ECHEC DU SYSTEME EDUCATIF AU BENIN Depuis Septembre 2013 se déroule une crise politique au Bénin. Cette crise s’est accentuée avec la répression sanglante de la manifestation des travailleurs du 27 Décembre sur ordre de YAYI BONI. Le système éducatif est également en crise, car depuis 1960, il ne cesse de se dégrader. Aujourd’hui, cette dégradation a atteint un niveau chronique, tant toutes les mesures et réformes pour le sauver, ont échoué. Pourquoi cet échec et comment s’en sortir ? C’est ce que nous allons voir rapidement en trois points : le constat ; les causes et les voies de salut avant de conclure. LE CONSTAT L’école est la mesure du niveau d’évolution d’un pays. Dans quel état se trouve celle du Bénin ? Depuis 1960 jusqu’en 2002, il y a encore 62.3% d’analphabètes. C’est-à-dire des gens qui n’ont aucun accès à l’information scientifique, ni en français, ni dans leur langue maternelle. Les prérogatives de l’Etat sont abandonnées au privé au point où dès l’école maternelle, sur 27.675 enfants, 10.375 sont aux mains du privé et 17.300 dans le public, selon les chiffres du Ministère en Charge de l’Education Nationale en 2007. Il en est de même pour l’enseignement secondaire. Dans l’enseignement supérieur, la dégradation des programmes scientifiques font fuir les élèves vers les filières « plus abordables ». Le pourcentage des candidats au BAC série C tend vers zéro, passant de 3.2% en 2005 à 1.5% en 2010. Certains établissements publics de renom n’ont même plus de Terminale C ! (Cf. « Comment améliorer le système d’enseignement supérieur privé au Bénin »de Mr. ALAVO Gino. Enseignant et chargé d’études chez Médicis Co.) Et la prolifération des écoles privées d’enseignement supérieur avec la pratique des prix anarchiques qui prouve l’absence complète de contrôle et de coordination du Ministère de l’Education Nationale, est le reflet du chaos qui règne au sommet même de l’Etat. Ainsi, en 2010, 75% des étudiants étaient en filières Lettres et Sciences Sociales ; 18% étaient en filières Sciences Agricole et Ingénierie tandis que 7% seulement étaient en Technique et Technologie. Cf. « La ruine de l’école au bénin : Pourquoi et comment en sortir ? »Editions INIREF. Dans toutes ces filières, les programmes de formation sont simplement calqués sur des programmes étrangers, complètement inadaptés aux besoins des populations et au développement de notre pays. Résultat, la majorité de ces filières deviennent des usines à fabriquer des diplômés sans emploi et des chômeurs. C’est donc en leur sein que l’on retrouve la plupart des jeunes passés champions du monde en cybercriminalité. LES CAUSES DE L’ECHEC Au chapitre des causes de l’échec figurent en bonne place les différentes réformes. Les Réformes qui se sont succédées depuis 1971 : Réforme Grosse-Tête-Dossou-Yovo, sous le Conseil Présidentiel ; 1975 : Programme National d’Edification de l’Ecole Nouvelle, sous le PRPB, et tout récemment la Réforme des « Nouveaux Programmes d’Etudes » en 2003. La sélection par l’argent, en opérant une ségrégation entre pauvres et riches, contribue largement à l’échec de l’enseignement. Les frais de formation prohibitifs compromettent l’accès de tous à l’éducation. En effet, dans les écoles doctorales et les études en Masters, ces frais vont de 400.000 à 650.000 Francs CFA alors qu’au Togo et au Sénégal, ces taux sont de 50.000 à 200.000 FCFA. La qualité de l’enseignement passe d’abord et avant tout par les qualités des vecteurs de transmission que constituent les enseignants. Or 2.53% seulement d’entre eux sont des Agents Permanents de l’Etat qui ne recrute plus, ni ne forme plus depuis l’injonction faite par le FMI et la Banque Mondiale en 1989. Les 73% restants sont donc des vacataires sans formation, ni qualification. Résultat, sur 100 élèves inscrits en Cours d’Initiation, 54% parviennent au CM2 et les 46% déscolarisés retournent à l’illettrisme. Par ailleurs, en enseignement secondaire général, on note en 2005, 35 à 52% de réussite au BEPC contre 45% d’échec et 35% de réussite au BAC contre 65% d’échec. C’est inadmissible ! L’absence de pédagogie suffisante fait que l’enseignant ne maitrise pas l’objet d’apprentissage. Il ne bénéficie pas non plus d’un encadrement. Les abandons scolaires sont une autre preuve s’il en fallait, de l’échec du système éducatif au Bénin. Ces abandons sont liés aux difficultés économiques des familles majoritairement frappées par la pauvreté et la misère ; les grossesses précoces qui s’empirent et touchent de plus en plus des fillettes de 9 à 10 ans dont 300 meurent chaque année en couche ; les mariages forcés qui persistent dans les zones rurales aussi, sans oublier le célèbre phénomène « Vidomingon » qui s’amplifie en maintenant les enfants victimes de ce fléau loin des bancs de l’école. Les fraudes sont à classer parmi les plus grandes causes de l’agonie du système de l’enseignement. Au Bénin, nous sommes passés des petites tricheries d’entant entre élèves, aux appuis politiques, puis aux gigantesques fraudes organisées au niveau de l’Etat. Sous prétexte d’équilibrage entre le Nord et le Sud, le Président YAYI BONI, demande avant publication des résultats des admis à un examen ou à un concours, les listes. Puis il procède au remplacement des noms des admis originaires du Sud par ceux du Nord ayant échoué. Mais le sommet du ridicule est désormais atteint lorsque le chef de l’Etat décide de remplacer systématiquement les admis du Sud par ceux du Nord n’ayant même pas composé ! Ces actes en lieu et place du travail et du mérite sont destructifs de tout effort chez l’apprenant et participent largement à la ruine de l’école. La langue maternelle support idéal de l’initiation et préconisée par l’UNESCO, faisant défaut dans notre système d’enseignement, on peut comprendre aisément les difficultés des petits apprenants. LES VOIES DE SALUT Sans éducation, il n’y a pas de développement possible. Et heureusement pour nos peuples il existe des voies de salut que sont les outils, les acteurs ainsi que l’expérience des autres peuples dont nous pouvons nous inspirer. Les outils ? L’élaboration des matériaux didactiques de nos langues ; élaboration de nombreuses productions en langues nationales ; et enfin, l’élaboration d’un chronogramme de mise en œuvre. Les acteurs ? Les missionnaires africanistes ayant des expériences en production biblique diverse. (Cf.La Ruine de l’Ecole au Bénin : Pourquoi et comment en sortir ?) L’Institut International de Recherches et de Formation (INIREF) qui a accumulé des expériences au fil des ans depuis sa création au Bénin. Expériences enrichissantes à partir de ses Laboratoires de Langues Nationales. La Coopération Suisse qui a joué et continue de jouer un grand rôle dans ce domaine. Les Résultats attendus L’enrayement dans un bref délai de l’analphabétisme, un fléau de notre époque. Ceci est possible dans la mesure où dans une école d’enfants Yoruba, l’initiation à l’alphabet en français s’est fait en trois mois tandis qu’il n’a fallu que 45 jours pour réussir cette même initiation en Yoruba, la langue maternelle des petits apprenants. Le Ghana, le Nigeria et le Burkina Faso sont déjà sur cette voie. Pour se faire, il va falloir prendre des dispositions pratiques qui passent d’abord et avant tout par un choix politique. Car la réhabilitation de nos langues nationales entraine leur introduction à l’école, dans l’administration et dans la justice. CONCLUSION Le Bénin est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Il est donc temps que le peuple Béninois, notamment ses dignes fils prennent leurs responsabilités pour ne plus laisser croire à une quelconque fatalité. L’éducation étant la base de tout développement, la dispenser dans nos langues nationales devient une nécessité impérieuse. Par ailleurs, puisque le premier droit du citoyen est d’être entendu et jugé dans une langue qu’il comprend, l’article 2 de la Constitution actuelle en vigueur devra être annulé. Ce qui rend de facto caduc, aussi bien la circulaire du 1er Mai 1924, que le pacte colonial de 1961 qui impose à notre pays le Français comme langue officielle. Et lorsque les pendules auront été remis à l’heure, la priorité devra être donnée à une refonte de notre système d’éducation afin de l’adapter à nos réalités sociales et économiques et sortir le pays des ténèbres pour l’élever vers la lumière universelle. Ceci est un droit inaliénable de tout peuple, consigné dans la Résolution N° 1514 de l’ONU sur la décolonisation des pays sous domination. Résolution votée en 1960. Paris le 02 Février 2014- Mme Eugénie Dossa-Quenum Biologiste, Conférencière, Ecrivain |
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