Depuis quelque temps, Yayi Boni utilise un mode de communication triangulé, qui lui permet, à partir d’une cible restreinte apparente, de s’adresser à une cible plus élargie, à peine cachée. C’est par ce mode qu’il a récemment traité de tous les noms et couvert d’insinuations calomnieuses les syndicalistes et ses opposants politiques en prétendant s’adresser à des jeunes réunis exprès à la Marina. De même, le 1er Février 2014, dans une adresse à un groupe de femmes bénéficiaires de microcrédits, usant d’une métaphore douteuse, le même Yayi Boni aurait dit que le Bénin était le 36ème État du Nigeria. Sous couleur de métaphore, il s’agit en réalité d’un message subliminal de menace, propos crypté visant à faire peur au peuple béninois en général et surtout aux syndicalistes en grève ; avec en arrière plan la crainte de se voir balayé par la révolte du peuple qui gronde. On se souvient de la mise en scène de Jonathan lors des élections de mars 2011, qui allaient devenir le holdup que tout le monde connaît. Jonathan était venu au Bénin gronder le peuple en le mettant en garde de protester contre le holdup en préparation au motif qu’il ne tolèrerait pas une rébellion aux portes du Nigéria. L’ironie du sort voulut que si les Béninois respectèrent la mise en garde de Jonathan, quelques mois plus tard, celui-ci dut essuyer dans son propre pays des protestations postélectorales qui se soldèrent par une hécatombe de 800 personnes ! En disant de façon sournoise que le Bénin est le 36ème État du Nigeria, Yayi Boni sous-entend que ceux qui tentent de (ou souhaitent) mettre à bas son pouvoir doivent compter avec la réaction du puissant voisin dont il aurait la protection. Au passage, il assume le rôle de gouverneur sans paraître voir ce que cela a de dégradant pour lui-même et pour le Bénin. Tant il est vrai que l'art de faire l'âne pour avoir le foin est l'un des penchants indécrottables de Monsieur Yayi. Sans doute les séances de prière qu’il partage certains dimanches à la chapelle présidentielle d’Abuja lui font-il croire que les chapelles politiques et nationales sont confondues entre les deux pays. Sans doute pense-t-il que la passivité -- certes étonnante --des Béninois après son holdup doit beaucoup aux mises en garde de Jonathan. |
Ce qu’il ne doit pas oublier c’est que Jonathan lui-même ne mène pas large dans son propre pays comme du temps où il était venu sermonner les Béninois. En 2011, il était un candidat légitime et légitimement accepté par tous en tant que tel ; il avait le soutien d’un grand parti uni, le PDP et de son fondateur, l’ancien président Obasanjo. Aujourd’hui, Jonathan, n’a presque plus rien de ces atouts politiques qui naguère le poussaient à venir jouer les épouvantails à Cotonou. Aussi, cette manière d’agiter de façon sublimable la menace du Nigéria sous la protection duquel Yayi Boni se place en passant pour le gouverneur de son 36ème État que serait le Bénin ne peut faire peur qu’à ceux qui ne savent pas la mauvaise posture dans laquelle se trouve Jonathan. Malgré les fréquentations religieuses entre les deux chefs d’Etat, et malgré la proximité culturelle et géographique du Nigeria, un petit détail en dit long sur la totale méconnaissance de ce pays par Yayi Boni : quelque soit le sens qu’il donne à sa métaphore douteuse, le Bénin ne peut pas être le 36ème État du Nigéria, car Abuja – the federal capital territory comme on l’appelle -- est le 36ème État du Nigeria. Binason Avèkes |
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