Oranyan était le fondateur d'Oyo. Roi courageux et belliqueux, il était jaloux de la suprématie de son règne ; aussi allait-il par monts et par vaux guerroyer ses rivaux et ses ennemis, ses vassaux récalcitrants ou versatiles. Parfois, ces guerres avaient lieu à quelques lieues seulement de la capitale, et ne duraient que quelques jours ; mais il arrivait aussi qu’Oranyan et son armée s’engagent dans des expéditions lointaines qui duraient des semaines voire des mois.
Lors d’une de ces expéditions lointaines, Oranyan laissa son fils Ajaka en charge de la capitale pendant son absence. Mais l’absence du roi se prolongeait plus qu’à l’ordinaire. Les notables et les princes s’inquiétaient. Comme Oranyan ne revenait pas, six mois après son absence, de guerre lasse, les notables comprirent que la guerre avait eu raison de lui et de son armée ; aussi nommèrent-ils Ajaka roi pour de bon. Reprenant la succession de son père, Ajaka se révéla un roi bon et sage.
Mais Oranyan vivait toujours. Après une année d’absence, le voilà lui et sa suite décimée sur le chemin d’Oyo. A l’entrée de la capitale, alors que nul ne se doutait de leur approche, le roi et sa suite entendirent sonner au loin le kakaki ; grande fut leur surprise, car cette trompette particulière était réservée au roi. Vu l’état méconnaissable de sa petite troupe le roi était convaincu que personne ne pouvait se douter de son retour. Alors, tombant au hasard sur un cultivateur dans son champ, le roi demanda à l’homme pour qui le kakaki était sonné.
« Pour le roi, répondit l'homme
‒‒ Pour le roi, mais quel roi ? demanda le voyageur fatigué. ‒‒ Eh ben, dit le cultivateur en ouvrant de grands yeux, vous ne savez pas que le fils de Oranyan est roi, et règne sur nous de façon judicieuse et sage ? Son père, hélas, a été tué à la guerre, il y a plus d’une année de cela ! »
En entendant ces paroles, le roi dut faire un effort pour cacher sa surprise. Il remercia le cultivateur et s’en fut avec sa troupe. Désirant le bonheur de son fils plus que le sien, le vieux roi décida de rebrousser chemin, et il ne rentra pas dans la capitale. Oranyan et sa suite reprirent leur route et partirent vers une province reculée où le roi vécut une retraite humble et discrète jusqu’à sa mort. C’est seulement après la mort d’Oranyan que son fils apprit ce qui lui était arrivé, et la noble décision de son père. Ajaka, maintenant devenu roi, pour marquer son deuil et en reconnaissance du noble sacrifice de son père, fit ériger un obélisque à l’endroit où il mourut. Et depuis lors, le monument, appelé Opa Oranyan, y est encore de nos jours.
Binason Avèkes, Conte de Kétou
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