Si Boko haram était sincère, c'est-à-dire si l'islam n'était pas pour eux un prétexte pour commettre des atrocités d'une barbarie pathologique alors toute l'Afrique devrait être Boko haram. Et moi le premier combattant de cette secte dont le nom est on ne peut plus éloquent quant à ce qu'il convient de faire en Afrique. Boko haram veut dire : « la culture occidentale est une ruine, une impasse et une hérésie ». Et je mets au défi tout Africain qui pense de soutenir l'idée contraire. Mais il faut qu'on se comprenne. Le vrai débat ne se situe pas au niveau de la valeur intrinsèque de la culture occidentale, de ce qu'elle vaut en elle-même et pour elle-même. Pour elles-mêmes, toutes les cultures sont cohérentes, respectables et visent au bonheur de ceux ou celles qui les portent. En cela, à mon sens, ni la culture occidentale ni la culture africaine--pour autant qu'il y ait une seule culture africaine--ne font exception à cette définition fonctionnelle. En revanche, ce qui fait haram, ce n'est pas la culture occidentale mais cette situation qui, depuis plusieurs siècles, force l'Afrique à avoir commerce avec la culture occidentale, et à être obligée, dans une proportion que notre commune humanité ne justifie pas, de substituer cette culture à la nôtre. Même dans la jungle aucun animal n’accepterait un tel commerce. Comment, pourquoi et pendant combien de temps le zèbre adopterait la culture du lion ? Un contrat contre nature, difficile à imaginer. Or, c'est ainsi que cela se passe en Afrique, dans notre rapport avec l'Occident depuis des siècles. Et c'est ça qui fait haram.
Un regard rétrospectif sur l’histoire montre bien la férocité cannibale du commerce que les Occidentaux ont toujours imposé à l'Afrique. Dès les premiers contacts commerciaux, ces gens-là, au XVe siècle, n'avaient pas trouvé mieux à faire que de nous mettre dans les fers. L’esclavage certes était une pratique endogène qui n'est du reste pas l'apanage de l'Afrique ; mais les Occidentaux ont exacerbé le mal et l’ont transformé à une dimension industrielle, où l'humanité des Africains était niée, et leur réification organisée de façon rationnelle et implacable. À l'inhumanité de la traite négrière proprement dite, au déni d'humanité qui était son principe, il fallait ajouter les mille et une souffrances ineffables de la condition d'esclave noir dans les Amériques et sur des siècles. C'était là la toute première matérialisation du commerce de l'Afrique avec l'Occident. Il faut signaler avec force que l'Afrique n'avait pas eu le choix de ce commerce, car en dépit du fait que sa classe dirigeante profitait de ce commerce inhumain et déséquilibré, elle était plus victime qu'autre chose ; non seulement parce que l'Occident jouait contre l'Afrique son avancée technologique, scientifique et éducationnelle, mais il ne faisait pas de quartier quant à sa volonté de faire faire à l'Afrique ce qu'elle avait décidé et qui était conforme à ses intérêts. À ceux qui aiment pour se faire bonne conscience, exciper du fait que la traite négrière n'aurait pas eu lieu s'il n’y avait pas l'esclavage en Afrique et si les Africains eux-mêmes ne se vendaient pas, je voudrais poser cette question simple : « quel pays africain, détenteur de matières premières convoitées par l'Occident--le pétrole, l'or, les métaux précieux ou rares, le diamant, les minerais, l’uranium etc.--et qui aujourd'hui au XXIe siècle peut décider de ne pas les exploiter ou les vendre à l'Occident ? » Le sort des Kadhafi, des Lumumba, des Gbagbo, des Sankara, des Lissouba, sont bien là pour nous rappeler à la réalité : la traite des Noirs, sous sa forme implacablement industrielle, n'avait pas lieu parce que les Africains se vendaient, mais les Africains se vendaient parce que l'Occident avait astucieusement joué de sa supériorité technologique, scientifique, militaire, diplomatique et économique pour enfermer l'Afrique dans cette atmosphère de déshumanisation organisée. Mais ce commerce, aussi diabolique soit-il, peu à peu finit par prendre fin après plus de quatre siècles de cruauté. Il a été à la base de l'essor du capitalisme occidental. Lorsqu'il cessa, le même Occident mit en avant le discours philanthropique qui tout à coup découvrit l'inhumanité d'une pratique qui a pris le temps de ses œuvres obscures. En principe, si la traite négrière était une horreur historique, un mauvais commerce que l'Occident a eu avec l'Afrique, à sa fin, il devrait non seulement y renoncer mais exprimer des excuses pour le crime et y apporter une nécessaire réparation. L'Occident devrait mettre fin à tout commerce avec l'Afrique, et devrait être dans un état d'esprit de repentance par rapport au passé. Après tout, historiquement parlant, il n'y avait rien d’irrépressible, c'est-à-dire rien d'obligatoire dans le fait d'avoir commerce avec l'Afrique hormis la pulsion de domination, de viol et de vol des biens d'autrui. La « découverte » de l'autre n’implique pas forcément son pillage. Parlant de découverte de l'Afrique, les Occidentaux n'avaient pas été du reste les premiers. Avant eux, les Chinois, au XIIe siècle étaient venus sur la côte orientale africaine avec leurs grands bateaux, une impressionnante armada. Mais jamais ils ne conçurent de l'Afrique un objet de commerce violent, de réification ou de domination sans partage. Ce qui prouve que ce qui est en jeu est d'ordre culturel et idéologique. Et Boko haram a bien raison de considérer que le commerce avec l'Occident est synonyme de ruine. Le seul exemple de la traite négrière et de l'esclavage ne suffit pas pour en avoir la certitude apodictique. Tout de suite après la traite négrière, les Occidentaux envahirent l'Afrique, la mirent en coupes réglées, y dessinèrent des zones d'occupation, découpées de façon exogène, c'est-à-dire qui ne tenait aucun compte des Africains dans leurs identités, et qu'ils appelaient leurs colonies. Et c'était ainsi reparti pour un petit siècle de domination, d'exploitation et de maltraitance de l'Afrique. Avec cette fois-ci, à la clé, la négation de la culture africaine et sa substitution par la culture occidentale. Et c'est là où ce commence fit le plus grand mal à l'Afrique. Car après avoir vidé l'Afrique de ses corps pendant plus de quatre siècles, l'Occident s'est employé à y installer son décor et à vider l'esprit africain. La conséquence de ce second commerce fut ontologiquement désastreuse pour l'Afrique. L'Africain était devenu étranger à lui-même, il a cessé d'être maître de son désir. Il est devenu un véritable zombie, à la solde de l'Occident. Désormais dressée par l’Occident, l'Afrique accomplira ses volontés et veillera à assurer son intérêt. Comme et plus que pendant la période du commerce des corps, la division est serinée dans l'esprit des Africains. L'Occident qui a lavé le cerveau de l'Africain par sa culture apposée et imposée lui dictera sa volonté et parviendra dans chaque nation à jouer les parties les unes contre les autres. Et pendant que, lancés à corps perdu dans des guerres ethniques et des génocides dont les armes sont fournies de part et d'autre par l’Occident, les ressources autour desquels les Africains se battent sont pillées, puisées, ou volées par le metteur en scène occidental de ce drame. Comment dans ces conditions ne pas nous méfier de tout commerce avec l'Occident ? Boko haram est donc un slogan de vérité. Le seul slogan qui puisse sauver l'Afrique de ce baiser diabolique de l'Occident qui nous étreint trop pour nous laisser respirer. La culture occidentale non pas ce qu'elle vaut en elle-même mais dans ce rapport étrange et étranger non questionné, négativement sanctionné par l'histoire, est un venin. Si nous la laissons-nous l’inoculer, alors ce sera la morsure. Depuis plus de 600 ans que l'Occident nous a « découverts », il ne sait concevoir de nous autre chose qu'un objet d'exploitation : exploitation de nos corps transformés en objet ou exploitation de nos ressources naturelles. Tout se passe comme si l'Occident ne peut pas rester chez lui et nous laisser tranquilles. Même la mémoire des crimes monstrueux du passé de l'arrête pas. Chaque fois, d'époque en époque, l'Occident nous trouve un charme irrésistible qu’il n'a de cesse de consommer jusqu'à épuisement. Dans ces conditions, le salut de l'Afrique réside dans une mise en demeure claire adressée à l'Occident cannibale. Mise en demeure de nous laisser tranquilles, de continuer à croire que l’Afrique est faite pour servir à l’Occident. « Tout sauf le commerce mortel avec l'Occident », tel est le slogan que toute l'Afrique devrait adopter. Mais plus qu'un slogan, telle est la manière dont l'Afrique devrait définir son rapport au monde pour les quatre prochains siècles, si elle aspire à guérir des profondes blessures des cinq derniers siècles de son rapport avec l'Occident, se refaire une santé, devenir maîtresse de son destin, et prendre sa juste place dans le concert des continents, des cultures et des nations. Boko haram, étymologiquement, résume ce programme et cette philosophie qui est un impératif catégorique de survie pour l'Afrique. À ceci près hélas qu’en l'occurrence on ne peut se fier à la seule étymologie. Ah, si seulement Boko haram était sincère !
Arthur Badeh,
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ASSASSINATS EN DIRECT AU NIGERIA.
Où va le monde ? Sommes-nous dans un siècle où les potentialités du continent africain sont toujours exploitées au détriment des Africains dont l’élite est à la solde des chefs d’Etat complices des prédateurs ?
Si l’Afrique tout entière, si le monde tout entier, si les grandes puissances mêmes ne s’insurgent pas contre les images d’assassinats en direct que je viens de voir, c’est que la complicité est totale.
Que les victimes égorgées tels des bœufs dans un abattoir avant de les jeter dans une fosse soient des chrétiens comme on l’a précisé ou de tout autre culte n’est pas le vrai le problème. Le problème, ce qui fait problème, c’est le silence des grandes puissances « civilisées » qui dirigent le monde et exploitent l’Afrique où de ces assassinats sont perpétrés en 2014.
Olympe BHÊLY-QUENUM
Rédigé par : Olympe BHÊLY-QUENUM | 10 juin 2014 à 06:39