Abondamment utilisée par Obasanjo durant sa présidence, la stratégie qui consiste au président de la République à arborer ostensiblement les signes vestimentaire d'un état ou d'une zone ethnique qu'il visite est devenue une habitude subtilement reprise. D'une certaine manière, elle ne fait que reprendre la réalité de l'éclatement vestimentaire et identitaire dans une fédération nigériane compartimentée entre des zones ou régions qui cherchent chacune à se distinguer, à se différencier. Les représentants des états et des régions mettent un point d'honneur à afficher les signes distinctifs de leur origines et de leurs identités spécifiques. Et dans ce concours à l'affichage généralisé, les images finissent par induire voire instituer des oppositions et des incompatibilités, qui ne font que renforcer les division du pays. Jonathan lui-même dans son vêtement normal, en est la traduction concrète. Sa tunique bleue nuit et son chapeau à large bord se veulent typiques de la région du delta dont il est originaire, plus précisément de l'Etat du Bayelsa. Mais lorsqu'à partir de cette image originelle, il doit tour à tour jouer les Yoruba lorsqu'il va dans les états yoruba, les Haoussa, les Peulh, etc. lorsqu'il va dans les différents états du Nord ( car contrairement à ce qu'on pense le Nord est bien moins monolithique culturellement parlant) eh bien cela donne une drôle d'impression de gymnastique caméléonesque dérisoire et par certains côtés désespérante. D'abord parce que quoiqu'il en soit l'opération symboliquement montre ses limites. Puisque porter l'agbada yoruba sans parler le yoruba, porter les coiffures et les robes longues des haoussa sans parler leur langue n'est pas convaincant. Cette tendance facile sous-estime le dicton qui dit que l'habit ne fait pas le moine. Mais plus sérieusement, à vouloir ressembler à chaque région, chaque état, le président en tant qu'incarnation de leur synthèse passe à côté de sa mission et de son image d'unité. En Afrique -- et le Nigeria en est l'exemple -- quand déciderons-nous de choisir et de partager un minimum de valeurs symboliques ? Regardez un pays aussi vaste que la Chine, sa population parvient à partager en commun, une même écriture, un même mode vestimentaire et une langue de base, qui bien sûr à des modulations régionales, le chinois... Mais au Nigeria, préfiguration grandeur nature de ce que l'Afrique unie veut être, on ne va pas vers l'unité et on cultive de manière maladive et passionnée la distinction et le morcèlement identitaires ? Appartient-il au Président d'entrer dans ce jeu mesquin du morcèlement ? |
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