«Ainsi au niveau du Prd, deux portefeuilles reviendraient à l’Ouémé Sud c’est à dire Sèmé Podji, Porto Novo, Adjarra et Avrankou. La vallée de l’Ouémé c’est à dire Missérété, Adjohoun, Dangbo, Bonou et les Aguégués auront également deux des leurs représentants au prochain gouvernement. Le dernier portefeuille du Prd irait soit à Cotonou, soit au Plateau de l’Ouémé et probablement à un natif de Pobè. Une répartition géographique qui fait dire à certaines personnes que, Me Adrien Houngbédji est décidé à reconquérir ses fiefs originels….» Combien de fois n’a-t-on lu sous la plume des élucubrateurs de la presse béninoise ce genre de spéculations et de vaticination sur la formation d’un gouvernement. Mais élucubrer ne veut pas dire n’être pas dans le vrai. Chez nous, les Ministres sont choisis en fonction de leur origine ethnique ou régionale avant toute chose. C’est une évidence indiscutable. C’est à se demander à quoi servent les députés, ou si le gouvernement est une sorte de chambre bis de représentants. Dans les grandes démocratie économiquement développées où la politique se base sur des idées et les hommes politiques inspirés par elles cultivent leurs sensibilités sous ce rapport, les critères ethniques ou régionalistes, même si ils existent – ne serait-ce par exemple dans le soin que l’on met à assurer la diversité – sont marginaux et loin d’être la motivation essentielle encore moins le fil conducteur de la formation d’un gouvernement tel que le révèle le passage ci-dessus. D’une certaine manière chaque société et chaque culture en fonction de ses spécificités et de son niveau de développement socio-économique aborde et applique la démocratie comme elle le peut. C’est vrai aussi que dans son principe la démocratie est basée sur des règles mais aussi sur la qualité de citoyen. Cette qualité suppose, entre autres choses, un niveau d’éducation correct ; une conscience de ses droits et de ses devoirs, une connaissance des enjeux et des rapports de force. Mais comme le Bénin est un pays colonisé par la France et que nous a été imposée la langue du colonisateur comme langue officielle, alors la grande majorité de fait apparaît comme analphabète et inapte à saisir les subtilités des échanges d’information lettrés qui ont cours dans l’espace officiel. Cette inaptitude étant due surtout à l’effet conjugué de l’aliénation linguistique et de l’indigence culturelle. Le sous-développement est aussi un facteur de l’indigence des niveaux d’éducation. Puisqu’elle conduit la culture lettrée dans le meilleur des cas à être dispensée dans une langue étrangère et surtout à se limiter à un maigre programme scolaire ou universitaire orienté vers la seule obtention de diplômes. Or la langue, la culture, la représentation du monde, l’éducation, le savoir, sont des choses de l’esprit qui forment un tout vivant et en perpétuelle évolution. De ce point de vue, même un diplômé originaire d’un pays africain, tous ces |
gens qui se disent docteurs en ceci ou professeurs en cela, sont souvent incultes comparés à leurs homologues occidentaux, dont la culture, l’éducation, la formation universitaire s’insère dans un système symbolique cohérent et vivant. C’est pour cela que dans l’espace francophone, il n’est pas rare d’entendre ceux qui sont censés être nos plus grands lettrés ou intellectuels passer leur temps, lorsqu’il veulent faire assaut d’érudition, à balancer telle phrase de Victor Hugo, ou de La Fontaine, parce qu’ils ne vivent que sur les reliques des récitations inculquées à l’école, comme si le savoir poétique et littéraire était figée dans un marbre antique. Il est clair qu’au Bénin, comme en Afrique, la part des idées dans la politique est marginale et, le cas échéant, ces idées restent rudimentaires. En revanche la part du sentiment identitaire est quasi exclusive. D’où l’hégémonie du tribalisme, et du régionalisme. Même sous les gesticulations formelles de la Démocratie de façade qui fait rage dans nos contrées. Tout ceci nous conduit à considérer comme normal ce genre de cuisine ethnique qui sous-tend la formation du gouvernent au Bénin. Les partis sont ethniques ou régionales, et donc lorsque l’occasion leur est donnée d’entrer au gouvernement, ils restent cohérents à leur principe génétique et déroulent dans leur ramifications structurées les divers motifs ethniques de leur tissu régionaliste. Tout cela est normal car la politique au Bénin, comme dans la plupart des pays africains, loin d’être inspirée par les idées est animée par le régionalisme. La seule chose qui n’est pas normale ou qui reste une énigme au Benin, est : pourquoi, en dépit de ce régionalisme, depuis 50 ans, c’est la région la moins peuplée qui remporte les élections ? Prof. Ajao Bolaji |
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