Il s'agit d'un entretien exclusif entre Isha Sesay de CNN et le président nigérian Goodluck Jonathan au palais présidentiel à Abuja en 2010 avant l’élection de 2011
Isha Sesay: Président Jonathan, merci, beaucoup de prendre le temps de parler à CNN. Le Nigeria célèbre ses 50 ans d'indépendance. Que pensez-vous que le pays a réalisé durant cette période Président Jonathan: Au cours des 50 dernières années en tant que nation, tout comme un enfant qui commence à grandir, quand vous arrivez à l'âge de 25 ans, vous regardez en arrière et vous vous comparez à vos semblables. Quand vous arrivez à l'âge de 50 ans, vous jetez un regard rétrospectif sur ce que vous avez réalisé. Une chose que je sais et je sens que les Nigérians vont célébrer, c’est la continuité de la paix. Certes, nous avons connu la guerre civile qui a duré 13 mois. D'autres pays ont connu des guerres civiles qui ont duré des années. Nous avons nos propres défis que le gouvernement doit affronter, mais malgré tout, nous jouons un rôle important au niveau mondial. Chaque fois qu'on parle de l'Afrique, la voix du Nigeria est considérée et attendue. Ainsi, vous pouvez toujours voir que le Nigeria peut encore jouer un rôle unique dans le monde et nous sommes toujours unis et faisons face à nos défis. Cela seul mérite d’être célébré. Isha Sesay: Vous parlez de l'unité et de la stabilité qui serait une caractéristique du Nigeria après 50 ans d’indépendance. Une autre caractéristique est le taux élevé de pauvreté et les problèmes d'infrastructure qui subsistent. Ce sont deux éléments qui existent dans un pays qui depuis 50 ans s'est imposé comme un chef de file mondial dans la production de pétrole. Il y a beaucoup d'argent dans ce pays, je suis venu ici plusieurs fois et j’ai parlé à beaucoup de gens, mais vous êtes toujours aux prises avec ces problèmes. A quoi sert tout cet argent? Président Jonathan: Si vous considérez l'argent provenant du pétrole, comparé à la population c’est très peu. Quand on parle de la richesse pétrolière, il faut comparer les nations. Il y a certains pays qui ont moins de cinq millions d’habitants. Le Nigeria compte 150 millions de personnes. Je ne peux pas dire que tout l'argent provenant du pétrole depuis 1958, lorsque la première goutte a été exportée de ce pays à ce jour, que tout l'argent a été effectivement utilisé. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de détournement. Isha Sesay: Essayons de regarder vers l’avant maintenant. Nombreux sont ceux qui croient que, avec votre décision de vous présenter à l’élection, vous allez à l'encontre de l'accord de zonage qui stipule que la présidence sera tournante entre le nord et le sud tous les huit ans. Le défunt président Yar'Adua était un nordiste. Il est mort au cours de son premier mandat. Il y a ceux qui pensent que vous mettez l'ambition personnelle avant la stabilité et la paix du Nigeria. Qu’en pensez-vous ? Président Jonathan: Certainement pas. L'argument sur le zonage et la présidence du Nigeria est comme l'argument philosophique de l'œuf et de la poule. À travers le processus évolutif, qui est venu en premier? En premier lieu, si ce pays avait accepté la présidence tournante entre le nord et le sud, je ne serais pas le président aujourd'hui. Je n'aurais pas pu être là s'il y avait un accord dans ce pays de présidence tournante entre le nord et le sud. Je n'aurais pas pu remplacer le président Yar'Adua à sa mort - un autre nordiste aurait pris le dessus et j’aurais pu continuer comme vice-président. Isha Sesay: Vous êtes effectivement en train de dire, si je comprends bien que l'accord de zonage ne concerne pas la présidence. Quoi qu'il en soit, je vous pose cette question: à supposer que la violence, éventualité que vous ne pouvez jamais exclure au Nigeria, c’est malheureusement une réalité. Si la violence éclate à la suite de votre décision, parce que les gens du Nord sont lésés, en prenez-vous la responsabilité? Président Jonathan: Je peux vous dire très clairement que la violence n'éclatera pas à cause de mes intérêts. Je peux vous le dire très clairement. Isha Sesay: Donc vous dites catégoriquement qu'il n'y aura pas de violence? Président Jonathan: Nous avons des problèmes de sécurité, nous avons nos défis. Si mes intérêts devraient susciter une crise les signes avant-coureurs en auraient été perceptibles. Si quelqu'un pense qu'il va alimenter la crise, nous allons l’épingler. Isha Sesay: Qu'incarnez-vous ? Que défendez-vous ? Quelles sont vos objectifs politiques? Président Jonathan: Nous voulons diriger un pays où les gens seront moins cupides. Lorsque les gens sauront que la république du Nigeria appartient à tous les Nigérians, où la richesse de toute personne dépend de celle de ceux qui l’entourent. Si vous êtes une personne riche et le monde autour de vous est pauvre, vous êtes très pauvres. Je veux vivre dans un pays où nous ne vivrons plus comme des prisonniers. Pourquoi avons-nous un excès d'activité criminelle maintenant? Parce que la pensée est que la richesse n'est pas répartie uniformément. Un grand nombre de jeunes gens n'ont pas de travail et n'ont aucun espoir, aussi prennent-ils les armes et basculent dans une espèce de vie antisociale. Nous voulons recentrer le Nigeria pour nous assurer que l'infrastructure de base est fourni ; l'environnement est créé pour l'investissement privé, aussi bien l’investissement intérieur que l'investissement étranger direct. Donc les emplois seront créés. C'est mon rêve pour le Nigeria. Isha Sesay: Donc, vous dites que vous représentez quoi? Les changements à venir, que représentez-vous? Président Jonathan: Je représente un groupe qui s’est dit que ce pays doit être transformé. Je ne dis pas que ceux qui dans le passé ont gouverné n’ont rien fait. Ils ont essayé, mais [ce que je préconise c’est] en utilisant la capacité des Nigérians. Si vous venez dans ce pays, on parle de la fuite des cerveaux. Les médecins et les ingénieurs bien formés quittent le Nigeria pour les pays développés. Nous voulons inverser cette tendance. Isha Sesay: Passons et parlons de la corruption. C’est l'un de ces problèmes ici au Nigeria ; et chaque fois qu'il y a une élection, les politiciens se lèvent et disent qu'ils vont y faire face et s'en débarrasser. C'est juste la triste vérité. Pourquoi les gens devraient vous croire quand vous dites que vous allez faire quelque chose sur le problème? Allez-vous faire quelque chose de durable sur le problème? Président Jonathan: On ne doit jamais faire de la politique politicienne avec le développement du Nigeria. Oui, la question de la corruption est un défi majeur, en particulier dans les sociétés en développement, pas seulement au Nigeria. Même dans les sociétés développées, pour parler franchement, c'est simplement parce que leurs lois sont très strictes et ils sont surveillés. La plupart des gens qui fomentent la grande corruption ici, en particulier les entreprises, ne sont pas des Nigérians. Mais les lois du pays et les institutions qui sont mises en place pour appliquer ces lois sont à la hauteur. Et ce que nous avons à ... Ce n'est pas moi-même, Jonathan Goodluck, qui irai attraper une personne corrompue. Mais nous allons renforcer les institutions pour qu’elles puissent faire leur travail. C'est ce qui se passe dans les sociétés développées. Isha Sesay: Parlons du delta du Niger : quels sont vos plans si vous devenez président après les élections de 2011 ? Quels sont vos plans pour faire face aux problèmes récurrents de cette région ? Président Jonathan: C’est un vrai défi d'autant plus que les ressources sont limitées. Mais nous devons fournir les infrastructures de base. Deuxièmement, il y a l'éducation. Nous devons nous concentrer sur ce domaine et nous assurer que les jeunes hommes et les jeunes femmes de cette région ont la possibilité d'être bien éduqués. Parce que quelqu'un qui est bien éduqué, voit son orientation changée. Et quand vous éduquez les gens ils vont jouer un rôle clé dans l'industrie du pétrole. Donc, si vous fournissez l'infrastructure de base, qui ne peut être fait du jour au lendemain, si vous fournissez une bonne éducation et que vous faites jouer aux gens un rôle dans la longue chaîne de l'industrie pétrolière, vous verrez que cette colère diminuera progressivement.(…)
amené et trad. par Binason Avèkes
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