On se souvient qu'en décembre 2013, l’ancien Président du Nigeria, Obasanjo, a écrit une lettre à son successeur, Jonathan, lettre dans laquelle il lui disait ses quatre vérités. Les motivations principales de cette lettre tournaient autour du non-respect par Jonathan d’une présumée promesse de ne pas se représenter aux élections présidentielles. Ce type de promesse légendaire en Afrique qui n’est jamais tenue. Dans sa lettre, Obasanjo accusait également Jonathan d’entraîner des milices de violence pour les prochaines élections. De même a-t-il fait état de l’existence d’une liste noire de personnalités à éliminer avant les élections. Obasanjo stigmatisait aussi la connivence politique avec le richissime Kashamu, un de ses anciens financiers et amis passé du côté de Jonathan et qui serait accusé par la justice américaine d’être un baron de la drogue. Les révélations de Obasanjo, surtout venant de la part d’un ancien président d’origine militaire, ont fait froid dans le dos à plus d’un observateur et suscité beaucoup d’inquiétude chez les Nigérians. Elle a donné lieu de la part de Jonathan à une réaction véhémente dans laquelle, balayant d’un revers de main les accusations de son prédécesseur, il l’accusait d’affabulation, de mauvaise foi, et d’incompétence morale et intellectuelle. Charge contre charge, donc, version contre version. La joute a fait grand bruit. Les Nigérians qui ont suivi ce combat de gladiateurs au sommet sont restés perplexes et troublés, en priant que le pire épargne leur pays déjà bousculé de toute part. Mais si le temps est passé, les questions de fond restent intactes. Car comme l’avait annoncé Obasanjo, dans sa lettre, l’ancien président est resté droit dans ses bottes et en réserve du parti dont il est l'un des fondateurs. Obasanjo désapprouve l’émancipation de son ancien protégé devenu président, et surtout sa volonté de passer outre une promesse présumée de ne faire qu’un seul mandat. Obasanjo craint pour la paix du pays et est de ceux qui pensent que ce serait justice que la présidence basculât au Nord lors des prochaines élections, suivant un principe d'alternance régionale tour agrée dans le parti. Mais tout devient une question d’interprétation, et violente est le désir de Jonathan de rempiler. C’est pourquoi avec le recul du temps, et les élections qui se rapprochent à grands pas, le camp du président veut espérer que baba, comme on appelle Obasanjo, est susceptible de mettre de l’eau dans son vin. Aussi depuis quelque temps, les hérauts de Jonathan lancent-t-ils une offensive de cajolerie en direction de Obasanjo ; des ballons d’essai pour voir si le vieux président est récupérable et à quel prix. Dans un communiqué publié à Abeokuta, M. Obasanjo a réagi hier aux appels du président national du PDP au pouvoir, Alhaji Adamu Muazu, du président du Sénat, David Mark et de l’ancien gouverneur de l'Etat d'Ogun, M. Gbenga Daniel Otounba, implorant le mercredi dernier son pardon et l’invitant à revenir dans le parti. « Prétendre m’inviter à revenir au PDP est une erreur et une fausse déclaration, dans la mesure où je n’ai jamais quitté et ne quitterai jamais le PDP. Je l'ai dit avant et je vais le dire encore une fois, je suis devenu président du Nigeria sur la plate-forme du PDP et pour cette seule raison, je resterai militant du PDP aussi longtemps que je serai membre d'un parti politique. Olusegun Obasanjo Comme on le voit, la lutte promet d’être âpre, le marchandage serré. In fine, Obasanjo pose ses conditions et les hiérarchise. Il n’a pas parlé de candidature à l’élection de Jonathan qui du reste n’est pas officiellement annoncée. Il a rappelé en exemple le grief contre Kashamu, du nom du présumé baron de la drogue originaire d’e l’Etat d’Ogun comme lui, et les questions de principe auxquelles il tient. Si seulement Jonathan acceptait de lâcher du lest sur ses liens avec Kashamu, actuellement Président du comité de mobilisation du PDP dans la région ouest, peut-être entreverrait-on une porte de sortie dans la guerre fratricide qui les oppose. Il y va du double intérêt de Jonathan et de la paix au Nigeria où les prochaines élections seront décisives pour la survie de l’expérience fédérale. Binason Avèkes |
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