Quand Yayi Boni parle de guerre, il a l’illusion d’être prêt ; il pense avoir suffisamment divisé le pays pour que la menace de guerre fasse effet sur ses adversaires. Il est persuadé que la mise en danger de son régime soulèvera une levée de boucliers parmi les corrompus qu’il protège, les privilégiés de son écurie et ceux dont il a favorisé le sort au prix de l’injustice nationale. À commencer d'abord par la horde tribale des opportunistes qu’il a disséminés méthodiquement dans les moindres recoins de l'Administration avec ou sans concours -truqués ou non truqués. Les myriades de nominations fantaisistes, peu regardantes quant au mérite, mais tout entier inscrites dans un vaste plan d'invasion régionaliste du champ national. Le grand cordon de présidents d'institutions à l'utilité douteuse qui sont souvent des postes de rente, aux émoluments mirifiques, assortis de confortables privilèges. Postes d'État qui quoique limités en nombre ont l'avantage d'être plus visibles, et qui sont volontiers offerts aux ludions sudistes dans le but de d'endormir leurs congénères régionaux. C'est tout ce dispositif de nominations autoritaires, de fraudes et de népotisme décomplexés, basé sur la médiocrité au mépris de la compétence, l'appartenance régionale au mépris du mérite, c'est cette ineptie gestionnaire qui est au principe de la conscription de l'armée politique sur laquelle compte M. Yayi. C'est cette armée qui l’incite à pousser des cris de guerre à intervalles réguliers au mépris de la réserve de son statut de président de la république et de la responsabilité qui va avec. Telle est la raison de ces rodomontades déconcertantes de M. Yayi. Le principe de la conscription de ses recrues est ce qui le rassure en tant que chef d’armée. Car Yayi Boni a pris soin de lier son sort à ceux de ses soldats ; les ayant recrutés en dépit de leur médiocrité, il sait qu’ils sont prêts à défendre bec et ongle son trône. À l'instar de leur général en chef les recrues savent elles aussi que tout changement de régime mettra à mal leur promotion usurpée, leurs privilèges indus, leurs faveurs injustifiés, leur train de vie insolent, dans un pays qui du nord au sud, croupit dans la misère. Telle est la raison principale pour laquelle Yayi Boni, au lieu de se comporter en président rassembleur, pousse des hurlements de division pour ameuter ceux qu'il appelle « les miens » et qui tiennent lieu d’échafaudage de son régime de trahison nationale. À travers ses rodomontades, Yayi Boni s'adresse plus à son armée de complaisants qu'au pays tout entier. Son discours est d’une simplicité proverbiale : « compagnons de fortune, chacun d'entre vous est bien là où il est ; mais ces ennemis de notre bonheur veulent me faire tomber ; si je tombe, vous tomberez avec moi. Les laisserez-vous faire ? » L'autre raison du délire guerrier de Yayi Boni, son recours en permanence au langage de la menace, de la division en dépit de son statut de Président de la république, tient à la représentation de la guerre elle-même, de son théâtre éventuel. Dans un pays comme le Bénin où l'essentiel de ce qui fait la force socio-économique et démographique du pays se trouve concentré au sud, dans l'esprit de Yayi Boni, la guerre veut dire avant tout guerre à Cotonou, guerre à Porto-Novo, à l'exclusion de ses régions d'identification que sont les Collines, et dans une cette mesure le Nord. C'est ce que pointait du doigt dans un éditorial le journaliste Charles Toko du quotidien Le Matinal, lorsqu'en concédant à Yayi Boni sa rage de guerre, il précisait tout aussitôt que cette guerre si elle devait avoir lieu n'aurait pour théâtre ni Cotonou, ni Porto-Novo ni Parakou, mais Tchaourou, la ville natale de Yayi Boni. Et tout est dit. En effet, on imagine mal un homme normalement constitué, agiter le spectre de la guerre, et en menacer ses concitoyens, sachant que son propre terroir, le sein de ses ancêtres en serait frappé et détruit. Quand Yayi Boni menace de mettre le pays à feu et à sang, ce n'est pas au Bénin qu'il pense, mais à la partie du Bénin où il situe ceux qu'il considère comme ses ennemis : Cotonou et Porto-Novo par opposition aux Collines, le sud par opposition au Nord. Telle est l’idéologie d'une politique de la division aux antipodes de l'esprit de fraternité et de responsabilité nationales. Au total, la guerre dont Yayi Boni menace régulièrement le pays à coup de rodomontades et de propos indignes d'un chef d'État n'est qu'une manière de brouiller les cartes, d’en appeler à la nuit du désordre face au jour du jugement serein de ses crimes, de ses errances et de sa politique d’injustice nationale. Une manière de faire croire à un conflit entre deux vérités, deux visions respectables de la vie sociopolitique et de l’avenir de la nation alors que il ne s'agit que d'un subterfuge de pirate.
Bachabi Alidou
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