Quelques mois seulement après avoir déclaré, au sortir d’une séance de prière en compagnie de son homologue Goodluck Jonathan, qu’il fallait « pardonner aux membres de Boko Haram parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » Notre Docteur-Jésus-Président fait pire que de mettre de l’eau dans son vin : il vire sa cuti. Au sommet des chefs d’Etat qui s’est déroulé hier au Niger pour combattre Boko haram, le président béninois reconnaît que le Bénin n’est pas à l’abri, « il peut être attaqué à tout moment face à cette guerre asymétrique que nous imposent les éléments de Boko Haram. Le Bénin est concerné », a-t-il souligné. Que de palinodie ! En plus du reniement de son envolée christique passablement avinée, Yayi Boni se contredit lorsqu’il reconnaît que le Bénin peut être attaqué à tout moment si l’on se souvient qu’il y a quelques mois, M. Monchau, l’ambassadeur Français au Bénin, pour avoir mis en garde contre ce risque, a été remercié sans ménagement. Enfin, le Bénin a décidé de placer un bataillon de soldats à sa frontière avec le Nigeria. Ce geste du repenti méthodiste Yayi Boni revenu à des dispositions plus rationnelles pour contrer la menace Boko haram n’est pas dénué d’arrières pensées politiques voire politiciennes. Comme toujours fidèle à sa méthode anarchique et précipitée, lorsque M Yayi sort de sa léthargie, c’est pour en faire plus que de raison, plus qu’on ne lui demande. Monsieur Yayi aurait sans doute été mieux inspiré de positionner nos soldats et de les commettre à la surveillance de nos frontières qui sont rognées sans arrêt de-ci de-là par nos voisins sans aucune protestation de la part de son gouvernement. Maintenant, on nous parle de positionner des soldats aux frontières avec le Nigeria pour lutter contre Boko haram. Cette décision est trouble et grosse d’arrières pensées machiavéliques. De quoi s’agit-il ? Il faut savoir qu’au Nigeria les élections présidentielles sont dans quelques mois à mi- 2015. La capacité de contenir ou de ramener Boko haram à résipiscence est un test électoral crucial pour Jonathan qui veut se faire réélire face à l’opposition APC. De ce point de vue, Boko haram dont paraît-il des suppôts cachés se recrutent dans l’entourage même de Jonathan, et la lutte contre cette secte démoniaque sont programmés dans les succès à venir en fonction du calendrier électoral. Selon la logique de cette programmation cynique, les succès de l’armée nigériane dans sa lutte contre Boko haram devraient aller croissant et retentissant. L’opération devrait cumuler dans une spectaculaire libération des lycéennes de Chibok -- ou plus exactement ce qu’il en reste après les viols quotidiens dont elles sont l’objet. C’est à cette mise en scène programmée que Yayi Boni apporte sa modeste contribution. Ainsi, il apparaîtrait aux yeux de son coreligionnaire et homologue nigérian comme cet ami reconnaissant qui n’oublie pas le bien qu’on lui a fait. En effet, quel Béninois a oublié qu’en mars 2011, au moment où Yayi Boni préparait son holdup électoral, Jonathan avait été appelé à la rescousse pour gronder les Béninois, et leur ordonner de se mettre à carreau au motif qu’il ne voulait pas de guerre à sa porte. Il est donc normal que lorsque c’est le Nigéria qui est en guerre, Yayi Boni vienne à son secours en massant ses soldats à ses frontières. Mais le geste de Yayi n’est pas seulement un geste de gratitude ; il est aussi un geste de stratégie personnelle à usage intérieur et de caractère non moins programmatique. Comme le montre plus d’un signe irréfutable, Monsieur Yayi est en train de tenter un coup de force pour un troisième mandat. Il sait que la seule solution pour l’en empêcher sera l’insurrection totale du peuple. Or contre cette insurrection, il va chercher à donner l’armée pour mater le peuple. Le métissage de la lutte armée proposée au Nigeria par Yayi Boni ne vise en vérité qu’à un geste réciproque de la part de Jonathan lorsque bientôt la lutte du peuple béninois contre l’assassinat de la démocratie sera assimilée à une manifestation terroriste. Et la seule idée que le puissant voisin pourrait s’en mêler devrait, comme cela a été le cas en 2011, calmer les ardeurs des insurgés béninois. C’est du moins ce qu’espère Yayi Boni dans sa candeur méphistophélique… Que Yayi Boni découvre sur le tard la nocivité de Boko haram auquel naguère il préconisait de pardonner est une chose ; qu’il espère utiliser la coopération militaire sous-régionale ou bilatérale dans la lutte armée contre ce fléau pour faire peur au Béninois ou les intimider est un fantasme idiot dont il ferait mieux de se débarrasser. Car le peuple Béninois n’a peur d’aucun épouvantail, et, debout comme un seul homme, il est prêt à défendre, même au prix du sacrifice suprême, sa Démocratie chèrement acquise. Aminou Balogun |
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