Ce qui me chiffonne en Afrique, c'est le statut et la qualité, sinon le genre de ce que nous mettons en avant à la face du monde. Hormis le drame des fléaux qui minent l'Afrique --guerres, instabilité politique et, ces dernières années, le terrorisme islamique --c'est le contenu de nos références sociales, de nos figures de valeur qui fait problème. Au Bénin, il fut même un temps où nous pouvons nous prévaloir d’avoir un cardinal. Un cardinal c’est-à-dire un membre du clergé d’une église nommé et reconnu de l’extérieur par une institution étrangère. Nous semblons tellement avoir été marqués par cette reconnaissance symbolique que, l’indigence de référence positive aidant, dans le climat de confusion de l’Église et de l’Etat qui règne dans notre société, nous n’avons pas trouvé mieux à faire que de dédier tout un aéroport à la mémoire de ce personnage. Preuve s’il en est qu’en dépit de la honte dont ses hommes politiques le recouvrent à l’international, ce que le Bénin a de mieux à montrer au monde peut se compter sur les doigts d'une main. Ce sont peut-être un ou deux chanteurs, un ou deux artistes ou acteurs self-made-man/woman, qui font notre fierté ; et que nous regardons comme des étoiles alors que leur notoriété exogène est plus que relative dans l'espace social d’où il la tiennent. En dehors de cela, plus rien ou presque. D'une manière générale, nous nous plaisons à tirer gloire de reconnaissances exogènes relevant du domaine des arts ou du sport, pour ne pas dire du football et dans une moindre mesure de l'athlétisme, car en dehors de ces sports à infrastructures minimales, aucune organisation ne prépare au sport de haut niveau dans leur diversité ; et en dehors du sport, nous ne nous mettons pas en situation de compétition dans les domaines de la recherche, de l'éducation et de la formation des hommes par et pour nous-mêmes. Nos sociétés de production ou industries--pour autant qu'il en existe--ne sont que des appendices des sociétés ou industries étrangères dans le sillage du capitalisme néocolonial. Or, dans le vaste monde--et c'est la source de mon affliction--la plupart des pays qui avancent et font parler d’eux le font sur la base de figures ou de réalisations moins dérisoires, plus consistantes et plus autonomes. Soit par l'émergence de grandes sociétés commerciales ou industrielles, ce qui va de pair avec la formation endogène des hommes et des femmes porteurs de ces sociétés. Soit, lorsqu'il s'agit des arts ou du sport, la reconnaissance de leurs nationaux est endogène a priori, parce que le fruit d'une volonté de formation nationale bien assumée. Chez nous rien de tel : nos valeurs sont périphériques ou secondaires, c'est-à-dire qu'elles sont circonscrites à des domaines qui ne sont déterminants pour l’avenir d’aucune nation à commencer par la nôtre et, le cas échéant, leurs reconnaissances et leur formation sont laissées à leur débrouille et à la charge des autres ! Quand tout le monde est fier de montrer son gâteau nous, nous montrons la cerise mais nous n’avons pas de gâteau. Et pire c’est une cerise que nous avons greffée sur l’arbre des autres.
Quand est-ce que la chanteuse de référence dite béninoise serait née au Bénin, formée au Bénin, chanterait d’abord et avant tout au Bénin, pour les Béninois, vivrait au Bénin d’où elle rayonnerait dans le monde et non l’inverse ? Même question pour les acteurs, les écrivains, et les artistes en général…
Le plus grave, -- et c'est ce qui me chiffonne plus que tout -- c'est que nous ne nous rendons pas compte que les protestations de fierté que nous manifestons à l’endroit de telle chanteuse, de tel artiste ou de tel acteur made Out of Africa, ne sont rien moins que des manières pathétiques de nous voiler la face.
Bojirenu Athanase
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