1. L'ouvrage collectif, Penser la violence des femmes, dirigé par Coline Cardi et Geneviève Pruvost rassemble la plupart des contributions du colloque du même nom, qui s'est déroulé à Paris, en juin 2010. La somme ainsi constituée sur la violence des femmes est importante à plus d'un titre. Tout d'abord du fait de la diversité des approches. En effet, sont ici réunies des études relevant de différentes sciences sociales : histoire, anthropologie, sociologie, linguistique. Ce croisement pluridisciplinaire permet d'affiner le regard sur la violence des femmes, car il embrasse des situations de violence, ou plutôt de violences, selon des contextes temporel, spatial, culturel différents. Ce qui empêche toute lecture simplificatrice et essentialisante de la violence, des violences des femmes. 2. Et c'est là que réside, ensuite, l'importance de l'ouvrage, de par les questions soulevées : comment penser la violence des femmes ? Le sexe est-il une variable pertinente pour comprendre la violence ? Il s'agit ici de remettre en cause les stéréotypes de genre, qui font de la femme soit un monstre, capable des pires cruautés, soit une victime, trop douce pour commettre le moindre mal. |
1. L'ouvrage collectif, Penser la violence des femmes, dirigé par Coline Cardi et Geneviève Pruvost rassemble la plupart des contributions du colloque du même nom, qui s'est déroulé à Paris, en juin 2010. La somme ainsi constituée sur la violence des femmes est importante à plus d'un titre. Tout d'abord du fait de la diversité des approches. En effet, sont ici réunies des études relevant de différentes sciences sociales : histoire, anthropologie, sociologie, linguistique. Ce croisement pluridisciplinaire permet d'affiner le regard sur la violence des femmes, car il embrasse des situations de violence, ou plutôt de violences, selon des contextes temporel, spatial, culturel différents. Ce qui empêche toute lecture simplificatrice et essentialisante de la violence, des violences des femmes. 2. Et c'est là que réside, ensuite, l'importance de l'ouvrage, de par les questions soulevées : comment penser la violence des femmes ? Le sexe est-il une variable pertinente pour comprendre la violence ? Il s'agit ici de remettre en cause les stéréotypes de genre, qui font de la femme soit un monstre, capable des pires cruautés, soit une victime, trop douce pour commettre le moindre mal. 3. En ce qui concerne les femmes armées, que cela soit légalement, dans le cadre de la police notamment, ou illégalement, dans le cadre de mouvements révolutionnaires par exemple, elles sont perçues comme des (apaisantes) aides, des femmes sous influence, aucunement comme des auteures volontaires et délibérées de violence, aussi bien au Pérou, en Colombie qu'en France. Ainsi, dans ce dernier pays, les militantes de l'organisation Action directe sont-elles montrées tour à tour sous l'emprise des hommes ou comme monstres, telles qu'au XIXe siècle les femmes violentes étaient décrites ; dans les deux cas, la dimension politique de leur action est disqualifiée. 4. Cela n'est pas nouveau : la Révolution française a conduit à renforcer la naturalisation de la différence des sexes, véritable régression dans la mesure où les femmes nobles pouvaient, sous l'ancien Régime, porter les armes pour défendre leurs terres. Cette disqualification de la violence politique des femmes est d'ailleurs problématique lors des réhabilitations des combattantes comme en Colombie ou au Pérou : la réhabilitation et, donc, l'intégration des anciennes combattantes n'existent pour ainsi dire pas, puisque les femmes voient leur rôle dénié. Ce qui ne va pas sans poser problème sur leur place dans la société, mais également sur celle des hommes victimes de cette violence et qui, eux aussi, disparaissent sous le regard et ne sont donc pas protégés comme les suppliciés devraient l'être. 5. Si la violence des femmes est rendue invisible, dépolitisée dans le domaine public, dans le domaine privé, elle est tout aussi déniée ou atténuée. Il est impensable, par exemple, qu'une femme soit pédophile, tout comme il est difficilement concevable qu'une femme violente son conjoint ou qu'une femme dirige un gang. Que ce soit en France ou au Brésil, les femmes sont moins punies que les hommes. Et il est rappelé que dans des travaux d'anthropologues africanistes, la violence domestique des femmes est souvent passée inaperçue. La violence des femmes serait-elle davantage acceptée dans des contextes où la violence est normale ? Cette dernière question soulève en fait celle de la compréhension de la violence des femmes : comment la comprendre ? Après moult mises en garde pour signifier que comprendre n'est pas justifier, les auteurs des différentes contributions parviennent à des hypothèses complémentaires ou antagonistes, mettant ainsi en avant le poids du contexte culturel. En effet, la violence des femmes est-elle une transgression des normes genrées et donc un acte de résistance ou de survie ou, tout au contraire, signe-t-elle une reproduction de l'ordre social sexué ? Si l'on prend l'exemple du Rwanda, les femmes qui ont participé au génocide de façon active se positionnent en victimes ; la violence relève du masculin, non du féminin. De même, la négation de l'existence de la femme pédophile tend au renforcement de l'ordre social, à l'inégalité du partage des rôles sociaux et des tâches afférentes en fonction du genre : la femme est renvoyée à son rôle maternant donc devant prendre soin du corps des enfants ; troubler cette image ferait vaciller la construction familiale. Car s'attacher à dévoiler la violence des femmes conduit à défaire une image idéelle et idéale de la famille et de l'ordre social. D'où le fait que les médias, mais également les organisations policières et judiciaires appréhendent différemment le délit selon le genre, donnant ainsi un miroir déformé de la violence réelle des femmes. 6. Au final, cet ouvrage collectif permet de penser la violence en général à partir du cas des femmes violentes. La violence fait partie des comportements humains. Ignorer celle des femmes, ne signifie pas qu'elle n'existe pas, c'est interdire ce choix aux femmes. L'hétérogénéité des contributions, propre aux ouvrages collectifs, offre un panorama riche et solide pour commencer à penser la violence des femmes et la violence comme comportement anthropologique.
While women are first and foremost seen as victims of violence, C. Cardi and G. Pruvost show that they can also perpetrate it. Women’s violence tends to be sidelined, downplayed or made invisible, and is inextricably linked to their image, testifying to the sexual dimension of the notion of violence itself. Does Violence Have a Sex? (PDF - 104.7 kb) by Alice Debauche Reviewed: Coline Cardi and Geneviève Pruvost (dir.), Penser la violence des femmes, La Découverte. Preface by Arlette Farge, 2012, 440 p. Women’s violence has long been a blind spot in social science research on violence, with a few rare exceptions. The link between “women”, on the one hand, and “violence”, on the other, is mainly broached in terms of the victimisation of women. The challenge taken up by the editors of the volume “Penser la violence des femmes” is twofold: collating a large number of specific studies about women’s violence, from varied fields and disciplines, while also providing an extensive introduction that offers a theoretical and analytical framework for understanding the subject. The articles gathered in this book present and illustrate this range of different possible narratives for women’s violence within four broad areas: political violence; the private and the political; how women’s violence is handled institutionally; how the figure of the violent woman is formed and deformed. Violence and its records and sources |
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