En Afrique, ce en quoi se sont complus nos dirigeants politiques— et le Bénin du Docteur Yayi Boni, depuis bientôt une dizaine d’années, en est un triste exemple — ce n'est pas seulement le découragement actif de la pensée et de l’alphabétisation et leurs effets sociaux, bien entendu dans les langues nationales qui sont les seules à permettre une appréhension harmonieuse du monde et une capacité de réflexion autonome ; mais aussi l’alphabétisation comme véhicule de la pensée et de la culture dans les langues dites officielles, héritées de l'histoire coloniale et astucieusement maintenues dans l'intérêt du système néocolonialiste qui a pris le relais et anime la parodie d'indépendance que nous vivons depuis plus de cinquante ans. Non, le peu d'empressement de nos dirigeants à encourager l'alphabétisation libératrice du peuple des ténèbres de l'ignorance pour l'accès au soleil de l'indépendance intellectuelle et de la réflexion, est allé de pair avec la destruction méthodique de toutes les structures et dispositions embryonnaires d'adhésion aux (et de valorisation des) schèmes sociaux de la culture et de l'intellection. En clair, et sans préjudice de l'influence historiquement désastreuse du mésusage des nouveaux moyens et technologies de la communication, le dirigeant africain qui ne chérit rien tant que le culte de sa personnalité et la manipulation émotionnelle ( notamment religieuse ) des masses, n'a pas cru nécessaire de porter le relais de la valorisation intellectuelle de la culture dans son rapport méta-scolaire avec l'autonomie de la pensée. Au contraire, il a observé avec satisfaction la dégradation de l'autonomie intellectuelle et de la curiosité culturelle chez les catégories sociologiquement favorisées par la chance de la scolarisation. Ajouté au fait que l'aliénation inhérente à la perception de la liberté intellectuelle comme un outil exclusivement scolaire a conduit au rabougrissement programmé de cette liberté dès lors que sa durée de vie s'est confondue avec le temps et les exigences de la formation scolaire du citoyen. Passé cette période de formation, l'individu retourne à une hibernation intellectuelle, caractérisée par la prépondérance de l'ignorance naturelle, aggravée par les effets négatifs de la valorisation exclusive de l'ordre de pensée et des modèles exogènes. La culture, la pensée et l'intellection, loin de briller d’une lumière vivante, dynamique et transcendante, s'enferment dans une mâte réverbération biologique à peine suffisante pour guider l'individu sur le chemin d'une existence où toutes les espérances sociales investies en elles se sont sclérosées en un sentier mesquin, égocentrique et à terme collectivement suicidaire. Tel est le triste bilan de la mauvaise volonté intellectuelle des dirigeants africains, de la préférence cynique qu'ils accordent à la manipulation des émotions sur la valorisation de la raison et la liberté de penser par soi.
Prof. Abiodun Badmos
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