Pourquoi, dans ce qu'on appelle le Renouveau Démocratique au Bénin, l'habitude a été consacrée de mettre en place un président-pantin ? Un tchitchavi habilement nommé « oiseau rare » dont un syndicat de manipulateurs intéressés détient les fils.
La culture en est consacrée. Soglo a certes accédé au pouvoir par violation de la promesse de ne pas présenter sa candidature après avoir été premier ministre de transition. Cette trahison d'un accord tacite, et ce qu'on a appelé l'arrogance de Soglo ont suffi pour qu'il se mette à dos tout le système des faiseurs de roi. L'affirmation de son autonomie en tant que président, aussi bien au national qu’à l'international, a été la raison de sa mise à mort présidentielle en 1995. La haine de soi béninoise et l'esprit de sorcellerie ont fait le reste. Tout à coup, pour l'évincer, le syndicat a porté le masque de la haine de soi et s'est fait gloire de déjouer les lois identitaires qui sont au principe du régionalisme en politique. Son mot d'ordre est « un pantin ou rien ». Et ce fut pire que rien, c'est-à-dire le retour de Kérékou ; un retour qui intervint en dépit du bon sens, en dépit de l'aspiration au progrès et à la marche en avant de l'intelligence dans la vie sociopolitique. Kérékou, qui savait la condition de son retour et ce qu'il en coûterait de ne pas en respecter les prescriptions, joua à la perfection son rôle de pantin. Son pouvoir qui n'existait que parce qu'il y avait renoncé tout à fait et se complaisait dans le laisser-faire généralisé, symbolisait l'intelligence de son rôle de pantin. Son régime était comme un champ de victuailles ou les membres du syndicat mangeaient à leur guise, selon le principe de l'échange de bons procédés. La conséquence a été le pillage, la mise en coupe réglée du pays scellée dans l'impunité. L’impunité inaugurale frauduleuse et immorale, qui a été le prix du chantage à la paix dont a bénéficié Kérékou, a été généreusement étendue au syndicat. Une noria de pilleurs sans état d'âme qui ont compris que la politique était une source merveilleuse d'enrichissement, s'arrange pour « faire venir » un président qui a pour mission essentielle de transformer leurs rêves en réalité. La technique en est rodée. Les élections ne servent à rien, dans le sens où ce qui prévaut ce sont surtout les intrigues, les conspirations et les consensus frauduleux du syndicat des profiteurs, bien décidé à faire main basse sur les richesses nationales. Ils n’inventent rien, ne créent rien, mais financent l'arrivée au pouvoir du président-pantin et en attendent plus que le retour sur investissement, la fantaisie de l'accumulation et du détournement dans une mascarade permanente des formes et des procédures légales. Appels d'offres, procédures gré à gré, élections truquées et tutti quanti. C'est ainsi que Kérékou ayant échoué à se pérenniser, il leur fallait un nouveau pantin. Ce n'était pas tant la haine fratricide contre HOUNGBÉDJI que le fait que celui-ci, de par sa trajectoire, son habitus, et son identité politique, était l'antithèse même du pantin. Si le syndicat s'est wologuèdèïsé en 2006 contre HOUNGBÉDJI c'est parce que HOUNGBÉDJI, avec son insertion régionale, son parti politique, son expérience et ses moyens n'étaient pas bon pour l'emploi. HOUNGBÉDJI n’était pas prompt à saliver devant les appâts classiques avec lesquels le syndicat capture l’oiseau rare alias le président-pantin dans sa nasse. La plupart d'entre eux étant du sud, sudiste lui aussi, HOUNGBÉDJI ne conçoit aucun complexe à leur égard. Non, décidément non, cet homme est d'une structure trop autonome pour jouer les pantins. C'est pour cette raison, et cette raison seule que le syndicat s’est ligué contre lui. C'était a priori une question de calculs et d’intérêt. En 2006, pour justifier ce rejet crapuleux, on a présenté son antithèse sous les dehors de la jeunesse, du changement. Et quand HOUNGBÉDJI disait « qui veut changer quoi, avec qui ? » les cyniques faisaient mine de conférer à son interrogation triviale plus de signification énigmatique qu'elle ne contenait. La haine fratricide aurait-elle justifié que ces braves gens amenassent un homme dont ils ne savaient rien pour en faire un président ? Un homme qui n'avait jamais fait un discours public pendant 30 minutes, que personne ne connaissait ni d'Adam ni d'Eve. En vérité, c'est que, loin d'être énigmatique, l'interrogation de HOUNGBÉDJI mettait le doigt sur les intentions réelles du syndicat et la division du travail politique qu'il envisageait de mettre en œuvre. Au pantin de « pantiniser » en rond comme naguère Kérékou le fit à la perfection, et au syndicat des pilleurs et sangsues de piller et de sucer le sang du peuple en toute tranquillité dans la comédie démocratique dont la supercherie inaugurale est incarnée par les élections elles-mêmes. Quand Yayi Boni apparaît sur la scène de ce théâtre loufoque, ceux qui comme ils le disent eux-mêmes l'amenèrent au pouvoir n'attendaient pas autre chose de lui qu'il jouât à la perfection le jeu du pantin façon Kérékou. À l'instar de son prédécesseur, Yayi Boni devait, dans une passivité entendue, permettre à chacun de faire ses affaires : qui d'avoir le pouvoir ministériel qu'il désirait, qui une sinécure d'où ils siphonnerait le denier public, profiterait de somptueuses affaires de corruption en toute impunité ; qui se verrait attribuer tel marché ou tel contrat juteux sur lequel il guignait depuis des lustres, raison pour laquelle il avait apporté sa généreuse contribution à l'élection du nouveau pantin, dénommé pour lors « l’oiseau rare ». Or à malin, malin et demi, si Yayi Boni est tombé de nulle part dans l'arène politique, on ne peut pas dire qu'il soit l'idéaltype du pantin, le président falot qui se laisse manipuler par une noria de petits malins de l'ombre. Ces bailleurs croyaient avoir trouvé en sa personne l'allégorie parfaite des traits distinctifs de l’exécuteur effacé de leur volonté mais mal leur en a pris car, en matière de présidence de République, Yayi Boni était pétri d'une cargaison de rêves épiques, de fantasmes longuement ruminés, et férocement chevillés au corps et à l'âme. Ceux qui voulaient l’instrumentaliser pour leurs objectifs égoïstes ont tôt fait de réaliser que tel était pris qui croyait prendre. En fin rusé, Yayi Boni n'a certes pas abattu son jeu d’un seul coup. Après s'être inscrit en faux contre le présumé contrat aux termes duquel l'aile politique du syndicat des pilleurs lui aurait accordé son soutien--condition symbolique de vraisemblance de la supercherie électorale qui l'avait plébiscité--Yayi Boni s'est attelé à décevoir tour à tour ses nombreux faiseurs de roi. Cette épopée de la déception était entée sur un projet inverse, celui de l'édification de son propre monde politique composé de ceux que Yayi Boni appellera sans états d'âme « les miens du pays profond ». Si ceux qui l’avaient « amené », sorti du néant spéculaient sur sa solitude politique et identitaire pour mieux assurer de le tenir sous leur joug, Yayi Boni, qui n'était pas un homme sans rêve ni projet, se lançait à corps perdu dans la construction d'un édifice politique de référence dont le liant idéologique était le régionalisme. Et, comme en vérité, il n’était reconnu comme typiquement représentatif d'aucune des régions dont il se réclamait, Yayi Boni était obligé d'en faire plus que de raison. D'où la surenchère régionaliste et l'aveuglement tribaliste qui lui collent à la peau comme une seconde nature, alors qu'en vérité ces travers d’un autre âge n’étaient que la conséquence de sa lutte farouche d'affranchissement politique. Aujourd'hui, ses détracteurs--en dehors des militants communistes dont l'attitude de rejet à son égard n'a pas varié depuis 2006, et bien sûr de sa victime permanente qu’est le PRD--ses malicieux détracteurs ont beau jeu de l'affubler de tous les défauts du monde, de monter en épingle ses vices et ses excès. Mais ils oublient trop vite que ce dont Yayi Boni est le nom aujourd'hui, c'est-à-dire un autocrate ténébreux, antidémocrate, aveugle, velléitaire, médiocre et corrompu, n’est que le résultat dialectique de leurs liaisons dangereuses.
Amagbénon Bernardin
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