Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur…
Dépolitiser la Politique
Le régionalisme, au Bénin, c'est une musique de patronymes tribales ou ethniques qui varie, comme par exemple lorsqu'on décline la liste des membres du gouvernement ou des personnes qui ont été nommées en conseil des ministres. Même s'il y a 10 fois plus de cadres compétents au sud qu'au nord, il est de bon ton qu'on entende autant de patronymes à consonance nordique que de patronymes à consonance sudique ; de bon ton que, dans la litanie des noms l'alternance soit assurée et régulière. Si le président est du Nord et passionnément régionaliste et veut le faire savoir à qui d'intérêt, alors il faut suivre son regard. Et ce parti pris aveugle s'administre en dépit du bon sens, et du risque de médiocrité inévitable dans cette manière de percevoir et de gérer la réalité de la vie sociopolitique d'un pays. Mais la motivation concrète du régionalisme n'est pas musicale ; le régionalisme ne fait pas dans la dentelle encore moins dans l'art pour l'art. En fait, lorsque le président est du Nord et régionaliste passionné, la redondance des gens de sa région dans le gouvernement ou sur la liste régulière des nominations témoigne de ce que la politique est une question de mangeaille. Et nos meilleurs commensaux, ceux avec lesquels il sied que nous mangions de façon vitale, ce sont les membres de notre famille, les membres de notre clan, les membres de notre tribu, les membres de notre ethnie et de notre région ! Musique et ripaille, voilà les deux mamelles du régionalisme ! Un contre-exemple édifiant illustré par l'actualité. Il s'agit de la « caravane des enfants » qui ont été sélectionnés pour une tournée théâtrale en France. Cette sélection a été faite sous l'égide de la « compagnie du sens commun », une O.N.G. culturelle européenne. Ces sept enfants, en raison de leur talent ou de leur don, mais aussi en raison de l'opportunité ont été sélectionnés dans trois villes du Bénin à savoir, Porto-Novo, Bohicon, et Ouidah. Si, comme on le voit à travers son art de la formation du gouvernement ou de la nomination en conseil des ministres, le choix de ces enfants devait incomber à M. Yayi Boni, tout autre critère aurait prévalu. Et on aurait eu par exemple un enfant d'une ville fon, et un autre enfant d'une ville yoruba choisis au titre de représentants du sud. Puis tous les cinq autres seront sélectionnés en tant que représentants non-sudistes, c’est-à-dire relevant ipso facto de l'espace d'identification régionaliste de M. Yayi, qui va des contrées de Savè à Malanville en balayant dans le même élan racoleur le Borgou et l’Atakora… |
Et pour endormir les susceptibilités régio-nalistes, les patronymes seront scandés selon un rythme 1/3/2/1 alterné, dont le début et la fin serait du sud. Tout cela dans le but de rassurer les uns et les autres. Le porte parole du gouvernement dirait par exemple : Gnahoui Firmin, Salifou Ali, Adama Kobi, Bio-Guene Pierre, Léon Kilodé, Urbain Chabi, Sefou Alao. Les prénoms chrétiens faisant en même temps transition que confusion. Et la terre béninoise aurait paru ronde, tout le monde aurait été servi, dans une injustice sociologique, arithmétique et démographique subtilement maquillée... Et au final, la prestation de ces enfants Béninois aurait trahi la médiocrité régionaliste qui a prévalu sur le don, la consistance, la compétence et le talent. Lorsque le régionalisme est poussé dans ses limites les plus extrêmes, et agit aveuglément, alors non seulement le résultat de ses actes révèle l'absurdité de son principe mais il dessert ceux qui sont censés en bénéficier. Bien sûr, l'exemple de cette petite troupe théâtrale ne correspond pas tout à fait à une situation politique, comme celle à laquelle est confronté dans les nominations ou dans la formation du gouvernement le chef de l'État. Mais il montre si besoin en est le chemin de l'efficacité de l'action politique et sociale dans notre pays à savoir qu’une action bénéfique pour tous, fût-elle politique, doit être expressément dépolitisée. Éloi Goutchili |
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