Le dirigeant d'une démocratie occidentale ordinaire a de quoi envier le dirigeant politique d’Afrique, et ce à double titre au moins : en tant qu'homme politique, et en tant qu'homme tout court. En tant qu'homme tout court, notamment dans sa vie privée, le dirigeant africain mène une vie dissolue, moralement sans contrainte, fait de stupres, de conquêtes léonines compulsives, et d’excès lubriques dont personne, aucune autorité morale ou religieuse ne songerait à l'en blâmer. Il montre dans les banquets et cérémonies officielles une compagne officielle qui n'est que d'affichage. Mais couche à l'envi avec un nombre phénoménal de courtisanes, ministres ou maîtresses qu'il met en avant ou tient en discrétion dans son gouvernement. À 60 ans passés voire même 70 ou 80 ans, il couche avec des fillettes de 20 ans à peine, et cela personne ne trouve à y redire. La chose va de soi, et toute une industrie d’hommes liges ou commis spécialisés, tourne à plein régime pour assurer la prévalence de son érotomanie tenace. En Occident, on aurait crié au scandale, on parlerait de pédophilie, de polygamie, ou de détournement de mineure ; la presse s'en serait mêlée, et le scandale aurait atteint un tel sommet de gravité que le pauvre dirigeant n’en aurait pas assez de donner sa démission. Quelque part, malgré son cynisme et son naturel crapuleux, les scandales érotiques de Silvio Berlusconi Berlusconi en Italie comptent autant que la crise dans les raisons qui ont conduit à sa perte du pouvoir politique. En Afrique, rien de tel ; plus le dirigeant politique plonge dans le stupre, plus il est bien vu par son entourage et par le peuple qu'il tient sous sa coupe ; que la moitié de la capitale soit peuplée de sa progéniture et l'autre moitié de ses belles-familles d’un jour, voilà qui au contraire lui assure une belle notoriété politique. Parfois dans le jeu de la mise en onde de sa vie maritale, il entre une bonne dose d'hypocrisie concertée. Va-t-il au Vatican en visite au pape, en bon chrétien, il est flanqué de sa femme officielle. Et cela sied ainsi au protocole de la Curie romaine, ainsi qu'au dogme éthique chrétien de la monogamie. Et on lui donne le bon Dieu sans confession. Mais tout le monde sait que celui qui joue les monogames d'un jour devant le Saint-Père est un polygame invétéré qui passe rarement deux nuits avec la même compagne en un certain temps ! Tout le monde sait que, à travers ses crimes divers : économiques, de droit commun, de sang, ou moraux--entre pédophilie, polygamie, corruption et pillage des ressources de l'État--le dirigeant africain foule allègrement au pied les valeurs éternelles pour lesquelles le Christ est mort en croix, et qu'en principe l'église--qu'elle soit romaine ou protestante--est censée perpétuer sur terre. Mais le dirigeant d'une démocratie occidentale ordinaire n'envie pas son homologue d'Afrique uniquement pour sa liberté et son amoralité infinie ; énorme est aussi la différence qui les sépare en tant qu'homme politique. Si comme Barak Obama qui vient d'être réélu, le dirigeant occidental à la chance de faire deux mandats successifs au pouvoir, c'est-à-dire une durée maximale de 10 ans, alors grande est sa satisfaction politique et personnelle. Dans les vraies démocraties occidentales, cette chance prend souvent fin avec celle du parti qui l’a porté au pouvoir, de sorte que l'alternance individuelle et personnelle est aussi celle des partis. Parfois comme Sarkozy en France qui a été éjecté du fauteuil présidentiel, le dirigeant d'une démocratie ordinaire occidentale ne parvient pas à renouveler son mandat, et se voit remercié, en dépit qu'il en aie. Dans tous les cas de figure, les élections sont globalement tenues au-delà de tout doute raisonnable, et si fraude il y a, sa nature extrêmement marginale ne fausse pas leurs résultats. Mais en Afrique, même dans les soi-disant démocraties, le vote du peuple est confisqué théâtralement ; c'est seulement un prétexte pour affecter un pourcentage préfixé à l'élection confortable du dirigeant qui s'accroche au pouvoir à coups de corruption, d’instrumentalisation des institutions, de fraude, de hold-up comme au Bénin en mars 2011, de tripatouillage de la constitution comme cela a failli être le cas au Sénégal avec Abdoulaye Wade, ou comme ça a été le cas avec Paul Biya au Cameroun, ou avec toute cette venimeuse engeance de dirigeants francophones qui sont au pouvoir depuis plusieurs décennies sans discontinuer et contre lesquels l'Occident démocratique ne trouve rien à redire sinon à les encourager. Dans certains régimes se proclamant républiques, le dirigeant africain, après avoir régné pendant plusieurs décennies, est remplacé au pied levé à sa mort par son fils comme au Togo, au Gabon ou au Congo. Toutes choses qui se déroulent tranquillement avec la complicité objective et active des milieux diplomatiques et politiques occidentaux, de sorte qu'en Afrique les occidentaux parviennent à faire dans le cadre de la démocratie des choses qu’ils ne peuvent pas faire chez eux. Par exemple mandaté par Sarkozy, l'ambassadeur de France au Bénin a pu avoir la haute main sur le maintien forcé de Yayi, considéré comme le meilleur protecteur des intérêts français en terre africaine du Bénin. Alors que le même Sarkozy qui a pu de loin imposer Yayi comme président au Bénin n'a pas pu et ne peut pas s'imposer lui-même comme président aux Français. Le jeu de l'imposition des dirigeants peut parfois prendre une tournure réciproque. Dans le sens où un Kadhafi ou un Bongo peuvent avoir été cités comme ayant financé les élections de tel ou tel dirigeant occidental. Mais dans ces affaires de blanchiment d'argent politique, outre que l'intervention est plus financière que politique, nul ne sait quel est le vrai maître de ce marché de dupes. Marché de dupes qui n'a d'ailleurs pas en son heure empêché un Sarkozy de faire assaut de zèle dans l'élimination programmée et opportuniste de Kadhafi. Enfin, en tant qu'homme politique, le dirigeant africain se place au-dessus des lois. Il organise une culture d’impunité qui, profitant des faiblesses structurelles du système judiciaire de son pays, lui permet de piller en toute tranquillité le bien public. C'est ainsi qu'au Bénin, sous le régime de Kérékou le pétrole est devenu en l'espace d'une décennie le passé d'une illusion sans que le peuple n'en voie la couleur. Sous le régime de Yayi, une kyrielle de crimes politico-financiers se sont succédés en l'espace de quelques années sans que le maître du régime n'en soit le moins du monde inquiété. En somme et au total, héritier d'un État postcolonial providentiel dont il ne sait pratiquement rien, et moyennant un marchandage machiavélique avec l’ex-colonisateur qui en sait tout, le dirigeant politique africain jouit d'une liberté sans limite qui ferait pâlir de jalousie son marionnettiste néocolonial. En tant qu'homme, l'inexistence de bornes à ses pulsions et ses moeurs lui fait mener une vie dissolue qui le fait régresser au stade d'une animalité où l'éthique est réduite à sa portion congrue. Mais l'envie que suscite le dirigeant politique africain chez son homologue occidental est purement hypothétique car un double paradoxe anéantit toute possibilité de sa réalisation. Il y a d'abord le paradoxe qui veut qu'une culture comme celle de l'Afrique ou l'individu n'existe pas ou presque soit celle-là aussi où un seul individu ou quelques-uns s'accaparent de tous les pouvoirs au détriment du collectif ; et dans le même temps, -- c'est le second paradoxe, -- la culture occidentale où l'individu est roi est aussi cette culture qui fait passer les désirs et les pouvoirs du collectif avant ceux de l'individu.
Dr Brice Atinpahun
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