La campagne de l'ONG- Service National de Développement du Bénin (SNDB) en vue d'immortaliser Kérékou comme "figure emblématique de la démocratie africaine" ne peut laisser indifférents les vrais démocrates béninois, en particulier ceux victimes de la répression féroce menée par son régime sous la bannière de son parti, le PRPB. Kérékou parvenu à la tête du Bénin par le putsch militaire du 26 octobre 1972 a démontré par l'exercice de son pouvoir autocratique qu'il n'a rien de commun avec la démocratie. Pour ses victimes qui se sont tues pendant des années jusqu'à présent, cette campagne est une pure provocation, une véritable injure qui vient raviver les douleurs de leurs blessures qu'elles ont subies durant son règne. Ce long silence de ses victimes ne lui a pas servi à comprendre qu'il lui faut éviter toute provocation à leur endroit. Il tient à être vêtu d'un manteau blanc éclatant sans tache malgré sa dictature exercée contre le peuple béninois pendant trois décennies. Par leur campagne mensongère les partisans de la SNDB perpétuent le culte de la personnalité de Kérékou. Ils masquent ainsi la vérité sur cet homme qu'il est juste de qualifier de trompeur. Pour accréditer leurs mensonges des professeurs d'Histoire sont en première ligne de leur campagne d'intoxication de la jeunesse dont ils abusent de la crédulité. Par devoir de mémoire et non par un quelconque esprit de vengeance, j'apporte ma modeste contribution au rétablissement de la vérité, en relatant ici quelques faits irréfutables- il y en a d'autres- de la répression que j'ai subie, donc vécue, sous le tyran Kérékou. Mon opinion exprimée à la garnison de Ouidah m'a valu ma déportation à Ségbana pour un an sur décision répressive du tortionnaire Martin Dohou AZONHIHO. Deux enseignants de l'Université d'Abomey-Calavi victimes de la même décision cautionnée par Kérékou ont été aussi déportés respectivement à Nikki et à Banikoara. Ce n'est pas monsieur M. D. AZONHIHO qui pourra me démentir. Je prends à témoins les étudiants et travailleurs enrôlés dans l'armée en 1979 avec moi, ainsi que les hommes de rangs, officiers et membres du PRPB présents avec nous à Ouidah. Ainsi le nord du Bénin fut transformé par le régime du PRPB en terre de pénitence où tout béninois critique devait être déporté. Voilà le cœur de l'homme à qui la SNDB rend hommage pour l'immortaliser. Que chacun apprécie selon sa conscience. Ma première incarcération Libéré en août 1984 j'ai été élu représentant des travailleurs au Comité de suivi des anciens détenus politiques pour notre réinsertion sociale et professionnelle. A ce titre je m'étais présenté, sur convocation radiodiffusée, le 8 novembre 1984 avec Didier D'ALMEIDA, représentant les étudiants libérés de prison, à la Présidence de la République. Nous devrions être reçus par le Président pour lui soumettre nos difficultés de réinsertion comme on nous l'avait dit dans les ministères, personne ne voulant décider de rien sans lui, tellement il régnait en autocrate qui faisait peur. Mais très tôt notre convocation se révélât être un guet-apens. En effet dès le portail, nous fumes séparés des autres personnes convoquées, puis conduits par un soldat dans une salle au rez-de-chaussée de la Présidence. Ensuite un autre soldat vint s'asseoir dans la salle, le regard vigilant et fixé sur nous en permanence. J'ai compris, et je dis à Didier que nous étions arrêtés. Effectivement à 14 heures je vis Kérékou entrer dans sa voiture et partir chez lui sans nous avoir reçus. Quelques minutes plus tard la police du Petit Palais vint nous embarquer. Nous fumes enfermés d'abord dans l'une de ses cellules, puis Didier au commissariat de Zongo-Cotonou. Je fus à mon tour enfermé à même le sol au violon du commissariat de Jéricho-Cotonou avec des délinquants (voleurs et criminels), dans le noir, la crasse, la chaleur, les odeurs nauséabondes des urines et matières fécales, sans possibilité de prendre une douche convenable. On mangeait dans ces conditions inhumaines, dégradantes, humiliantes et malsaines. J'ai eu l'opportunité de lire le message relatif à notre arrestation ordonnée par Kérékou en personne trois mois après notre élargissement d'août 1984. Mais selon nos informations, la raison alléguée par Kérékou lui-même pour justifier son coup bas et lâche serait que nous aurions voulu lui arracher son fauteuil présidentiel. Mathieu Kérékou l'assoiffé de pouvoir! Plus tard, je fus transféré au commissariat central de Cotonou d'où je serai embarqué en mai 1985 pour le camp militaire SERO KPERA de Parakou. Le colonel Clément ZINZINDOHOUE avec l'organe de répression installé par Kérékou y sévissait déjà contre les communistes et démocrates arrêtés. Les salaires des personnes arrêtées étaient virés dans un compte bancaire spécial sur lequel cet organe avait fait main basse en toute impunité. Et pour cause : créé par Kérékou il travaillait pour son compte. C'était une aubaine pour ces hommes et femme zélés pour ses intérêts. Pour n'avoir pas avoué à cet instrument de torture mon appartenance et mes activités au PCB, ni révélé les noms de mes camarades de Parti comme il l'exigeait, je fus jeté en pâture aux soldats bourreaux des mains de qui j'ai subi l'épreuve barbare et criminelle de bastonnade appelée rodéo. Mon sang avait coulé abondamment. Je garde toujours dans mes membres des dysfonctionnements, séquelles de ce traumatisme physique violent contre mon corps. En 1989 je fus évacué sur Cotonou pour raison de maladie sous la garde renforcée de soldats armés de kalachnikov comme le serait un criminel. Mon père souffrait à son domicile de Cotonou d'une maladie aggravée par ses soucis liés mes arrestations. J'avais demandé au commissaire successeur de ZINZINDOHOUE l'autorisation d'aller lui rendre visite accompagné de policier. Mais sa réponse fut un refus sans appel. Voilà l'inhumanité, une des caractéristiques du régime de Kérékou. Tel maître, tel serviteur zélé. Le lendemain de ma libération le messager d'un membre du bureau politique du PRPB me dit de fuir du Bénin car Kérékou jurait de m'arrêter une troisième fois. Deux jours après, je reçus encore le même message envoyé par un agent des renseignements de Kérékou. Ainsi, malgré moi je pris le chemin de l'EXIL FORCE, par la brousse, à la faveur de la nuit, sans passeport ni carte d'identité (ces pièces m'ont été confisquées par la police), le cœur plein de douleur : douleur parce que je quittais involontairement mon pays que j'aime, douleur aussi parce qu'en quittant mon père je l'avais regardé en sachant dans mon for intérieur de médecin que c'était pour la dernière fois, que je ne le reverrais donc plus jamais. CONCLUSION Kérékou a réprimé le peuple béninois pour décourager toute contestation, étouffé toute voix contraire à celle qu'il voulait entendre, et se garantir par conséquent le pillage des richesses du Bénin en toute quiétude. Ainsi dans sa vaine tentative de s'assujettir la JUD (Jeunesse Unie antiimpérialiste du Dahomey) créée librement par les jeunes en 1974 il décréta sa dissolution administrative avec interdiction de toutes ses activités après avoir pris en otage son Président, Azaria FAKOREDE. Cette négation des droits de l'homme n'est d'ailleurs pas fortuite. C'est le reflet de l'homme Kérékou qui a érigé la délation et la répression sans précédent en méthode de gouvernement dans la scène politique béninoise. Mais son pouvoir suffisamment fragilisé par les glorieuses grèves des étudiants (1979 et 1985) et les manifestations contestataires du peuple, notamment celles des travailleurs en 1989, Kérékou dut accepter que la Conférence nationale de 1990 fut déclarée souveraine. C'était la monnaie d'échange qu'il était obligé de payer pour égoïstement sauver son fauteuil présidentiel menacé et obtenir une immunité protectrice qui le met à l'abri de toute poursuite judiciaire, contrairement aux allégations selon lesquelles il serait un démocrate et un magnanime. C'est la vérité qu'il faut dévoiler à la face du monde. Que faire alors face à un tel personnage qui a tiré sa toute-puissance à exercer sur le paisible peuple béninois un pouvoir autocratique et arbitraire? Il y a nécessité absolue et impérieuse de le démasquer en rapportant leur vécu par ceux-là mêmes qui ont subi directement sa tyrannie. C'est la vérité que doivent enseigner les livres et professeurs d'Histoire du Bénin et non les mensonges. C'est aussi le prix mérité à décerner à Kérékou et à son pouvoir, tous partisans irréductibles d'arrestations arbitraires et de tortures perpétrées contre le peuple. Tant il est vrai que putschisme et dictature ne font jamais bon ménage avec démocratie et développement. Le Bénin sous Kérékou en est une illustration éloquente. C'est le but de la campagne en cours contre l'immortalisation de Mathieu Kérékou qui prépare activement dans l'ombre ses poulains de la SNDB à pérenniser sa politique pernicieuse contre les droits démocratiques au Bénin. Afin de leur faire échec il importe que les démocrates béninois montent la sentinelle de veille pour la défense des droits de l'homme au Bénin. Dr. AFOLABI BIAOU |
Respecter le silence de Béhanzin et du Grand Camarade
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En quête pour notre pays d’un héros qui ne fût pas russe, allemand ou chinois, le Parti de la Révolution populaire du Bénin (PRPB), parti unique et concentrationnaire, nous imposa Béhanzin, le dernier roi d’Abomey avant l’invasion coloniale. Mais qui est ce Béhanzin ? C’est celui qui, à l’instar de ses prédécesseurs sur le trône, a guerroyé ferme contre ses voisins immédiats pour accroître son patrimoine territorial à leurs dépens. Celui au sujet de qui Justin Fakambi écrit en 1992 : ‘‘En 1888, l’esclavage était supprimé ; cependant Béhanzin trafiquait des hommes contre des fusils par l’intermédiaire des commerçants blancs de Ouidah.’’ Celui qui, après avoir vendu les hommes aux Blancs, ne put les empêcher de lui arracher la terre de ses ancêtres. Celui qui, avant sa déportation, posa l’acte nihiliste lui permettant d’assurer les obsèques de sa mère, afin qu’elle ne fût pas livrée à la vengeance de ses adversaires locauxaprès la défaite et l’exil. Celui qui mourut hors-les-murs et qui, aujourd’hui encore, constitue l’épicentre des querelles et de la grande division d’Abomey. Celui-là, notre héros national ! Pour qu’elle unité, quel idéal, quel élan ? Quelle ténébreuse lumière éclaira les fomenteurs du PRPB ?
Et voici que par une de ces rechutes, dont il serait temps que notre pays perdît le goût et l’habitude, de jeunes Béninois, entre vingt-cinq et trente ans, nous proposent aujourd’hui comme héros national le chef historique du PRPB>
Mais savent-ils vraiment ce dont il fut le chef ? Le PRPB fut le lieu de la pensée unique à tous imposée. Le lieu de la privation des libertés individuelles et publiques. Le lieu d’où l’on envoyait à Sêgbana, devenu camp de concentration pour résistants, les Béninois qui osaient penser hors du cadre de la pensée unique. Le lieu du dépiècement de notre système scolaire qui peine, depuis lors, à retrouver une âme. Le lieu partiel de ‘‘La faillite du contrôle des finances publiques’’, selon Richard Adjaho (1992). Le lieu de l’accélération de ‘‘la descente aux enfers’’ pour les entreprises publiques, selon Fatiou L. Adékounê (1996). Le lieu de ‘‘La corruption [qui] appauvrit la nation’’, selon Jacques AlidouKoussé (2000). Le lieu où se sont enfoncées les racines des maux dont nous continuons de souffrir, sans oublier que certains de ces maux ont trouvé dans le sol du PRPBle limon propice à leur germination. Le chef de ce lieu, notre héros national ! Pour quelle unité, quel idéal, quel élan ? Nos jeunes gens et jeunes filles, qui ont fait l’étrange proposition, ne savent peut-être pas que dans le doute on s’abstient et que dans l’ignorance on se tait. Il leur sera demandé de s’informer longuement avant de désigner à leurs parents et grands-parents quel Béninois peut être considéré comme héros national.
Si nos jeunes gens et jeunes filles ont remarqué, comme tout le monde, le silence total du Grand Camarade pendant les deux agitations organisées autour de sa personne et de son nom, ils n’ont certainement pas pu l’interpréter. Pour leurs parents et grands-parents, ce silence voudrait dire : ‘‘Comme à l’habitude, on vient me sortir de ma tanière pour me mettre à la lumière. Allez-y, les enfants ! Si ça marche, je prends.’’ Pour lui-même, par rapport aux réchappés de Sêgbana et autre ‘‘petit palais’’, Béninois spoliés de leurs immobiliers et de leur dignité humaine par le PRPB sous ses ordres, ce silence voudrait dire : ‘‘Avez-vous discuté avec vos parents sur votre choix de moi comme héros national ?’’ On imagine que, dans sa tombe à Abomey, instruit par le regard d’au-delà sur l’histoire qu’il a faite et les souffrances par elle et lui engendrées, Béhanzin ait choisi le sourire et le silence lors des agitations du PRPB pour le transformer en héros national en dépit de toute logique.
Efforçons-nous au demeurant de respecter le silence supposé de Béhanzin et le silence réel du Grand Camarade. Tout en continuant à chercher un héros national qui ne soit pas Sankara, Mandela ou Lumumba, essayons d’en être un singulièrement,‘‘dans notre coin ! Dansa notre petit atelier’’, comme dirait Aimé Césaire.
(Par Roger Gbégnonvi)
Rédigé par : Roger Gbégnonvi | 18 novembre 2012 à 20:19
Message reçu;
Merci pour ce témoignage courageux! Je dis merci car je suis conscient
que le courage et le dévouement sont les qualités qui manquent
cruellement à l'élite intellectuelle de notre pays aujourd'hui! cette
carences masques toutes les autres, à savoir l'inculture, la cupidité,
la malhonnêteté...
Que le régime du PRPB de Kérékou ait été un régime de dictature qui a
plongé le Bénin dans la misère semblait évident et acquis pour tout le
monde dans les années 1990 et 2000! C'est tout de même effarant
qu'aujourd'hui, il se trouve des gens pour dire que Kérékou soit un
exemple emblématique pour la jeunesse!
Le devoir de mémoire qui découle de ce qu'on voit devient un défi incontournable
La lutte continue jusqu'à l victoire
Professeur Cyprien K. A. GNANVO
Maître de Conférences CAMES
Doyen Honoraire FAST/UAC (Bénin)
Rédigé par : Professeur Cyprien K. A. GNANVO | 18 novembre 2012 à 20:15
Bonjour Basilien,
Merci pour cet écrit que j'ai reçu. Je l'avais déjà lu aussi.
L'important selon moi c'est de rétablir la vérité à la place du mensonge sur ce qui s'est passé réellement, quelle que soit la position de chacun sur ces événements douloureux. En d'autres termes c'est écrire l'HISTOIRE VRAIE VECUE PAR DES HOMMES QUI ONT COMBATTU POUR LE TRIOMPHE DES IDEES JUSTES ET NOBLES, ET NON FALSIFIER L'HISTOIRE AUX YEUX DE CEUX LA MEMES QUI EN ONT ETE DES ACTEURS A UN MOMENT DONNE DE LEUR VIE. IL NE S'AGIT PAS D'ECRIRE SELON SON IMAGINATION; CE N'EST PAS DU ROMAN.
Les jeunes ont besoin de savoir les sacrifices auxquels d'autres ont consenti hier pour que eux aujourd'hui, ils aient la possibilité de s'organiser, de parler et de manifester librement sans être inquiétés. Parmi ceux qui ont consenti à ces sacrifices, pour ne citer que quelques uns connus dans la région de Savè-Tchaourou , il y a : toi Basilien, ALAMOU Emmanuel, ATCHADE Jean, feu KOLAWOLE Emmanuel, Dr MONSIA Christophe, AYEDOUN Abel, Dr AMADOU Tayéwo, Dr BIAOU Olivier, CHABI SIKA Karim, BIAOU Léopold, ALAMOU Samuel.............Vous avez mené des combats mémorables; vous avez écrit des pages glorieuses de l'Histoire du Bénin qui imposent le respect à votre égard. Soyez fiers d'en parler, pas parce que vous êtes orgueilleux mais parce que ces passages de votre vie sont des pages de leçons, d'enseignements et d'éducation à transmettre aux jeunes générations actuelles et futures. Faire cette transmission c'est contribuer à empêcher que les mensonges suscitent de nouveaux dictateurs parmi ces générations dans la scène politique du Bénin. En effet immortaliser un putchiste et un dictateur, c'est le présenter comme le bon exemple, le modèle à suivre. Or c'est ce qu'il faut éviter. Ne regrettez donc pas vos sacrifices. En tout cas, moi, je les apprécie à leur juste valeur, notamment quand je me souviens de mes rencontres dans la clandestinité de l'action avec ALAMOU Emmanuel et BIAOU Basilien. Ce fut pour moi des moments d'émotion, d'admiration et de respect à votre endroit quand je considérais les années d'études que vous avez sacrifiées, par conviction d'un idéal noble et non par calculs d'intérêts égoïstes, pour l'avènement d'une véritable démocratie au Bénin. Soyez en loués.
Je ne réclame la peau d'aucun tortionnaire. Je ne réclame pas de vengeance à leur encontre. Mais mon seul souhait c'est que l'Histoire soit enseignée telle qu'elle a été réellement pour que le mauvais ne se répète pas, et non pour faire la chasse à l'homme. Cette démarche participe de l'instauration de la paix dans le pays. C'est cela qui fait la grandeur d'esprit des peuples qui ont bâti les grandes nations que nous connaissons.
Bon week-end.
Dr Afolabi BIAOU
Rédigé par : BIAOU AFOLABI | 18 novembre 2012 à 20:07