Le problème de l’assimilation a été au cœur des rapports entre les Africains et leurs colonisateurs européens. Marqué par le soupçon d’infériorité des Africains et l’ethnocentrisme des Européens, il a pris plusieurs formes : politique, économique, culturelle, symbolique et même ontologique. Et son approche a varié d’un colonisateur à l’autre. Ainsi la France, dans la droite ligne de l’acception ethnocentriste que les Européens se faisaient de ce concept qui met en jeu leur paternalisme et le complexe du “white man burden” la France disons-nous est apparue comme championne de l’assimilation, là où l’Angleterre en avait une approche et un usage modérés. Entre Africains et Européens, il y a deux sortes d’assimilation. Et le concept, en dépit qu’il en aie, n’est pas chargé a priori de la négativité que stigmatisent ses contempteurs encore moins des promesses d’évolution qu’invoquent ses promoteurs les plus zélés. L’assimilation de A par B n’est pas la même chose que celle de B par A. Pour l’Africain, la bonne assimilation, c’est de savoir ce qu’on est, voir ce qu’est l’autre, et choisir chez lui sinon en lui les éléments qui nous sont utiles. Au passage, cela suppose de se débarrasser des choses en nous qui empêcheraient de profiter des choses utiles en l’autre ou chez l’autre. Un exemple de ce type d’assimilation est fournie par le Japon dans son rapport avec l’occident. Mais pour les Européens – et cela a été la philosophie française de l’assimilation, il s’agit plutôt d’une démarche ethnocentriste et paternaliste de mise aux normes. l’Africain assimilé ou à assimiler est celui qui, sans savoir qui il est, en cessant d’être lui-même est amené à ressembler souvent en surface à l’autre, son maître, et à imiter ses comportements. Il s’agit d’une idée raciste qui, sous les dehors humanistes nie l’humain. Cette idée part du principe que l’Africain est un sous-homme, un être inabouti, un sauvage, un être à part. Et chaque fois qu’on découvre parmi son espèce un individu dont les qualités contredisent ce principe, on décrète qu’il s’agit d’un être d’exception, qu’on peut assimiler. Senghor est l’exemple de ce type de démarche. C’est la même philosophie qui prévaudra en Afrique du Sud, avec le concept frelaté de “honorary whilte”, où entre deux extrêmes de valorisation de l’ontologie sociale – le Noir et le Blanc – le système a ouvert la possibilité à l’être du blanc honoraire. D’une certaine manière l’assimilé ainsi conçu fait du Noir un homme honoraire. Cette assimilation imposée aux Africains est la mauvaise sorte d’assimilation. Mais l’idée d’assimilation n’est pas en soi mauvaise, à condition qu’elle soit prise à bras le corps par l’Africain lui-même. En Afrique, un exemple de cette appropriation est donnée par les Ibo du Nigeria, qui ont élaboré une ontologie synthétique fondée sur l’assomption de leurs valeurs et l’assimilation du système symbolique du colon. En littérature et pensée africaine, Chinua Achebe est à la fois un produit un producteur de cette synthèse Prof. Ajayi Barnabé |
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