On parle de la Françafrique, on hurle au loup entré dans la bergerie africaine, et qui en fait à sa tête et à ses aises. Et on implore le bon vouloir du loup, et l’on attend que le malin parte de son plein gré sans savoir s'il consentira à le faire, malgré ses nombreuses promesses réitérées. Pourquoi cette conspiration mondiale du silence autour de la présence du loup français dans la bergerie africaine ? C'est la même loi qui régit la jungle : lorsque le lion se saisit d'une antilope, aucun des autres animaux ne dit mot. La chaîne alimentaire profite à tous. Or nous sommes des hommes et là déjà commence la bizarrerie du principe de puissance qui organise l'ordre du monde. L'affaire Françafrique doit-elle se limiter à seulement implorer le départ du loup France de la bergerie africaine ? Les hommes n'étant pas des animaux, que faisons-nous de notre mémoire, de notre volonté et de nos lois ? La Françafrique est une longue rigole de sang, de crimes, de viol, de vol, de pillage et de violence politique imposée à l'Afrique depuis des décennies. Et au lieu de faire payer la note à la France, la mettre juridiquement devant ses responsabilités, passer notre temps à crier au loup, et à attendre que celui-ci s'en aille de son plein gré est l'expression d'une bêtise inénarrable, d'une passivité imbécile, d'un consentement tacite pour le moins infantile et suicidaire. C'est aussi la prime à l'impunité. Est-ce un héroïsme si le loup consentait à partir ? Beaucoup de situations naturelles ou historiques sont ainsi faites que le seul arrêt d'un état de mal suffit à crier victoire, à exprimer soulagement et satisfaction. Ce fut le cas tout au long de l'histoire africaine. Les gens vinrent, nous imposèrent l'esclavage pendant quatre siècles. Et lorsqu'ils n'eurent plus besoin de l'esclavage, ils y mirent fin, et nous les applaudîmes comme des héros et ils s'en allèrent sans assumer aucune responsabilité. La seule fin de l'esclavage qu'ils sifflèrent étaient pour nous un soulagement et une victoire. Ce qui leur a permis de revenir sans états d'âme et avec culot pour nous mettre dans les fers de la colonisation ; et ils nous colonisèrent
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pendant plus de 60 ans ; et un beau jour à la suite de leurs propres contradictions politiques internes, ils durent mettre fin à la colonisation. Et quand il le firent, ils n'eurent pas à répondre de leurs crimes. Au contraire, ils se taillèrent le costume du bienfaiteur et partirent comme des héros. Ce qui leur permit de revenir incontinent pour se livrer en douce à des crimes plus immondes, plus abjects que ceux auxquels ils prétendirent avoir mis fin avec la décolonisation. Et nous en sommes toujours au même point. Savoir que la source du mal réside dans cette naturalisation de l'impunité qui tout au long de l'histoire africaine marque les violences auxquelles nous sommes soumis de la part de ceux qui sont plus forts que nous, les occidentaux, qui ont compris que les crimes qu'ils commettent sur nous, au fil du temps historique, n’ont eu et n'auront aucune conséquence légale ou juridique pour eux, car ils n’ont eu et n'auront jamais à faire face à leurs responsabilités. Dans ces conditions comment voulez-vous que la Françafrique prenne fin si les crimes monstrueux auxquels on donne ce nom resteront à jamais dans l'ombre naturalisée de l'impunité et de l'irresponsabilité ?
Éloi Goutchili
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