Au Nigéria, les lignes de division ethniques et religieuses sont d'une affligeante actualité. Et, cette réalité n'arrange rien dans le contexte actuel du pays marqué par le terrorisme de la secte Boko Haram. Dans la guerre contre les terroristes, l'armée est en principe sur la ligne de front. Mais la même armée, du moins certains de ses officiers et hommes du rang, sont soupçonnés de complicité avec les terroristes. La corruption, qui est la plaie sociale la plus béante du pays, n'épargne pas l'armée dont une partie du budget est détournée dans des filières occultes. Ajouté à cela, des conflits politiques ou hiérarchiques s'expriment au sein de l'armée. Selon une information non confirmée, des généraux auraient été ou seraient actuellement traduits devant des cours martiales, et plusieurs d'entre eux reconnus coupables de félonie. Au nombre de ce qui est reproché à ces généraux, outre leur collaboration avec les terroristes, se trouve leur collusion avec des hommes politiques haut-placés du Nord qui « œuvrent à rendre le pays ingouvernable. » L'aspect politique de ces divisions qui traversent l'armée connaît un nouveau développement avec le conflit de procédure entre le nouveau ministre de la défense, le général à la retraite Aliyu Gasau, un musulman originaire de l’Etat de Zamfara dans le Nord, et le chef d'état-major de l'armée de l'air, le vice maréchal Alex Badeh, chrétien originaire du Sud. Depuis une semaine qu'il est nommé, le ministre de la défense n'arrive pas à réunir les chefs de service de l'armée ; ses nombreuses invitations au chef d'état-major de l'armée de l'air n'ont pas eu de suite. Le vice maréchal Alex Badeh, arguant de ce que, selon la constitution, les chefs d'état-major de l'armée ne reçoivent d'ordre que du chef suprême des armées, c'est-à-dire du chef de l'État. Face à ce blocage, le ministre de la défense, furieux, a écrit une lettre à Jonathan dans laquelle, mettant sa démission dans la balance, il demande au président de la République de rappeler à l'ordre ceux qu'il appelle les « chefs militaires récalcitrants ». Pour éviter la confusion politique et l'étalage public d’un désordre qui nuit à son leadership, Monsieur Jonathan s’affaire en coulisses à apaiser la tension, et à trouver une porte de sortie. Selon les sources de la présidence, les personnalités politiques de l'entourage de M. Jonathan ainsi que l'ancien président Ibrahim Babangida, ancien militaire, seraient appelés à la rescousse.
Les lignes de divisions qui traversent la société nigériane ne sont pas étrangères à l’apparition du terrorisme de la secte Boko Haram. Plus que jamais, le vivre ensemble pose problème, dans la mesure où ses règles ne sont ni claires ni acceptées par tous. La conférence nationale qui se déroule en ce moment nourrit l’ambition d’œuvrer à la clarté de ces règles et à leur commune acceptation. Mais comme l’a relevé Wole Soyinka à juste titre, la solution au défi lancé au Nigéria par la secte Boko Haram passe par l’unité nationale et le nécessaire dépassement des lignes de division traditionnelles. De ce point de vue, le rôle des leaders et des cadres supérieurs, loin des batailles de clochers et des réflexes ataviques, est décisif par son exemplarité.
Binason Avèkes
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