CONVENTION PATRIOTIQUE DES FORCES DE GAUCHE (CPFG) Tél : 98 33 29 88/ 90 91 41 97 Le Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauche Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin Philippe Noudjènoumè | Cotonou le 08 Avril 2014. LETTRE OUVERTE A Monsieur Boni YAYI Président de la République, | | | Monsieur Le Président, C’est avec stupéfaction mêlée d’écœurement que j’ai observé tout le faste qui a été déployé ce week-end du 05 au 06 avril 2014 pour la célébration des trois ans de votre second Mandat en tant que Président de la République de ce pays, le Bénin, notre Patrie commune. Prières dans les mosquées, dans les églises, méga-concert des artistes au Stade de l’Amitié et des chansons panégyriques à votre gloire etc. Voilà le spectacle ahurissant que vous avez offert aux travailleurs, aux jeunes et femmes affamés de ce pays. Tout cela pendant que le pays est plongé dans le noir, que les affaires de l’industriel, des vendeuses d’eau glacée, des rebobineurs, des vendeurs de poissons congelés et autres camions frigorifiques font faillite faute d’énergie électrique, que les écoles restent fermées et que tous les jours, de milliers d’élèves prennent d’assaut les rues pour exiger de vous seulement le relèvement de deux individus et l’amélioration des conditions matérielles à leurs professeurs pour une année sauvée. Cela paraît surréaliste ! La question que tout citoyen honnête se pose est la suivante : « Qu’avez-vous fêté Mr le Président? » La faim qui tenaille les travailleurs et l’ensemble du peuple, le chômage de millions de jeunes de ce pays qui croupissent dans la misère et la déshérence, le délestage ou la paralysie de l’administration publique alors que cette date du 06 Avril 2014 marque aussi l’entrée dans le 4ème mois de grève générale des travailleurs du Bénin ? Je suis d’autant plus abasourdi de voir votre assurance et sérénité qui s’apparente au cynisme de Néron regardant Rome à laquelle il a mis le feu, brûler. Et vos déclarations faites à cette occasion ont renforcé à mon niveau ce sentiment lorsque vous conviez le peuple à «vivre d’espoir et d’espérance ; le Bénin émergent c’est pour bientôt » Monsieur Le Président de la République, Je ne vous ferai pas l’injure que, par-delà les flaflas et fastes de Chef d’Etat et des salamalec de Cour, vous ne vous retirez pas souvent dans votre chambre pour faire votre introspection et bilan de vos actions à la tête de ce pays dont vous conduisez la destinée depuis 8 ans. Je n‘en doute nullement. Mais c’est que votre vision des choses et la praxis qui la porte sont fondamentalement aux antipodes de toutes normes démocratiques. Pour vous, il n’y a de Loi que votre Volonté et les salamalec auxquels vous vous livrez parfois auprès de certaines personnes- comme votre dernière visite à Bruno AMOUSSOU - personnes dont vous voulez vous servir et que certains taxent d’humilité, ne sont que pure tromperie. L’humilité pour un Chef d’Etat dans un système démocratique ne s’entend pas vis-à-vis d’un individu quelque soit par ailleurs sa place dans la société. Son humilité consiste à être à l’écoute du Peuple qui l’a élu et à faire sa Volonté traduite en Loi. Vous agissez et gouvernez comme s’il n’existe pas un peuple, comme s’il n’a pas existé les grandes conquêtes démocratiques de 1989-90 et dont bon nombre sont consacrées dans la Constitution de notre pays. Toutes vos pratiques et déclarations tendent à montrer que votre mission est de liquider tous les acquis démocratiques que notre peuple combattant a laborieusement conquis au prix de lourds sacrifices. Vous nagez dans les actes de parjure et dans l’illégalité la plus parfaite. Comme l’écrit l’hebdomadaire ‘’La Croix du Bénin ‘’en date du 04 Avril 2014, faisant le bilan de vos huit ans de pouvoir « Un concours illégal, un gouvernement illégal, un préfet illégal…une préférence à l’illégalité. Les cas de manque de respect des textes de la République sont nombreux et se recensent dans tous les domaines ». Le mépris des lois de la République vous a conduit à imposer à notre peuple une LEPI truquée pour obtenir contre toute évidence un hold-up électoral, un k-o devenu historique. Cela vous a amené à tenter de changer frauduleusement de Constitution sous couvert de révision-et à ne plus organiser les élections à bonne date dans notre pays. Une telle gouvernance n’a pas d’autre nom que la dictature autocratique. Monsieur Le Président, Le mouvement de grève générale actuelle, ses motivations et votre comportement illustrent bien ce que j’avance. Voici plus de trois mois que le pays est paralysé par la grève générale des travailleurs qui en protestation contre la répression sanglante de la marche pacifique du 27 Décembre 2013, exigeaient en plus des revendications matérielles deux choses fondamentales : le relèvement des deux auteurs de ce massacre en violation flagrante des articles 19 et 25 de notre Constitution et l’annulation des concours frauduleux organisés au profit du Ministère des finances en Juillet 2012. Monsieur Le Président, Aurait-il fallu d’abord trois mois de grève, pour un Président, s’il est vraiment à l’écoute de son peuple, pour reconnaître le caractère frauduleux d’un concours qui est organisé sans respect d’aucun texte et par surcroît dont le résultat proclamé porte une même signature du Ministre sur deux contenus différents ? En reconnaissant formellement cette fraude manifeste mais en n’identifiant pas et ne sanctionnant pas les auteurs, n’est-ce pas là cautionner le règne de l’impunité –plaie de notre société - que vous affirmez combattre dans vos déclarations ? Pour ce qui est du limogeage du Préfet AZANDE Placide et du Commissaire Central de Cotonou, Pierre AGOSSADOU, que signifie jusque-là votre refus délibéré d’accéder à cette demande des travailleurs ? Il y a lieu de se poser cette question d’autant plus que depuis votre arrivée au pouvoir en 2006, nous avons de nombreux cas de limogeages auxquels vous avez procédé et dont les victimes ont fait beaucoup moins que les deux concernés par le mouvement actuel. Dès votre premier gouvernement, pour simplement avoir osé émettre une critique sur la manière dont sont imposées aux Ministres les formations des cabinets ministériels, METINHOUE Pierre DC de la Ministre HOUETO Colette a été limogé le lendemain en même temps que sa Ministre. HOUESSOU Expédit, DG de la SONACOP a non seulement été relevé comme le demandaient les travailleurs de cette structure, mais a été jeté en prison. Rien que dans la période du déclenchement de ce mouvement de grève, vous avez procédé à de nombreux limogeages de Directeurs sans autre forme de procès. . Il a suffi d’un mouvement protestataire des travailleurs de l’OCBN contre leur DG demandant son départ un jeudi pour que vous limogiez celui-ci le lendemain. Vous avez limogé sans état d’âme des Commissaires de police présumés coupables dans le stockage de drogue au port de Cotonou. Vous venez même de limoger un DG, celui de la SBEE, alors même que sur la question des deux milliards, les syndicats de la maison l’ont défendu et que le procureur de la République n’ait rien trouvé sur ce sujet à son encontre. Alors comment ne pas limoger ceux qui osé faire verser le sang humain ; le sang des travailleurs à vos yeux ne vaudrait-il pas cette sanction ? Alors votre attitude dans cette affaire doit être vue comme un soutien à ces deux criminels et ce soutien veut dire que derrière eux, se trouve vous-même en tant que vrai commanditaire de la répression barbare du 27 Décembre 2013. Tout votre comportement atteste cette interprétation. D’abord vous avez tenté de nier la matérialité des faits en parlant de « sang de mouton ou de mercurochrome». Acculé par les protestations populaires, vous avez dû opérer un recul et au lieu de présenter vos propres excuses –pour injure- aux travailleurs et au peuple, vous avez préféré « présenter les excuses de la République ». Mais si la République est amenée à « présenter ses excuses » pour des faits commis par un agent public dans l’exercice de ces fonctions, -ce qui s’appelle faute de service- le moins qu’elle puisse faire, c’est de le sanctionner par une sanction administrative qui ne peut être que le limogeage sans préjudice des peines judiciaires. Ceci est d’autant plus vrai qu’il s’agit ici de la violation flagrante de la Constitution elle-même. Même commanditaire de la répression du 27 Décembre, rien ne vous oblige à ce comportement s’il n’y a d’autres motivations. En effet l’article 19 de notre Constitution est très clair. Même si vous êtes donneur d’ordre, le commissaire Pierre AGOSSADOU et le Préfet AZANDE sont à titre personnel pénalement responsables de leur forfait et ne peuvent se prévaloir d’obéissance à autorité hiérarchique. Mais si malgré cela, vous les couvrez comme vous le faites, c’est que vous tenez à avoir toujours à votre service des hommes liges, des criminels prêts à commettre tous les forfaits, pour vous donner la possibilité de réprimer quiconque s’oppose à votre politique (soit en le torturant soit en le liquidant physiquement) Pouvons-nous citer tous les cas de crimes commis sous votre régime et dont les bras exécuteurs ne seront peut-être jamais connus que de vous et de vos services ? Par qui et comment a été tué DANGNIVO Urbain Pierre ? Par qui et comment a été assassinée dame Bernadette SOHOUDJI AGBOSSOU ? Le professeur DJENONTIN ? Qui sont ceux qui ont attenté à la vie de Martin ASSOGBA ? La liste des crimes sous votre pouvoir est bien longue : les citoyens Gabriel ETOKO et Hubert GBOTCHEVI de Ouidah assassinés par la garde présidentielle le 13 Mai 2007, le jeune El Hadj KOUABI Fawaz assassiné à Natitingou le 04 Mai 2011, les paysans d’Agonvy abattus le 29 décembre 2008, les citoyens tués - et dont on ne connaîtra peut-être jamais le nombre- lors de la chasse aux vendeurs de Kpayo. Pour le cas de Fawaz, bien que le rapport du commissaire commanditaire du crime est très clair, non seulement vous n’avez pas puni les coupables, mais encore vous avez fait mettre en prison les victimes jusqu’à la prison de Missérété. Les étudiants de Parakou manifestant pacifiquement ont été fusillés ; au lieu de punir les coupables, on n’en a exclus parmi eux 13. Dans l’affaire des présumés coupables d’empoisonnement, la justice en première instance prononce un non-lieu, non-lieu confirmé en appel. Et pourtant par votre seule volonté, ces personnes sont toujours gardées en prison. Il en est de même du cas de Désiré VODONOU. Tout cela fait la marque déposée de votre pouvoir qui ne mérite qu’un label : la tyrannie. Monsieur Le Président, Les travailleurs en grève en exigeant le limogeage de Placide AZANDE et de Pierre AGOSSADOU qui ont violé grossièrement l’article 19 de notre Constitution en faisant verser le sang des citoyens en manifestation pacifique, le font non pour leur personne seule, mais pour le peuple tout entier. Ils le font pour que plus jamais de telles choses ne se reproduisent sur notre terre béninoise ; que plus personne qu’il s’appelle, Christophe, Kokou, Pierrette , Imorou ou Baké ne subisse plus jamais un tel sort. Ils le font pour que plus jamais il n’y ait aucune possibilité pour quiconque d’empêcher quelqu’un de dire qu’il a faim. C’est dire Monsieur Le Président de la République et cher Concitoyen, que les exhortations à la demande de « pardon » adressées aux Responsables des confédérations et Fédérations syndicales telles ventilées ne revêtent aucune signification. C’est aux fautifs de demander pardon au peuple avec l’obligation pour eux de quitter le poste d’où ils ont commis leur forfait. Monsieur Le Président, Le recours à la tyrannie (arrestations, détentions arbitraires, répressions, assassinats crapuleux pour faire taire toute opposition) n’a de motivation que pour vous protéger des critiques de la gestion chaotique que vous faites des affaires communes. Et dans ce domaine, jamais notre pays n’a connu autant de scandales politico-financiers que sous votre régime. Vais-je vous rappeler quelques-uns des plus récents? Le scandale du bâtiment de l’Assemblée Nationale à Porto-Novo ( 14 milliards en fumée), la Centrale de Maria Gléta, un véritable « Eléphant blanc » avec à la clé plus 40 milliards de pertes pour le pays, pour le contribuable béninois qui est tous les jours plongé dans le noir faute d’électricité, sans oublier les multiples lancements de routes ou d’ouvrages divers jamais achevés, l’image des tonnes de coton brûlant sous les flammes ou avarié par les pluies, sans parler de l’arnaque de l’épargne des citoyens avec la fameuse affaire ICC. Avez-vous jamais déclaré vos revenus et salaires que vous tirez de la caisse commune comme le font vos pairs des autres pays? Jamais dans l’histoire récente de notre pays, nous n’avons connu autant l’affairisme porté au sommet de l’Etat avec une confusion manifeste entre les affaires et le pouvoir politique, la confusion entre le fonds public et vos fonds privés Tout pour vous est « buisiness ». Même la société béninoise en charge de la gestion au nom du Bénin de notre pétrole (en voie de découverte), la Société Béninoise des Hydrocarbures n’est pas une société d’Etat ! Tous les grands scandales financiers ont toujours eu pour auteur ou vous-même ou des personnes très proches de votre entourage. La conséquence d’une telle gestion calamiteuse, c’est que les caisses de l’Etat et des entreprises publiques sont constamment sous tension et vidées à des fins personnelles, à des fins de propagande personnelle (financement à coup de milliards de marches et autres manifestations commandées, financement à coup de milliards d’organes de presses privées nationaux ou internationaux pour « soigner votre image » ; voyages multiples de prestiges sans intérêt pour le Bénin et dont les seules motivations ne répondent qu’au besoin personnel de montrer votre image à des forums ou des Ministres feraient bien l’affaire). Monsieur Le Président, Le seul mot qui caractérise votre bilan politique est « Echec ». Echec économique, échec financier, échec agricole, échec scolaire, échec sanitaire, échec politique et social. Catastrophe morale. Les hommes n’ont plus aucune motivation, aucun enthousiasme au travail ; du fait que l’effort n’est plus récompensé, les fruits de travail sont détournés. Les nominations, les réussites aux concours, les promotions ne se font plus au mérite et ne répondent plus à aucune norme administrative. Et seuls « réussissent » et se font des biens au soleil que les plus fainéants et les plus « malins ». Les subventions ne vont qu’à ceux qui se courbent le plus devant le Monarque. Echec politique, car vous venez d’en essuyer un et de cuisant dans vos efforts vains d’instaurer au Bénin, un régime tyrannique. Les luttes actuelles de notre peuple marquent son refus de votre gouvernance tyrannique et corrompue. C’est pourquoi, Monsieur le Président de la République, la seule attitude juste et intelligente qui corresponde à la situation réelle est de prendre conscience de cet échec et de faire amende honorable en prenant les mesures suivantes : 1°-Pour la garantie des libertés fondamentales : la sanction de tout violateur des libertés publiques ; 2°-Pour enrayer l’analphabétisme et l’appropriation de la science par le peuple : l’instruction de tout le peuple dans les langues maternelles 3°- Pour une gestion transparente et l’instauration de l’enthousiasme au travail : le contrôle populaire de la gestion des biens publics, ce qui passe par l’élection et la révocabilité des DG et directeurs techniques des administrations et entreprises publiques. 4°-Pour la promotion de la production nationale, la protection du patrimoine national ainsi que des producteurs nationaux (agriculteurs, industriels, artisans, commerçants et artistes), 5°- Pour les concours transparents, les mesures portant contrôle des concours d’entrée à la fonction publique tant civile que militaire avec la participation des syndicats. La sanction à l’encontre des auteurs des concours frauduleux (à commencer par ceux de 2012 au profit du Ministère des finances) De façon immédiate, pour mettre fin à la crise actuelle, il vous faut prendre les mesures d’apaisement urgentes répondant aux revendications des travailleurs. Ce sont - L’octroi des 25% du traitement indiciaire aux enseignants. - La sédentarisation des vacataires par leur recrutement à la fonction publique. - Le limogeage du Commissaire AGOSSADOU Pierre et du Préfet Placide AZANDE Monsieur Le Président, Telles sont les mesures que je me permets de vous indiquer à prendre dans l’immédiat si vous voulez sauver quelque chose encore et de votre nom et de votre avenir. Tout est encore possible et il n’est jamais trop tard pour mieux faire dit-on. Mais si comme je le crains, vous persistez dans vos politique et attitude actuelles, sachez qu’il ne restera au peuple souverain du Bénin que de prendre sa responsabilité dans son rejet de toute dictature tyrannique et de déployer sa volonté inébranlable d’un pouvoir véritablement démocratique et émancipé. Avec mes sentiments patriotiques. Philippe NOUDJENOUME Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauche Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin |
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