Ou la médiocrité ou la difficulté du travail de gouvernement, ou les deux défauts conjugués poussent les gouvernants à des diversions. Au Bénin, la preuve en est fournie par M. Yayi qui passe le plus clair de son temps à voyager, à réprimer la presse, a organiser le culte de sa personne et l'ordre socio-médiatique de la pensée suprême, des messes et des marches de soutien à sa personne, la poursuite des infractions au respect de celle-ci ou des attentats plus ou moins imaginaires, plutôt qu'à diriger le pays vers la marche difficile mais prometteuse du progrès. À défaut de suivre cette marche--et ce défaut ne dépend peut-être pas de lui,-- il se livre à la diversion et ça c'est bien plus coupable. Ce n'est pas lui qui a inventé la corruption, mais à défaut de la juguler, il l’exploite, en use pour s'accrocher au pouvoir à son aise et à sa guise, l'empire, en y ajoutant les vices de sa culture de banquier. Lorsque vous vous acharnez à imposer votre seul point de vue dans une société, vous ne pouvez contribuer qu’à sa régression. Même si vous détenez la vérité, celle-ci doit être le résultat d'une confrontation avec l'erreur. Si vous dépensez votre énergie pour imposer votre vision des choses, vous faites régresser la pensée sociale. Car la connaissance est sociale, c’est-à-dire collective, ou n'est pas. C'est un peu prétentieux de prendre ses penchants, ses envies, ses désirs et ses lubies pour la pensée suprême, au motif qu'on serait élu président. Pire encore lorsqu'en réalité on n’est pas élu mais on s’est plutôt imposé après des élections hautement frauduleuses. Il y a là un risque de régression indéniable. On le voit avec les bondieuseries dominantes qui sont l'horizon épistémologique du régime. Il s'agit d'une manipulation basée sur des principes dépassés et décalés en ce qu'ils ne sont pas ceux qui gouvernent le monde actuel dans lequel nous vivons. Dieu, et sauf le respect qu'on lui doit, n'a rien à voir dans la politique et ne doit pas être sans cesse évoqué ou invoqué dans la vie de la cité par les responsables de l'État. Dieu est une affaire privée de chaque citoyen. Et lorsque les responsables de l'État n'ont que Dieu à la bouche, non seulement ils endorment la société politique mais ils arrièrent la société tout entière. Tout le monde sait que les cités qui progressent, les nations qui vont de l'avant dans le monde moderne ne sont pas les cités religieuses. L'Occident qui est à la pointe de ce progrès a bien su, de révolution en révolution séparer les fonctions de la religion et les objectifs de sa société. Ce n'est ni du Vatican ni de la Mecque qu’émanent les mouvements de progrès qui mènent le monde aujourd'hui. Pour progresser, les peuples africains qui ont tant souffert dans l'histoire à cause des ténèbres qui les engloutissaient, doivent se tourner résolument vers les lumières, comme le tournesol se tourne vers le soleil. Et lorsqu'un président de la république qui se dit « Docteur » ferme les journaux, réprime la presse et la liberté d'expression, détourne l'attention du peuple vers la religion, croit naturel d'invoquer Dieu à tout bout de champ, n'hésite pas à se prendre pour son messie, lorsqu'il se livre frénétiquement à ces agissements irrationnels, loin de se tourner vers les lumières, il oriente son peuple vers les ténèbres, tout le contraire de ce dont l'Afrique a besoin actuellement. Cette attitude est irresponsable et puérile. Elle tend à illustrer l'attentisme paresseux souvent reproché à tort ou à raison aux Africains. Voici l'incarnation d'une nouvelle génération, des hommes que l'Afrique a éduqués jusqu'à un niveau supérieur qui devraient utiliser leur savoir supposé pour tirer leur race vers le haut et les lumières mais qui malheureusement font passionnément tout le contraire, parce que, au fond de leur psyché et de leur esprit, ce qui domine est moins la science dont l’acquisition reste douteuse que l'idée aliénée d'une indécrottable dépendance vis-à-vis de l'extérieur, des anciens colonisateurs, des blancs, des organisations internationales. L'esprit de ces soi-disant docteurs ou akowé reste clivé dans une division du travail politique international. Aux Africains de s'enliser dans la gadoue puérile de la corruption, de l’aliénation, de l’analphabétisme encouragé, des vices, des décisions inconséquentes et sans lendemain conduisant à l'aggravation de la misère de masse, voire à des guerres fratricides ; aux blancs et occidentaux de jouer les pères réparateurs ou les voitures-balais, aux organisations internationales de jouer les mères bienveillantes ou porteuses en leur torchant le derrière qu’ils n'arrivent pas ou ne veulent pas nettoyer eux-mêmes. Pourquoi en ce siècle éminemment porté vers les lumières, le gouvernement du pays d'un continent qui a plus d'une raison de se tourner vers les lumières prend-il un malin plaisir à s'enfoncer dans les ténèbres, à dévaloriser la raison pour porter aux nues le culte de l'émotion ? Il y a certainement une explication à cette option paradoxale. Qui n'est pas seulement l'explication classique de la domination étrangère. Car dans bien des cas sinon la quasi-totalité, nos corruptions, nos fraudes électorales, les suppressions des libertés, les interdictions des journaux, nos bondieuseries obsessionnelles et enfantines ne sont pas à l'initiative des blancs ou des anciennes puissances colonisatrices. Même si ceux-ci y trouvent tout bénéfice. Car celui qui veut tirer profit de vous ne peut que voir avec intérêt vos erreurs délibérées ; même s'il n'en était pas à l'initiative, il ne peut que s'en frotter les mains. Mais quelles forces obscures nous poussent à ces dérives qu'aucun peuple mature ne commet plus de nos jours ? Pourquoi nos dirigeants placent-ils leur délire personnel et leur bon plaisir, leur prépondérance narcissique au-dessus du bon sens et de l'intérêt collectif ? N'avons-nous vraiment pas le sens de l'histoire comme certains nous en accusent ? Si le fardeau gouvernemental est difficile à porter pourquoi ne nous en déchargeons-nous pas au profit de ceux qui peuvent le porter, et ce dans une confrontation ouverte et démocratique ? Pourquoi tordons-nous le cou à la démocratie pour nous cramponner au pouvoir si c'est pour être incapables de faire le travail ? Pourquoi depuis 2006, la conception passionnelle et polémique de la politique a pris le pas sur les idéaux de concertation, de débat, d’ouverture et de tolérance ? Si nous sommes médiocres, ce n'est pas Dieu, en dépit des louanges démagogiques dont nous l'accablons, qui fera le travail à notre place.
Adenifuja Bolaji
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