La première erreur fatale de Kadhafi c'est de n'avoir pas construit l'équilibre politique interne de la Libye jusqu’à son terme et d'avoir eu trop confiance en sa main de fer. Cette main de fer a sans doute tenu les forces contestatrices de son régime en équilibre, mais c'était un équilibre instable que le temps et les circonstances géopolitiques ont fini par faire basculer. La volonté de le détruire, lui, son naturel insoumis et l'idéal d'union de l'Afrique exploitée qu'il incarnait, avait longtemps habité les occidentaux. Mais cette volonté ne pouvait atteindre son but que si les forces hostiles de l'intérieur étaient mûres pour être cueillies. Or, pour que ces forces ne mûrissent pas, il aurait fallu que le grand dirigeant fût plus soucieux qu'il ne l'a été de leur équilibre politique, qu’il veillât à défaut de les intégrer, de ne pas aggraver leurs frustrations. Au lieu de quoi, ces forces intérieures, durant plusieurs décennies, ne furent traitées que par la répression et le mépris. Pendant ce temps, le colonel Kadhafi paradait en empereur africain, reprenant le flambeau de Kwame Nkrumah, prêchant l'Union africaine. Avec ses pétrodinars, il s'investissait dans nombre de pays africains nécessiteux dont il ambitionnait d'influencer non seulement la politique intérieure mais aussi la politique extérieure. Par l'appât du gain qu'il maniait en pêcheur facétieux, il s'attachait la bienveillance de bon nombre de ses pairs africains, certains parmi eux étant constitués en une cour d'obligés qui était sans cesse sur les routes de Tripoli. |
siècles. Le Colonel Kadhafi croyait aussi qu'il avait pu susciter un élan continental et de solides amitiés en Afrique noire susceptibles de voler à son secours au moment où la menace occidentale serait aux portes de son pouvoir. Or, lorsque, favorisée par les circonstances géopolitiques, et décrétée par les États-Unis, cette menace se précisa, aucun de ses nombreux « frères africains » ne leva le petit doigt. Le fantasme d’une houle déferlante d'Africains se dirigeant en masse compacte vers Tripoli pour sauver son trône se mua en cauchemar désertique. Un silence de nécropole accueillit son attente. Cela dut être pour le Roi des rois un désenchantement cruel et une affligeante déception. Car Kadhafi avait trop compté sur l'impact moral de la réaction africaine pour contrer la menace occidentale sans se rendre compte que l'Afrique qu'il encensait n'était qu'un ramassis de gens amorphes, pour la plupart sans honneur et sans couilles, chiens couchants incapables de bouger lorsque le maître blanc de toujours leur dira : « couchez ! » Brice Aninyinkin
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