Hier après-midi, allant rendre visite à un cousin habitant à Glo, sur la route à double voie de Godomey, je rencontre un long truck chargé d'une masse compacte de religieux en uniforme, dansant en diable et hurlant dans des haut-parleurs des incantations bibliques. On m'apprend que ce sont des évangélistes en tournée d'exhibition dans la ville. Ce matin, dès 2 heures, mon sommeil est interrompu par la longue voie du muezzin de la mosquée mitoyenne du lieu où je crèche. Absurdité qu'au nom du droit à la religion de quelques-uns, tout un quartier soit empêché de dormir. L'absurdité avait été naturalisée par la régularité de l’intervention deux à trois fois par nuit de la voix du muezzin mais la brièveté relative et la régularité de ces appels induisaient un effet d'accoutumance qui les rendait acceptables. Malheureusement, mon arrivée coïncidait avec la sainte période du ramadan, à laquelle, pain béni pour le parti pris clientéliste du régime, les médias d'État et les autres stipendiés s'en donnent à coeur joie d'accorder une ubiquité publicitaire et une couverture médiatique dont l'obscénité ne choque plus grand monde. Et la voix du muezzin ne connaît plus de répit. Ces interventions tonitruantes avaient aussi troqué leur rassurante régularité contre une occurrence fantaisiste qui ne permettait pas de se frayer le moindre petit sentier dans la dense forêt tropicale du sommeil sans être troublé.
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À tout bout de champ, mes tentatives de creuser une sente paisible dans cette forêt était empêchée par les éructations bondieusardes du muezzin ; parfois brèves, parfois longues, et des prières dans lesquelles revenaient la rengaine : « Allah wakh’ba ! » et d'autres : « Laïla ilala. » Et d’un point de vue historique, l'absurdité était surtout dans cette dimension symbolique par laquelle, en pleine nuit à Cotonou, ville dont, au prix d'une guerre mémorable, Béhanzin a tenté de sauvegarder l'indépendance, on pouvait, un siècle plus tard, entendre ces voix aliénées et aliénantes aboyer des prières en langue arabe ! Misère des vicissitudes de l'histoire ! Farouchement soutenues par un régime dont l'un des objectifs à peine cachés est le renoncement joyeux aux valeurs autochtones, l'inféodation frénétique à l'étranger, l'aliénation symbolique et culturelle, conçue comme le seul moyen de se défaire de la prépondérance historique du sud qui gêne tant…
Binason Avèkes
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