Lettre ouverte à Monsieur le Président en exercice de la CEDEAO Objet : Exhortation à la non signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et la CEDEAO A
Son Excellence Monsieur John Dramani MAHAMA Président de la République du Ghana Président en exercice de la CEDEAO Palais de la Présidence Accra (République du Ghana) Monsieur le Président, Nous avons appris avec une surprise mêlée de beaucoup d’appréhension, la signature imminente, entre l’Union européenne (UE) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), d’un accord de libre-échange libéralisant 75% de leur marché sur 25 ans. Cet accord prévoit, dans les faits, une exonération totale de droits de douanes des produits exportés de la CEDEAO vers l'UE, et une exonération partielle (à 75%) de ceux pesant sur les importations de la CEDEAO depuis l'UE.
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On peut se demander qui est demandeur d’un tel traité de libre-échange entre deux zones aussi dissemblables : d’un côté l’Europe industrialisée, disposant des techniques les plus avancées, de l’autre l’Afrique de l’Ouest, technologiquement arriérée, ne produisant pratiquement pas de produits manufacturés. Manifestement, ce ne sont pas les peuples africains qui ont un intérêt dans cet accord, mais l’Union européenne ! C’est pourquoi cette dernière se démène pour écarter tout ce qui pourrait faire obstacle à sa signature : - l’essentiel des produits agricoles produits en Afrique de l’Ouest y sont considérés comme « sensibles » et exclus de l’accord. - A l’exception du Nigéria, du Ghana et de la Côte d’Ivoire, tous les pays de la CEDEAO faisant partie des « pays les moins avancés » (PMA), dont le budget national pourrait pâtir de la perte fiscale qu’entraînera cette zone de libre-échange, en compensation, l’Union européenne a prévu de débloquer un budget de 6,5 milliards d’euros. - Les produits agricoles européens subventionnés sont exclus de l’accord. Ce ne sont là que subterfuges ! Avec un tel accord, les peuples africains sont en danger. Si cet accord est signé, les produits européens pénètreront désormais en Afrique de l’Ouest pratiquement sans frais de douanes. Les marchés africains étant inondés de produits européens moins chers, c’est la mort programmée de tous les producteurs africains, des agriculteurs aux artisans, en passant par les petites manufactures et rares usines : c’est tourner le dos à tout espoir de développement. Les précautions prises par l’UE pour arracher la signature de l’accord ne doivent pas faire illusion. Un produit agricole non cultivé en Afrique de l’Ouest, donc faisant partie de l’accord, peut être un danger si son importation modifie les habitudes alimentaires. C’est déjà le cas du blé (non cultivé en Afrique sub-saharienne), dans certains pays où le pain, fabriqué à partir de la farine de blé, est devenu la base de l’alimentation. Demain, la pâte et le couscous à base de céréales produites dans les pays de la CEDEAO (maïs, mil, etc.) pourront être remplacés dans nos assiettes par la pâte et le couscous à base de blé si la semoule de cette céréale peut pénétrer nos marchés moins chère. Cela conduirait à un désastre pour nos paysans. Un produit européen subventionné, donc exclu de l’accord, peut très bien, après une légère transformation, se retrouver sur les marchés africains sans taxe douanière. Et que dire de cette volonté de l’UE de maintenir les pays africains dans l’état d’éternels mendiants ? Au lieu d’assurer souverainement leurs ressources, entre autres par des taxes de douanes, on leur propose d’abandonner celles-ci et, en compensation, on promet de leur verser 6,5 milliards d’euros. Et, une fois que toute industrie naissante sera détruite en Afrique, qui garantit que cette dotation sera maintenue ? Les peuples africains ont droit à un avenir. Pour assurer cet avenir, les peuples africains doivent produire ce dont ils ont besoin : alimentation, outils, machines etc.
En conséquence, ils ont le droit : - de développer la culture de leurs propres produits agricoles afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, tout en offrant aux paysans une rémunération leur permettant de satisfaire leurs besoins ; - de développer une industrie permettant de leur fournir les outils et machines dont ils ont besoin ; - d’assurer souverainement les ressources de leurs Etats par différents moyens, notamment par les frais de douanes, et non d’attendre des aumônes. Monsieur le Président, En tant que Chef de l’Etat du Ghana et Président en exercice de la CEDEAO, vous avez la responsabilité de protéger ces droits, de protéger les producteurs des pays de la CEDEAO. C’est pourquoi, nous vous exhortons à refuser de signer le traité de libre-échange entre l’UE et la CEDEAO, et à user de votre influence au sein de cette dernière institution pour qu’un tel traité hypothéquant gravement l’avenir de nos peuples ne voie jamais le jour. Il est normal que l’Afrique ait des accords de coopération économique avec d’autres régions du monde, mais certainement pas d’accord de libre-échange. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération. Organisations signataires : Les responsables suivants ont signé cette lettre au nom de leur organisation :
Open Letter to the Serving Chairman of ECOWAS Object : Exhortation not to sign the free trade agreement between EU and ECOWAS His Excellency John Dramani MAHAMA President of the Republic of Ghana Serving Chairman of ECOWAS Yours Excellency, With a great fear, we’ve been very surprised to hear about the imminent signature of a Free Trade Agreement (FTA) between the European Union (EU) and the Economic community of West African States (ECOWAS) that will liberalize 75% of their market for 25 years. In facts, this FTA must completely exempt from import duty products imported from ECOWAS to EU and partially (75%) exempt from the same duty products imported from EU to ECOWAS. The question is: who wants this free trade agreement between these two so dissimilar areas? On one side there is industrialized Europe with the most up-to-date technical means, on the other side West Africa that, in a technological backward state, practically doesn’t produce manufactured goods. Obviously, African peoples don’t have any interest in this agreement, but EU does. That’s why EU is making a great effort to brush aside any obstacles that can keep African States from signing such an agreement: - Most of the agricultural products that are produced in West Africa are considered to be « sensitive » and are excluded from the agreement. - Except Nigeria, Ghana and Côte d’Ivoire, all the ECOWAS countries are Least Developed Countries (LDC) whose budget is going to encounter losses due to import duty exemption. To compensate these losses, EU promises to give ECOWAS countries 6.5 billion euros. - The subsidized European agricultural products are excluded from the agreement These are nothing but subterfuges! With this agreement, African peoples are in danger. If it is signed, European products will enter West Africa practically duty free. If African markets are flooded with European cheaper goods, that will lead to the eradication of African producers, whether they are farmers, artisans or factories. Any development hope will vanish. The precautions taken by EU to get the agreement signed are nothing but illusion. An agricultural product that is not produced in West Africa, so theoretically excluded from the agreement, can nevertheless be a danger if its importation modifies our people’s consumption habits. That is already the case of wheat (not produced in Sub-Sahara Africa) in some countries where bread made with its flour has become quite part of staple food. In the future pastry and couscous made of grain semolina that are produced in ECOWAS countries (maize, millet, etc.) may be replaced in our dishes by pastry and couscous made of wheat semolina if this can enter our markets cheaper. This will lead to a disaster for our peasants. An European subsidized product, theoretically excluded from the agreement, after a little transformation, can nevertheless enter the African markets duty free. And what about the wish of EU to keep African countries in beggary forever? Instead of getting their resources as sovereign States, by import duty, among other things, these countries are encouraged to abandon this duty. In compensation they’ll get 6.5 billion euros. Once any beginning of an industry in Africa is destroyed, who can guarantee that this endowment will continue ? African peoples have got a right to a good future. To make this happen, they must produce what they need for life: food, tools, engines, etc.
Thus, they have got a right: - To develop the production of their own agricultural products in order to achieve food self-sufficiency and a good remuneration for the job of their peasants; - To develop an industry that can supply them with tools and engines they need; - To get the resources of their sovereign States by different means such as import duty and not to wait for charity. Yours Excellency, In your capacity of the State of Ghana, and Serving Chairman of ECOWAS, you have got the responsibility to protect these rights, to protect the producers of ECOWAS countries. That is why we exhort you to refuse the signature of the Free Trade Agreement between EU and ECOWAS, and to use your influence to prevent this FTA from becoming a reality. One can understand that, in economy, Africa needs cooperation and agreements with other regions of the world, but not Free Trade Agreements. Yours faithfully. Endorsers: The following leaders endorsed this letter in the name of their organization:
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