Gaston Zossou, Écrivain Béninois
S'il y a quelque chose que je déteste passionnément, c’est cette idée de l’Afrique dans laquelle se noient les gens (d’Afrique). Pour cacher leur indigence, pour faire une fuite en avant. Les gens qui parlent de l’unité de l’Afrique, mais qui sèment passionnément le trouble dans leur maison, dans leur famille, dans leur village. Des gens qui sont incapables d’unir leur pays mais qui invoquent à tout bout de champ, comme une heureuse incantation, le nom de l’Afrique, son unité onirique et euphorique. C’est pour cela que je ne lis jamais les magazines ou les journaux qui portent directement le titre de l’Afrique, comme “Jeune Afrique” ou Afrique-machin ou Afrique-bidule ( souvent des canards au service de la Françafrique). Car ce n’est pas de l’Afrique qu’il est question dans ces journaux, mais d’une représentation tronquée de l’Afrique, d’une Afrique sur commande, chiquée, frelatée et imaginaire, d’une Afrique hémiplégique et théorique, d’une Afrique nébuleuse qui entretient la non-Afrique. Le deuxième exemple est tiré d’une note de lecture du deuxième roman de Gaston Zossou, homme politique et an-
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cien Ministre Béninois. La plume de Gaston Zossou est alerte, forte et généreuse ; son univers romanesque est à la fois attachant et réaliste, de ce réalisme magique qui réflète fidèlement l'imaginaire et les croyances profondes du Bénin. Mais pour autant je ne vois pas pourquoi l’auteur de l’article finit sa note en ces termes :” Avec ce roman, Gaston Zossou confirme sa place parmi les nouvelles voix de la littérature africaine.” Tout de suite, et sans transition, sans nous parler de sa place dans la littérature Béninoise, eh bien, l’auteur nous le bombarde au firmament de la littérature africaine. Moi qui m’intéresse beaucoup à la littérature japonaise et considère quelques-uns de ses maîtres comme mes maîtres à penser, je n’ai jamais entendu un critique japonais ou étranger parler d’un écrivain japonais en le situant brutalement au niveau d’une hypothétique littérature asiatique. Pourquoi Gaston Zossou doit être bombardé écrivain africain avant qu’on ne considère le béninois qui est en lui ? Est-ce que c’est le fait de l’aliénation qui pousse le ridicule à son comble à nous faire parler de nous-mêmes dans des langues étrangères à notre âme qui nous rend incapables de nous voir comme nous sommes au point que nous préférions nous voir tels que nous voient les autres, à savoir comme des Noirs ou des Africains ? Et au-delà de la littérature, est-ce que c’est parce que nous en serions arrivés à croire que pour que quelque chose ait de la valeur, il est important, qu’il soit d’abord africain ? Mais de quoi est faite cette Afrique dont nous méprisons le contenu, dont nous ne voulons être en rien garants du contenu ? Cette Afrique, couteau sans lame ni manche, n’est d’aucune utilité, sauf incantatoire, et c’est pour cela je m’en méfie comme de la peste… Aminou Balogoun |
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