Qui ne s'est jamais posé la question de savoir dans quel monde et selon quelles mœurs vivaient les hommes d’il y a quelques siècles pour qu'un crime de masse aussi odieux que la traite des nègres outre-Atlantique et son corollaire social l’esclavage, puissent s'être déroulés non pas en quelques mois comme certains génocides, mais durant quatre siècles bien trempés ! Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à condamner ce crime du passé. Y compris les pays d'Occident qui se sont enrichis dans le sang et la sueur des millions de victimes. Ces pays Occidentaux redoublent de cynisme et de ruse pour éviter de poser le problème de l’indemnisation et de la demande de pardon envers leurs victimes : aussi bien les descendants ou les pays d'où le bois d’ébène était abattu et taillé en coupes réglées. D’une manière générale, l’attitude des Occidentaux consiste à renvoyer les Africains à leur responsabilité, en passant sous silence l’abus manifeste de leur crédulité ainsi que de leur retard technologique. La perfidie infâme qui caractérise le refus des occidentaux de reconnaître leurs crimes et d'en indemniser les victimes n’est pas sans rapport avec l'ordre actuel des échanges internationaux et plus particulièrement des échanges avec l'Afrique. Rapports faits d'exploitation capitaliste brutale, de paternalisme méprisant, de racisme anti-noir, de viol et de domination politiques sans merci sous l'égide d'organisations internationales qu’ils tiennent en laisse et dans la nuit soporifique de belles idées qu’ils sont les premiers à violer ou à appliquer de manière sélective. Le cynisme de leur dénégation en dit long sur la différence qu’ils entretiennent subtilement mais fermement entre l’esclavage et la traitre négrière. Le premier fléau, considéré comme un fait de l’histoire sociale de leurs sociétés, auquel, après plusieurs siècles de refoulement, ils consentent à accorder une reconnaissance mesurée et tatillonne, tandis que le second est renvoyé dans la nuit informe de l’histoire internationale. Dans cette approche dénégatoire du regard sur l’histoire qui sépare celle-ci de la mémoire sociale, tout se passe comme si parce qu’ils en ont récupéré les membres, le corps amputé de l’Afrique et les séquelles de cette amputation ne sont pas du ressort des anciennes puissances négrières et coloniales. Et il suffit de pointer du doigt la cohorte de roitelets nègres qui vendaient leur propres congénères pour se faire bonne conscience. Numéro de culpabilisation qui achève la pirouette de la dénégation. Mais qui peut croire que le drame pluriséculaire de la domination/manipulation de l’Afrique et son corolaire, la traite négrière, se résument à cette fable des roitelets pansus qui, dans le chaudron de la cupidité, vendaient sans états d’âme leurs propres congénères ? Une comparaison avec la violence des rapports contemporains entre l’Afrique et l’Occident éclaire sur ce consensus frauduleux. D’ici à quatre siècles, lorsque l’Afrique sera complètement vidée de toutes ses ressources minières et pétrolières et |
ne sera plus qu’une terre aride sans intérêt, parce que sans ressources, on nous dira de la même façon que c’étaient les dictateurs ou les autocrates africains qui vendaient les ressources de leur terre. Comme s’il n’y avait pas eu légion de valeureux Africains qui tentèrent de protéger leur continent de ces mains basses, et que l’Occident éliminait de façon implacable et souvent inhumaine ! Mais qui peut croire aujourd’hui qu’il en va vraiment ainsi ? Qui peut croire que ce sont les Nègres tout seuls qui pillent les ressources du continent aujourd’hui ? Qui peur croire que leur puissance et leur part dans ce pillage sont les plus prépondérants et les plus décisifs ? Qui peut croire que l’Occident capitaliste n’est pas la force motrice derrière la logique de pillage qui élimine les tenants d’une Afrique libre, africaine, et donne plein pouvoir à ceux d’une Afrique-objet, à la merci des vautours du capitalisme et de l’antinégrisme occidentaux ? Qui douterait que dans deux ou trois siècles tout esprit serein un tantinet curieux pourrait s'étonner de la possibilité des rapports de domination politique, des guerres meurtrières incessantes imposées aux Africains aujourd'hui par le système capitaliste occidental raciste dans le seul but de piller les richesses de leur sous-sol pour ne leur en laisser que des miettes ? En attendant, l'implacable rapport entre les Noirs et les Blancs continue et son inhumanité ne cède en rien à celle de la période de la traite négrière que tout le monde condamne aujourd’hui parce qu'elle a changé de forme et que la forme du passé est ce que tout le monde s'accorde à condamner alors que le présent en conserve le fond. Adenifuja Bolaji |
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