Comme on peut le remarquer, les attaques de Boko haram deviennent de plus en plus meurtrières et font tâche d’huile. Tout en maintenant son harcèlement des États du Nord-est, Boko haram frappe sur tout le Nord : Kano, Kaduna, Bauchi, etc. Très régulièrement le groupe laisse sa signature explosive sur la capitale, Abuja. Le but de cette pression sur le Nord est de conditionner les populations dans la peur et leur indiquer l'évidence du rejet de Jonathan, lors des prochaines élections, comme seule condition du retour à la paix. Selon l'ampleur des actions menées dans ce sens, Boko haram dont les véritables instigateurs politiques sont tapis dans l'ombre, y compris dans l’administration du pays, estime que l'objectif est atteint, que la peur a suffisamment été insufflée aux populations du Nord pour que, comme un seul homme, ils rejettent le sudiste chrétien Jonathan. Mais pour que l'œuvre soit parfaite, le sud doit aussi être impliqué. C'est pour cela que les actions de Boko haram entrent dans une phase de terrorisme total. Leurs opérations s'étendent aussi au sud. Malgré la difficulté relative de telles opérations c'est ainsi qu'il faut comprendre un certain nombre d'incidents et de confrontations avec les forces de sécurité ces derniers jours. Tout d'abord il y a une dizaine de jours l'armée à intercepté une horde de combattants de Boko haram transhumant vers le sud à hauteur de l'État de Benue, et se dirigeant vers les états de l'Est. Ils étaient au nombre de 450, arrêtés dans un convoi dans lequel se trouvait un chef de guerre présumé de Boko haram recherché par l'armée. Quelques jours après cet incident, les forces de l'ordre ont désamorcé de justesse des bombes posées devant une église à Owerri dans la capitale de l'État d’Imo, en plein pays Ibo. Les présumés poseurs de ces engins explosifs seraient des combattants de Boko haram infiltrés. Et puis, mercredi 25 juin au soir, ce fut le tour de Lagos d'être touché par une explosion terroriste qui, dans le quartier sensible d’Apapa, a fait quatre morts dont une femme kamikaze. Manifestement ces événements traduisent une extension territoriale des actions de Boko haram vers le sud ; même si elle n'a pas la même facilité d'action au sud que dans son sanctuaire du Nord-est, la secte terroriste montre qu'elle peut frapper où bon lui semble et surtout faire parler d'elle. La montée en puissance des exactions de Boko haram dans le Nord et l'extension vers le sud de sa campagne de terreur sont indexées sur le calendrier électoral, avec en ligne de mire les élections de 2015. Plus les élections générales de 2015 approchent plus Boko haram se fait violent et tentaculaire. L'idée est de terroriser suffisamment les populations pour que dans les esprits, le retour à la paix rime avec le retour au pouvoir d'un président du Nord. Les stratèges politiques dont Boko haram n'est que le bras armé estiment que cet objectif a été atteint au Nord, soumis à une intense campagne de terreur depuis plus de quatre ans. À l'approche de 2015, Boko haram initie une campagne de terreur en direction du sud pour y amener les esprits à adhérer autant que faire se peut sinon au rejet de Jonathan du moins à la nécessité d'élire un président du Nord. Cette nécessité devrait être comprise comme condition sine qua non pour éviter la menace du terrorisme qui est aux portes du sud. La bataille électorale qui s'annonce se veut aussi une confrontation régionaliste entre le Nord musulman et le sud chrétien. Sous réserve de définir les frontières exactes ou la différence symétrique de ces deux régions, Jonathan aussi semble s'inscrire dans ce schéma dualiste de la joute électorale de 2015. Il s’y est d'autant plus résolu que les défections de son parti vers l’APC dont le candidat sera nordique, se sont massivement produites au Nord où quatre gouverneurs anciennement PDP, se sont placés sous la bannière de l'opposition. On ne peut pas ne pas faire un lien entre l'explosion--la première depuis le début des exactions de Boko haram en 2009--à Lagos et la victoire électorale du PDP à Ekiti dans le sud-ouest, où l'équipe de Jonathan, faisant flèche de tout bois, et dans une opération de corruption électorale rondement menée, a remporté les élections au poste de gouverneur. La bataille d’Ekiti est apparue décisive pour un Jonathan très soucieux d'affirmer sinon sa suprématie politique du moins sa bonne santé électorale au sud, et entretenir l'illusion d'un sud uni face à un Nord tout aussi uni dans le conditionnement terroriste à lui tourner le dos. La stratégie d'extension territoriale de la campagne de terreur de Boko haram vers le sud ne présage pas des lendemains qui chantent au Nigéria. Au contraire, elle porte en germe l’accélération rapide du délitement de l'édifice fédéral déjà branlant. Pour autant, cette stratégie est loin de garantir le succès politique escompté par les stratèges de Boko haram, tapis dans l'ombre du système politique du Nigéria. La tentative de terroriser le sud pour y amener les esprits à tourner la page Jonathan peut, au contraire, déboucher sur un effet contraire et ce dans une volonté de résistance à l'intimidation. La stratégie d'extension de la terreur, loin d'être assurée d'atteindre son but électoral et politique risque de déboucher sur deux écueils convergents qui ne sont pas forcément souhaités par ses instigateurs : soit l'éclatement de la fédération nigériane ou soit la résistance et le refus du sud de se laisser intimider.
Binason Avèkes
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