Le Nigeria a connu un raid du virus Ebola qui y a fait grand bruit et causé la psychose pendant près de trois mois. Le virus ayant frappé dans l'État de Lagos, le plus peuplé de ce géant africain de 150 millions d'habitants, fortes étaient les inquiétudes d'une hécatombe à grande échelle. Mais, Dieu merci, le virus a été pour l'instant contenu, et les Nigérians respirent après cet épisode qui menaçait de tourner à la catastrophe. En trois mois d'activité, le virus a eu raison de la vie de quatre personnes en dehors du Libérien Patrick Sawyer qui en était le vecteur incident. L'hôpital qui accueillit ce Libérien,The First Consultants Hospital sis à Obalende à Lagos, avec son personnel a joué un rôle louable dans la gestion courageuse et responsable de l'épidémie. Mais le nombre de victimes de cet épisode semble relativement élevé au regard de sa source unique. L'arrivée du seul Patrick Sawyer à Lagos et son accueil au First Consultants Hospital ont déterminé la contamination d'une dizaine de personnes et fait quatre victimes irréparables. Sachant que la contamination suit une croissance exponentielle, on imagine ce qu'il en aurait été dans l'hypothèse d'une multiplicité incontrôlée de sources incidentes de la contamination. Si le sacrifice consenti par la ville de Lagos et plus particulièrement par l'hôpital d'accueil en trois mois est élevé, on commence en revanche à en savoir un peu plus sur les causes de ce lourd bilan. La plainte portée hier par la direction de l'hôpital d'accueil du Libérien contre l'ambassadeur du Liberia au Nigeria jette une lumière assez édifiante sur les raisons du taux de contamination aussi élevé pour une source et un lieu de propagation uniques. Le First Consultants Hospital a en effet porté plainte contre l'ambassadeur libérien pour complicité de contamination, et accusé l'ambassadeur d'avoir placé l'établissement sous pression afin qu'il libère Patrick Sawyer contre l'avis de sa direction. L'hôpital a aussi affirmé que l'ambassadeur Libérien l'avait menacé de poursuites judiciaires si Patrick Sawyer n'était pas libéré. Selon le docteur Benjamin Ohiaeri, directeur médical de l'hôpital, l'ambassadeur libérien serait allé jusqu'à dire que « si nous continuions à garder Patrick Sawyer contre son gré, cela équivaudrait à un kidnapping et un abus de ses droits humains. Il a dit que si nous le libérions pas, nous allions exposer notre établissement à un charivari diplomatique international et qu'il n'excluait pas la possibilité d'une plainte judiciaire. » Face à cette pression très forte, l'hôpital et ses dirigeants ont fait bloc. En l'occurrence la ténacité du Dr Adadevoh a été déterminante dans la résistance à la pression de l'ambassadeur libérien. Patrick Sawyer a joué lui aussi sa partition personnelle dans cette pression diplomatique, a fait savoir le Dr Ohiaeri, qui a révélé comment le Libérien n'a pas hésité à lâcher la bride à la terreur de contamination biologique sur le personnel de l'hôpital. « Parce que nous ne l'avons pas laissé partir, M. Sawyer a laissé libre cours à sa terreur biologique sur le personnel, a dit le Dr Ohiaeri. Il se savait contaminé par Ebola, il était si emporté qu'il n'a pas hésité à répandre partout son sang dans le but de contaminer le personnel. » Résultat de cette pression diplomatique et de la terreur biologique qui s'ensuivit : « Nous avons perdu quatre membres clé de notre personnel y compris le Dr Adadevoh qui a travaillé ici pendant 21 ans, le Dr Amos Abaniwo, notre consultant en chef anesthésiologie et directeur du service clinique, a été avec nous pendant 16 ans. Le Dr Adadevoh est décédée en laissant mari et fils, le Dr Abaniwo est décédé en laissant sa femme et ses trois enfants, la troisième personne qui est morte est l’infirmière Ejeleonu, elle avait juste commencé à travailler avec nous ce jour-là. A notre insu, elle était enceinte de deux mois et elle est morte avec la grossesse. La quatrième personne qui est morte est l’infirmière Evelyn Uko qui avait travaillé avec nous pendant les 31 dernières années. Elle était veuve, élevant seule ses quatre enfants, elle est décédée, nous les laissant -- tragédie multiple quand on sait que les quatre enfants ont été chassés de leur maison à cause de la stigmatisation. Alors, prendre soin d’eux est un surcroît de charge pour notre Hôpital ».
Telles sont les raisons pour lesquelles l’hôpital a porté plainte contre l’Ambassadeur du Libéria. Espérons qu'au-delà d'une pure formalité judiciaire légitime, la partie libérienne sera placée effectivement devant ses responsabilités. Il y va de la mémoire des victimes et de la vie des survivants.
Binason Avèkes
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