En France, les ténors de l'ancien parti au pouvoir, l'UMP, sont au coeur d'une spirale de scandales judiciaires d'une portée politique plus ou moins inédite. Entre autres personnages-clé de l'UMP, citons M. Copé et ses démêlés dans l'affaire Bygmalion qui ont conduit à sa démission. Au coeur d'une noria d'affaires judiciaires M. Nicolas Sarkozy, l'ex-président de la république et candidat malheureux de l'UMP aux dernières élections présidentielles, vient d'être placé en garde à vue dans une affaire de trafic d'influence au sommet de l'État. L'éclatement de ces affaires montre que dans une vraie démocratie, nul n'est au-dessus des lois, et cela ne fait que conforter le regard du citoyen ordinaire sur le fonctionnement des institutions démocratiques et sociales. Mais qui peut penser sérieusement que l'affaire Bygmalion, sans parler de la garde à vue de Nicolas Sarkozy, aurait été possible si celui-ci avait été réélu en 2012 ? C'est dire que cette victoire ou cette vigueur affirmée de la démocratie française est à mettre au compte de l'alternance. Quand un pouvoir se maintient ou est maintenu, il maintient du même coup le couvercle sur ses failles, ses dérives, ses excès et l'injustice ou la disparité de traitement entre la classe dirigeante et le citoyen ordinaire. La lutte contre les abus de biens sociaux, et la promotion de la transparence sont anesthésiées. Dans les pays pauvres d’Afrique, le lien entre alternance politique et santé socio-économique et morale est vital. Une grande partie des malheurs de l'Afrique est le résultat du syndrome de consanguinité et surtout de la pérennité au pouvoir qu'impose la classe dirigeante, et qui asphyxie le corps national dans son ensemble. Celui-ci, privé d'oxygène, séquestré et privatisé, perd son essence républicaine pour n'être qu'un organe atrophié et réifié. La régression mais aussi les pertes immenses que la société subit du fait qu'une classe de médiocres s'accapare du pouvoir et ne veut plus le lâcher sont immenses. Telle est, en dehors du facteur historique causal, la source même de l'arriération dans laquelle l'Afrique est installée. Combien de scandales aurait-on pu mettre au jour au Bénin si, au lieu de s'imposer par holdup électoral, Yayi Boni avait laissé s'exprimer en toute équité la volonté populaire ! En tout cas, nous n'aurions pas été pris dans la logique absurde d’une Afrique où les hommes de bonne volonté et méritoires soit relégués, marginalisés, exilés voire éliminés, tandis que s'incruste au pouvoir et nargue la conscience collective une tourbe infecte de médiocres doublés de voleurs acharnés. Même chose au Togo voisin, qui aurait bénéficié d'une aubaine rare de libération si la mort du vieux dictateur Eyadéma avait été l'occasion d'une alternance honnête et juste. Au lieu de quoi, la Françafrique s'est précipitée pour remplacer au pied levé le père diabolique par son rejeton, affirmant ainsi à la face du monde sans vergogne ni scrupule le primat de la consanguinité mafieuse des dominants sur l'ouverture républicaine et la justice démocratique. L'ironie dans la situation africaine réside dans le fait que la France ou la Françafrique qui, au nom de ses intérêts supérieurs, s'échine à étouffer l'émergence de la vérité démocratique chez nous, à nous enfermer dans l'univers rance des dictatures oligarchiques, de la corruption et de l'impunité, cette France-là est obligée de s'incliner chez elle-même devant la toute-puissance de la vérité démocratique et des lois de la république. Ce sont ces vérités et ses lois qui rendent raison de la rationalité légale qui gouverne la société française, une société où, chose rare, un ancien président peut être placé en garde à vue ! Beaucoup d'absurdités affleurent dans le fonctionnement des pays africains dans leurs rapports avec les milieux coloniaux occidentaux. Ainsi, en France, un Sarkozy ou un Chirac qui, par leur action politique, peuvent empêcher un Compaoré ou un Yayi Boni d'avoir maille à partir avec la justice de leur pays --ne serait-ce qu'en œuvrant activement pour leur pérennisation au pouvoir--ou au contraire, décider de la mort politique ou biologique d'un Kadhafi ou d’un Gbagbo, eh bien ces présidents tout-puissants chez nous sont incapables de s'éviter à eux-mêmes une mise en examen ou des déboires judiciaires dans leur propre pays ! De même, comme le révèle M. Laurent Gbagbo dans un récent ouvrage, ou les soupçons qui pèsent sur le financement libyen présumé de la campagne présidentielle de Sarkozy, les caisses de nos États pauvres d'Afrique sont mises à contribution pour soutenir financièrement les campagnes électorales des hommes politiques des pays riches ! Mais ces absurdités ne le sont qu’en apparence, ou du moins, aussi absurde qu'apparaît le fonctionnement des gouvernements africains dans leurs rapports avec les milieux néocoloniaux, sa cohérence fonctionnelle sous-jacente saute aux yeux : l'assistance financière que les dirigeants africains procurent à leurs maîtres néocoloniaux est le juste prix des services politiques que ceux-ci leur rendent --certes sur le dos des peuples africains. Pour que l'Afrique se libère, elle doit mettre à bas cette collusion d'intérêts et cette entente illicite antidémocratique qui font le lit de sa domination et de son exploitation. Mais la victoire de l'Afrique sur les forces du mal qui l’empêchent de progresser ne peut être envisagée que dans le cadre d'une lutte plus globale et d'une victoire coordonnée des forces du progrès de par le monde. De ce point de vue, toute victoire de la démocratie et de la rationalité légale en France est une raison d'espérance pour les Africains.
Prof. Cossi Bio Ossè
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