C'était après avoir prêché dans une église où se réunissaient les partisans de la secte des Baptistes à Philadelphie, que je suis présenté à Portia et à sa soeur Romana. Elles m'invitèrent à venir dîner chez elles et dès lors une amitié sincère nous unit tous les trois. Portia était pour moi d'une générosité extrême ; et souvent elle me donnait de l'argent pour mes menus frais quand j'étais à court. C'est elle qui m'a appris le sens de la locution « Dutch treat »¹, lorsque tous deux, nous eûmes à partager les dépenses d'une fête. Je ne méritais vraiment pas une amie si dévouée car, comme d'habitude, j'étais d'une insouciance honteuse envers elle. J'étais toujours content de la voir, mais ne voulut jamais que notre amitié eût des conséquences permanentes. Cela m'étonnait souvent qu’elle ait pu me supporter si longtemps. Peut-être pensait-elle qu'en fin de compte la patience aurait raison même de l'homme le plus têtu. Je me rappelle qu'un jour, je l'ai cru douée d'une force psychique. Je m'étais pris d'amitié, fort peu sérieusement d'ailleurs, d’une jeune fille, et après l’avoir vue pour la seconde fois, je devais aller dîner avec Portia. Lorsque j'arrivai chez elle, l'air innocent et posé, comme je m’y attendais, Portia me jeta un seul regard et m'accusa, comme elle le disait, de « conter fleurette à un autre ». J'en ris, mais elle insista et alla jusqu'à dire que ce soir même j'avais effectivement embrassé une autre fille. J'ai cru impossible de résister à toute personne douée de clairvoyance, et avouai qu'en réalité une jeune fille m'avait embrassé, mais que cela ne voulait rien dire, ce qui était tout à fait vrai. Alors elle ajouta avec complaisance : « tu ferais bien d’enlever le rouge à ton col d'abord. » |
Malheureusement, le fait que je me plaise dans la compagnie du beau sexe a induit en erreur plus d'un observateur qui effleure ma vie sans toutefois en percer l'écorce. Je n'ai jamais voulu être trop lié à une femme, car je me sais incapable de lui consacrer assez de temps, de sorte que tôt ou tard, soit épouse soit maîtresse, elle finirait par s'en aller. J'avais peur aussi, en permettant à une femme de jouer un rôle trop important dans ma vie, de perdre de vue peu à peu le but que je me suis fixé. Peu de gens ont pu comprendre cette attitude et plusieurs m’ont traité de Don Juan, d'impotent et même d'eunuque. Cependant, ceux qui me connaissent, me prennent pour un homme assez normal, doué d'une maîtrise de soi peut-être au-dessus de la moyenne. in Autobiographie, Kwame Nkrumah ¹ “chacun paie sa part” |
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