Le holdup était violent. C'était une violence symbolique. C'est-à-dire que Monsieur Yayi avait réussi à poser que lors des élections de mars 2011 ( et le pluriel n'a d'ailleurs plus de sens ici, puisqu'il n'y eut qu'un seul tour) que 50% au moins des Béninois avaient voté pour lui. Ce qui est gros comme le nez au milieu de la figure. Qu'il arrive en tête au 1er tour est déjà surprenant dans le contexte de son impopularité et de la taille de son opposition, mais qu'il passe du premier coup, voilà qui est sidérant, culotté, et renversant. Donc il y a avait ce précédent, ce volcan sur lequel il s'est assis. Après ce passage, il y a sans doute un service après-vente politique, qui n'est pas forcément facile à assurer. Avant, du temps de Senghor, on disait que le Sénégal était un modèle de démocratie en Afrique, après Senghor et au détour du processus de la Conférence nationale qui a fait tâche d'huile en Afrique, le Bénin a pris cette place. Il passait pour le nouveau laboratoire de la Démocratie en Afrique. Mais avec l'arrivée de Yayi et ses manières dictatoriales qu'il ne cache pas ( car son pragmatisme le porte à exécrer la démocratie et à la considérer comme un luxe en Afrique), mais surtout avec le holdup électoral de mars 2011, il a fait chuter le Bénin de cette place de leader dans l'avancée de la rationalité légale et démocratique en Afrique. C'est une honte pour le Bénin. Une honte bue, une honte tue. Y a-t-il pour autant possibilité de révolte ou de sursaut ? Oui et non, mon cher Pancrace ! Les élites béninoises aiment bien briller, et qu'on parle d’elles en termes d'intelligence ( politique ou intellectuelle). Cela flatte leur égo et cache leur forfait vis-à-vis du pays réel. Il ne déplairait pas à ce joli monde de nous inventer une originalité politique consacrant le Bénin, comme pays moteur d'une espèce de « printemps » démocratique en Afrique. Mais là encore, le Sénégal a déjà pris une bonne longueur d'avance, qui a su dire non au vieil autocrate Wade. D'un autre point de vue, il faut dire que les gouvernements chez nous, et plus précisément les Présidents sont mis en scelle par des hommes d'argent de l'ombre, qui contre promesse de disposer des leviers économiques essentiels du pays, financent la montée au trône présidentiel d'un poulain qu'ils ont choisis. Le choix de ce poulain se fait en fonction de l'espérance de pouvoir le manipuler facilement. C'est d'ailleurs pour cela que les choix se portent plus souvent sur des hommes du Nord dans la mesure où ceux-ci pour des raisons historiques, démographiques, culturelles et sociologiques se sentent à l'étroit dans le pays et offrent le faciès de gens manipulables sans difficulté. C'est la raison pour laquelle Houngbédji n'est jamais passé ou Soglo n’a jamais duré. Car ces faiseurs de rois savent que, le moment venu, aucun de ces hommes qui ressortissent du sud massif n'acceptera de se laisser dicter leur loi. Avec Yayi pourtant, ils sont tombés sur un os dur. Yayi n'accepte pas ce type de marché après en avoir profité ( mais Yayi est connu pour son inconstance) ; ensuite, Yayi retourne le régionalisme de la manipulation à son profit. Tout le monde sait comment il s'appuie sur la flatterie des bas instincts et sentiments tribaux pour gouverner. Mais il semble que Yayi, qui n'est pas docteur pour rien, a compris que les Nordistes ne pourront plus se contenter seulement de la politique. Que la vraie politique ce sera pour les nordistes d'avoir aussi de grands hommes d’affaire, qui pourront eux aussi tirer partie de ressources comme le coton qui, après tout, est essentiellement cultivé au Nord. Cette nécessité de renversement des valeurs est d'autant plus pressante que Yayi sent qu'il doit quitter le pouvoir à échéance, et que ce départ devrait se solder par l'arrivée au pouvoir enfin d'un président du Sud, sinon le système de prépondérance septentrional qui a prévalu jusqu'ici au niveau du choix des Présidents risque de laisser voir son injustice. C'est donc à mon avis à cette reconfiguration du paysage sociopolitique et économique, portée vers une double mobilité à la fois politique et économique que travaille M. Yayi. Il cherche à placer deux ou trois hommes sinon à la place des Ajavon et autres Talon qui ont la mainmise sur les ressources nationales produites du pays, et ce même de façon irrationnelle ( mais une irrationalité jusqu'ici instaurée par lui-même) du moins à leur côté. Mais ceux-ci prennent cela pour une trahison, un casus belli, et le conflit, comme toujours avec Yayi, prend une tournure passionnelle et dramatique. Il semble que malgré les gestes d'apaisement, la confiance soit rompue. Et que jetant par-dessus bord leur masque, ces hommes d'affaires aux moyens colossaux ( d'autant plus colossaux qu'ils proviennent en vérité des biens de la nation) veuillent en découdre politiquement avec Yayi qui non seulement ne joue pas le jeu, mais est devenu une espèce de cheval de Troie ingérable ; comme de ces personnages qui échappent à leur créateur, et que celui-ci est obligé d’abattre. Ceci justifie la déréliction de Yayi, mais aussi sa rage combattive, son côté déboussolé, et ses excès. Ainsi seul contre tous, que peut-il faire de mieux que d'aller se jeter dans les bras de celui que ses marionnettistes ( hommes d'affaire de l'ombre) avaient pris un malin plaisir à lui opposer ? Tout le monde a toujours trahi Houngbédji de tout côté, et lui même se sent seul. La seule façon pour lui de neutraliser tous ces traitres qui ont eu affaire avec lui, c'est d'aller directement vers celui avec lequel ses propres alliés ou ex-hommes de mains s'en donnent à cœur joie de le trahir. Paradoxalement, la seule issue pour Yayi c'est de se coller à Houngbédji comme cela paraît être le cas, et la seule occasion pour Houngbédji de se venger de ce troupeau de traitres dont il fut le malheureux berger est de constituer un coude-à-coude solide avec Yayi, en manière de pied de nez... Voilà donc mon cher Pancrace, pourquoi Yayi crie au complot, et pourquoi, à nouveau la question de la LEPI est remis sur le tapis, et qu’ine efervescence défensive deses amis est orchestrée, car nous sommes au Bénin, un pays dont la démocratie a été mis à terre par lui, mais qui pourrait effectivement se relever de belle manière et à ses dépens. Bonne réunion autour de la mémoire de Sankara un Grand Homme que je vénère pour sa clairvoyance et son amour de l’Afrique, et bon séjour dans le pays de Ménélik 2, un autre Grand Homme qui restera dans l’histoire, pour avoir infligé une déculottée mémorable au fantasmes coloniaux des Occidentaux. Amicalement Binason Avèkes |
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