Owolabi n’était pas homme à confier des secrets à sa femme. C’était un être de tempérament rêveur, doux mais très coléreux. Comme beaucoup d’homme, il pensait que les femmes n’étaient pas capables de garder un secret. Mais depuis des années que Titilayo était sa compagne, le rêve de son mari de s’enrichir n’était pas un secret pour elle. C’était comme une vieille lune qu’il regardait de loin, avec des yeux étourdis d’envies sans jamais pouvoir la décrocher. D’ailleurs, Titilayo n’était pas la seule à être au parfum de ce rêve. Tout le village était au courant des lubies d’Owolabi, et on l’avait surnommé Baba Alalà, c’est-à-dire l’homme aux rêves ou le rêveur. Un jour, Owolabi, de retour d’un long voyage, ramena une vieille marmite, qu’il présenta à Titilayo. « Voici une nouvelle marmite. Tu l’utiliseras désormais pour préparer le repas du soir.
Titilayo dut se plier à la volonté de son mari, pour ne pas susciter sa colère, car elle se rendit compte que Baba Alalà tenait à sa vieille marmite comme à la prunelle de ses yeux. Ainsi, chaque soir, Titilayo se mit à préparer le dîner dans la vieille marmite amenée par son mari. Elle était loin de deviner que la marmite n’était pas une simple marmite. Le vieux pot avait la vertu de transformer en or les cendres du feu sur lequel il avait reposé. Chaque soir, tard dans la nuit, quand toute la concession était assoupie ainsi que le voisinage, Owolabi le bien nommé, se glissait hors de la couche conjugale, et allait récolter les cendres d’or laissées par sa marmite chérie ; puis il stockait le précieux trésor dans un endroit aménagé du grenier où personne d’autre que lui n’avait accès. Au fur à mesure que les jours et les semaines passaient, Owolabi commençait à rêver tout haut de projets grandioses qu’il voulait réaliser. Il pensait reconstruire sa concession de fond en comble, faire creuser un canal depuis la rivière jusque dans son champ, avoir du bétail pour les labours et l’élevage. Il rêvait de refaire la cérémonie de son mariage avec Titilayo, donner beaucoup d’argent en dot à sa famille, faire venir depuis Oyo un panégyriste réputé et toute son orchestre pour chanter son oriki, au cours d’une fête qu’il rêvait mémorable. Owolabi fomentait aussi d’autres rêves qui lui faisaient mériter son surnom de Baba Alalà. Pendant qu’il rêvait, Owolabi continuait de récolter secrètement les cendres d’or qu’il stockait nuitamment dans son grenier à l’abri du regard de sa femme. Un jour, Korede, un jeune chasseur bien connu du village, était sur le point de partir en voyage. Il vint voir Titilayo pendant que son mari était absent, et lui demanda une faveur. « Quelle faveur ? demanda Titilayo
Titilayo trouva la proposition de Korede intéressante, et après quelque hésitation, ne se fit pas prier longtemps pour se débarrasser de sa vieille marmite dont elle avait honte. Lorsque Owolabi à son retour apprit ce que Titilayo avait fait dans son dos, il piqua une grande colère et la passa sur son épouse. Il la frappa, la rossa et s’effondra désespéré. « Tu m’as ruiné, tu m’as ruiné, glapissait-il à perdre haleine. » Mais Titilayo ne comprenait rien au désespoir de son mari. «Rattrapons-le gémissait-elle. » Mais il était trop tard, car Korede, l’habile chasseur était déjà loin dans la forêt. Naturellement, Korede n'avait pas intrigué pour subtiliser le pot sans connaître le secret de Baba Alalà. Le jeune chasseur toujours à l’affût du gibier nocturne avait pris l’habitude d’observer depuis les buissons les manèges d’Owolabi qui mystérieusement recueillait les cendres toutes les nuits. Cela l’avait intrigué, et en chasseur bien introduit dans le monde mystérieux des puissances occultes, il en avait déduit que les cendres précieuses que récoltait Owolabi chaque nuit ne pouvaient qu’être le produit de l’effet magique de la vieille marmite ; et il en tomba amoureux… Binason Avèkes, Conte de Kétou |
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