Le Nord territorialement est constitué de l'ensemble des quatre départements suivants : Alibori, Atacora, Borgou, Donga. Le sud territorialement est constitué de l'ensemble des huit départements suivants : Atlantique , Collines, Couffo, Littoral, Mono, Ouémé, Plateau, et Zou. Ces ensembles ont une pertinence géographique et culturelle. Le centre, en dépit de son caractère géographique, n'a aucune pertinence territoriale et culturelle spécifique. Et ce malgré les sollicitations et manipulations politiques dont il est l’objet. En effet l'expérience montre que dans ces contrées du Bénin, est très prononcée la culture d'appropriation de la politique à des fins d'affirmation sociologique et économique. Comme, et même plus que dans le Nord, la bonne volonté politique y est forte, et va de pair avec la bonne volonté sociologique. Depuis et en raison du fait que des Présidents nordiques ont plus souvent présidé aux destinées du Bénin en 50 ans d'indépendance, le centre a fait l'objet de manipulation identitaire. L'un des ressorts de cette manipulation, comme c'est le cas dans la division de tout le sud, est la résurrection des violences ethniques et de la mémoire douloureuse du passé. Comme les habitants des contrées septentrionales de l'ancien département du Zou étaient malmenées par le royaume du Dahomè autour duquel est constitué ce qu'il reste de ce département, l'exacerbation du souvenir des exactions et atrocités dont ces populations ont été victimes, et surtout leur manipulation ont constitué les motivations d'une attitude de séparatisme vis-à-vis du Zou qu'arbore avec passion les ressortissants de l'actuel département des Collines. Ces exactions sont exactes, tristes et condamnables. Mais elles ne doivent pas pour autant continuer à entretenir le séparatisme identitaire. Le ressentiment historique ne peut construire le présent, et de toute manière ne doit pas conduire à nier l'unité essentielle (démographique, culturelle, symbolique et linguistique des Mahi, Tchabè, etc. et des Fon, qui comme eux, ne sont que des métis à des degrés divers de Yoruba et d’Adja. Donc, céder à la manipulation du séparatisme du ressentiment, et au dolorisme mémoriel pour faire le jeu de la division du Sud est une erreur. Cette tendance est en vigueur depuis plusieurs décennies et son exaspération absurde conduit dans le pire des cas au tropisme nordique des contrées septentrionales du Zou. Ce tropisme rend raison de la création du département des collines, une manière de sanctionner le séparatisme et de faciliter le tropisme nordique de la partie septentrionale du sud qui a tendance, surtout depuis l'arrivée au pouvoir de M. Yayi, à se considérer plus comme la partie sudiste du Nord, que la partie septentrionale du sud. Il est vrai que l'origine personnelle de Monsieur Yayi n'a fait qu’aggraver la confusion. Natif de Tchaourou, l'actuel président de la république est l'exemple même de ce qu’aurait été le Béninois neutre, à cheval entre plusieurs régions. La modération ethnique qu'il n'a pas aurait pu être son atout et sa qualité majeure pour jouer le rôle de médiateur interrégional et consolider ainsi l'unité nationale. Mais, se fondant sur ses intérêts politiciens à courte vue, et profitant du fait que l'un de ses parents serait originaire du Nord, dans un bric-à-brac abracadabrantesque, il a fait passer dans les idées, et consolider le tropisme nordique des collines. Lorsque le président de la république qui ne cache pas son penchant régionaliste se dit Tchabè--et son patronyme en fait foi--et en même temps n'hésite pas à exacerber son insertion nordique, découlant de sa filiation maternelle, on comprend à demi-mot ce que cela veut dire : que les Collines ont vocation à se tourner vers le Nord, conséquence logique de leur séparatisme historiquement motivé. Or, en exacerbant la logique du séparatisme fondé sur le dolorisme mémoriel, en considérant le royaume du Dahomè comme le repoussoir et le pourvoyeur des violences historiques dans tout le sud, tout ceux qui au sud ne relèvent pas directement de ce royaume seraient fondés à se détacher du sud identifié au Dahomè. Du coup, les peuples comme les Yoruba du Plateau et de l’Ouémé, sans parler des gens de Porto-Novo, qui étaient historiquement à couteaux tirés avec le Dahomè pourraient avoir vocation à réclamer leur appartenance à une sorte de coalition « Tout-sauf-les-Fon » sous l'égide politique et fonctionnant dans l’intérêt objectif du Nord ! Cela exprime bien le principe de la division actuelle du sud. En effet, à défaut de réclamer une appartenance absurde au Nord, les populations du sud qui ne s'identifient pas directement à l'ancien royaume du Dahomè ou qui ont même des raisons de s’en défier sont expressément encouragées à s'opposer à leurs ressortissants sur le plan politique. C'est ce qui, entre autres choses, explique le manque de discipline régionaliste au Sud, là où le Nord se montre uni et discipliné derrière ses représentants. À preuve, a-t-on jamais vu un seul parti du Nord répondre à l'appel désespéré de l'UN (l’Union fait la Nation ) à rejoindre ses rangs pour former une union véritablement nationale ? Non ! En revanche, combien de partis ou de représentants du sud n’a-t-on pas vu intégrer allègrement le parti du président de la république bien qu’il ne fît pas mystère de son appartenance régionaliste au Nord !
Liste des députés béninois de la Ve législature
la liste par ordre alphabétique des députés béninois de la Ve législature (2007-2011)
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Dans la liste ci-dessus nous avons différents partis et leur identification eu égard à la dichotomie identitaire et politique Nord/sud mérite d’être définie. Ainsi un parti nordique est un parti national auquel appartient la quasi-totalité des représentants nordiques de la liste. Compte tenu des disparités sociologiques et démographiques entre le Nord et le Sud, un parti nordiste peut contenir plus de représentants du sud que de représentants du Nord, il ne laisse pas moins d'être un parti nordique. Un parti sudiste répond à la même définition. À ceci près que pour des raisons liées à la discipline du Nord, un tel parti n'existe pas dans la réalité. L’UN aurait pu jouer ce rôle mais, le refus catégorique des représentants du Nord d’appartenir ou d'y adhérer lui ôte de fait la conditionnalité de parti national. On observe que le parti nordiste ou le parti sudiste n'est possible qu'en tant que parti du président, selon que celui-ci est du Sud ou qu’il se réclame du Nord. Un tel parti ne devient effectif qu'avec le parti nordique dans la mesure où la mobilité politique des gens du sud fait partie intégrante de leur stratégie et de leur culture d'indiscipline régionaliste, là où la fidélité et la discipline régionaliste caractérise les intérêts et le comportement des Nordistes. Le parti du Nord et un parti dont les représentants sont du Nord. Un parti du Sud et un parti dans les représentants sont du Sud. Enfin on ne saurait passer sous silence l'aspect religieux du clivage Nord/Sud. De ce fait, les sudistes sont volontiers chrétiens, comme les gens des collines tandis que les nordistes sont plutôt musulmans. Ces définitions et précisions étant faites, que nous dit le tableau de cette liste de députés de la cinquième législature, sous le rapport du régionalisme ? Eh bien, la première chose est le rapport des représentants. 55 députés sont originaires du Sud contre 28 députés originaires du Nord. Le ratio Nord/sud est donc de 28/55, ce qui est exactement de l'ordre d'un député du Nord pour deux députés du Sud ; à condition bien sûr que n'interfèrent pas un certain nombre d'éléments ou de considérations visant à instaurer la confusion ; comme la « nordification » implicite des Collines, où le fait de voir les choses sous l'angle du parti du président. Car en effet, s’il ne va pas de soi qu'un député FCBE ou assimilé est ipso facto un représentant du Nord, il n'est pas moins vrai que la machine FCBE est au service d'une logique régionaliste d’obédience nordiste dont les principaux acteurs eux-mêmes nordistes ne font pas mystère de leur volonté régionaliste. Quand on en vient au gouvernement et à sa légitimité politique pour ne pas dire sa légalité, le président de la république a deux possibilités pour légiférer. Et M. Yayi a usé de ces deux possibilités selon la situation et les moyens dont il disposait. Soit légiférer par ordonnance--grâce à l'article 68 de la constitution --soit s'appuyer sur une majorité de députés à l’Assemblée nationale. Il est clair que se réclamant du Nord, le ratio d'un député nordiste pour deux députés sudistes ne l'avantage pas. Et M. Yayi doit faire recours à une double stratégie de division du Sud. La première consiste comme cela a déjà été initié par M. Kérékou, à désolidariser les Collines du sud, et à les faire se tourner vers le Nord, un Nord marqué du sceau de son estampille biographique et personnelle. La désolidarisation des Collines du sud et sa « nordification » insidieuse se faisant par un syllogisme qui participe du consensus frauduleux. À savoir : les Tchabè, les Idatcha, et consorts sont la même chose que les gens de Tchaourou, Bantè, Ouèssè, etc. ; or M. Yayi est de Tchaourou et un nordique passionné, donc les Collines sont du Nord… L'idée aussi est que les gens des Collines auront un meilleur partage du gâteau politique avec le Nord qu'ils ne pourraient l'envisager avec le Sud qui n'aurait, selon l'inspiration de cette manipulation, que dédain et mépris pour eux. C'est d'ailleurs ce discours implicite du mépris du sudiste vis-à-vis de tout ce qui ne serait pas fon qui est utilisé pour diviser tout le sud. Les Fon contre les Goun, les Goun contre les Yoruba, les Adja contre les Fon, les Adja contre les Goun , etc. Si bien qu'au total, alors qu'ils ont l’essentiel en commun (histoire, géographie, langues et systèmes symboliques) tout se passe comme si l'homme du sud est un loup pour l'homme du sud. Ce qui fait l'affaire de ceux qui, depuis l'indépendance et avec la bénédiction de la France colonisatrice, imposent des présidents du Nord minoritaire mais uni à un pays où le sud est majoritaire mais passionnément divisé contre lui-même. La deuxième stratégie de division ne va pas jusqu'à désolidariser le sud du sud comme c'est le cas des Collines mais elle consiste à ruiner l'idée même d'une conscience régionale positive et autonome en dépit des divers éléments distinctifs qui la fondent. C'est une destruction qui se fait par résurrection et activation des ressentiments du passé, et la division qui s'ensuit s'incarne passionnément dans des oppositions de personnes : Kamarou Fassassi contre Adrien Houngbédji, Houngbédji contre Séfou Fagbohoun, Houngbédji contre Tévoédjrè, Tévoédjrè contre Soglo, Soglo contre Houngbédji, Houngbédji Adrien contre Houngbédji Gatien, Soglo contre Ajovi, etc.) permet d'assurer, de l'élection de M. Hubert Maga en 1960 à la réélection par K.-O. de M. Yayi en 2011 en passant par les retour et réélections successives de M. Kérékou, la suprématie politique du Nord sur le Sud du Bénin. Au total, ce qui est à dénoncer au premier chef dans cette dérive antidémocratique sournoise c'est le consensus frauduleux que constitue l'idée de la parité ethnique ou régionale. En politique, la parité n'a de sens que lorsqu'on considère le rapport des sexes car dans toutes les sociétés, le rapport des sexes est à 50/50. En revanche, on ne voit pas pourquoi parce qu'on a inventé deux régions plus ou moins imaginaires, il devrait y avoir automatiquement une parité entre elles. La parité n'a aucune nécessité en politique. En politique ce qui prime avant tout c'est l'équité et la compétence. Et, en termes d'efficacité et de qualité, on devrait prendre garde à l'application rigoureuse de l'équité car à force de sacrifier aveuglément la qualité sur l'autel de l'équité régionaliste ou ethnique, on finit par déboucher sur une médiocrité socioéconomique nationale qui ne ferait qu'aggraver le sous-développement. De plus, la parité homme/femme n'est qu'un cas particulier de l'équité entre les sexes, eu égard au nombre égal de représentants des deux sexes dans les sociétés humaines. Au Bénin, d'un point de vue démographique, le Sud est plus peuplé que le Nord. Et plus que la démographie, la sociologie montre que le Sud est beaucoup plus avancé que le Nord et que le ratio sociologique est à son avantage. Dès lors on ne voit pas pourquoi chaque fois qu'il veut nommer des Béninois, le président Yayi prend un soin méticuleux à nommer autant de Béninois du Sud (sinon et souvent moins ) que de Béninois du Nord. Et l'idée de la parité ethnique qui viendrait du fait qu’il y aurait deux régions au Bénin n'est qu'un trompe-l’œil qui permet d'administrer avec cynisme une politique régionaliste marquée par la corruption, l'arbitraire, l'injustice et le népotisme. Le fait de substituer un semblant de parité à la juste équité dans la nomination des cadres et acteurs socioéconomiques du pays est un consensus frauduleux enté sur une sourde volonté d'injustice et de division nationale. Les partenaires au développement et les partenaires financiers du Bénin qui soutiennent les yeux fermés ce type de politique en contradiction avec la rationalité légale et éthique font délibérément le lit des conflits ethniques qui secouent régulièrement l'Afrique et dont ils sont les premiers à déplorer la multiplication endémique. À l’instar du déficit démographique, on ne peut lutter contre le déficit sociologique d’une région avec une politique de nomination régionaliste. Pour lutter contre le déficit sociologique d'une région, une politique de discrimination positive est tout à fait compréhensible ; mais loin de se cacher derrière le consensus frauduleux d’une dichotomie régionale arbitraire, elle doit faire preuve de vision, se fonder sur l'équité et non sur le mythe d'une parité ethnique que rien ne justifie.
Prof. Boubacar Allassane
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