cuisant de Bola Igue, l’ex ministre de l’énergie défunt d’Obasanjo qui avait promis de régler la question de l'électricité en six mois et qui, là-dessus, s’était cassé la figure.
De même, en fin de semaine dernière, Obasanjo a encore lancé une pique en direction de Jonathan, et ce sans tourner autour du pot ni prendre des gants. Dans une déclaration faite à Abeokuta lors d'une rencontre avec des écrivains, et rendue publique par le journal Punch, l'ex-président a qualifié les performances de son successeur de médiocres. Ce à quoi, fidèle à sa réactivité maladive, la présidence, peu avare d'autocongratulation, a laissé entendre que Jonathan était le meilleur président du Nigéria de tous les temps ! Voilà en gros l'atmosphère de guerre verbale dans laquelle s’agite le landerneau politique nigérian à quelques mois des prochaines élections. Une guerre de mots en marge d'une guerre autrement plus meurtrière, celle que mène la secte Boko Haram au pays tout entier et dont on se demande si sa troublante persistance ne doit pas un tant soit peu à ces mêmes élections.
De notre envoyé spécial, Biodun Akinwande
|
|
|
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.