Comme il le fait depuis qu'il est à la tête du pays, M. Yayi vient de procéder à des nominations frappées au coin du fumet régionaliste. Nomination ou choix de symboles nationaux sont de plus en plus dénués de pertinence : M. Yayi a opté pour un militantisme régionaliste qui ne fait pas de quartier à la réalité sociologique du pays. Qu'il y ait 40 % de citoyens du Nord et 60 % de citoyens du Sud dans le pays en termes démographiques, peut lui chaut. Pire encore, que d'un point de vue sociologique, le partage des eaux soit plus sévèrement encore au détriment du Nord n'est pas son affaire. Au contraire, avec une bonne conscience déconcertante, il pense que les nominations doivent viser à corriger la réalité sociologique, comme si elle eût été le fait d'une main invisible ou la volonté d'un démiurge malfaisant. Il n'est un secret pour personne, en termes de rapport d'éducation, les bacheliers, les licenciés, etc sont bien plus du sud que du Nord. Et quand on en vient à ce ratio, ainsi qu’à d’autres indicateurs de l’avancement socioéconomique, on décroche bien plus du 40/60 démographique pour aller vers un 25/75 plus sociologique. Mais pour M Yayi, peu importe, s'il faut nommer 100 Béninois, il s'arrangera toujours pour nommer sinon autant de gens du sud que de gens du Nord, du moins, souvent, comme il vient de le faire dans l’armée, bien plus de nordistes que de sudistes ! Pourquoi ne continue-t-il pas dans la même lancée en appliquant la parité des sexes ? Après tout contrairement au ration démographique entre le Nord et le Sud, le ratio des sexes est de l’ordre de 50/50. Pourquoi alors ne nomme-t-il pas autant de femmes que d’hommes ? Parce qu’il sait que la parité n’est pas soutenable sociologiquement ; et que son inspiration loin d’être éthique est purement politicienne et relève, dans un dualisme délirant, de la volonté délibérée de jouer une partie du pays contre l’autre ; accréditant ainsi l’idée que quand on est au pouvoir c’est pour avantager ses frères, ses enfants, sa famille, ses cousins, son village, sa commune, sa tribu, son ethnie, et sa région : cela s’appelle ni plus ni moins du régionalisme !
Cette politique régionaliste commence à devenir grossière et écoeurante. Et les gens du sud qui, pour leurs intérêts égoïstes, ont aidé M. Yayi --comme ils l'ont fait à M. Kérékou--à prendre et conserver le pouvoir, doivent se rendre à l'évidence de l'injustice qu'ils contribuent à infliger à leurs semblables, et à tout le pays. Juste à titre d'exemple purement aléatoire, considérons les nominations qui viennent d'être ourdies dans l'armée--oui car il s'agit d'un vrai complot ethnique--on voit qu'il s'agit d'une horde de nordistes avec des noms qui ne ressemblent pas à ceux de la moyenne des Béninois, et on se demande d'où sortent ces personnes nommées : de terre ou de mer ? Et les quelques sudistes dont les noms résonnent de-ci de-là parmi eux ne sont là que pour faire de la figuration, de la diversion : des comparses ou des trompe-l’œil.
|
|
Cette dérive de la vigilance régionaliste assénée au plus haut niveau de l'État avec constance et cynisme en dit long sur l'utilisation de la politique à des fins alimentaires. Mais elle inquiète aussi dans ses conséquences socio-économiques sur la qualité des gens nommés et leurs performances ultimes. Que voulez-vous qu'advienne du rendement ou de l’action d'un homme médiocre qui n’est nommé que parce qu'il provient d'une région donnée, d'une ethnie donnée, voire même d'une secte religieuse donnée ? On détient là quelques-unes des causes de l'arriération intellectuelle, socioculturelle et économique du Bénin, non seulement depuis six ans que M. Yayi trône à la tête du pays mais depuis quasiment 50 ans où ceux qui accèdent au pouvoir présidentiel le font au nom d'une d'appartenance à une région, et avec un aveuglement déconcertant, s'enferment dans le népotisme et le régionalisme qu’ils considèrent comme légitimes. Heureusement que les vrais talents n'ont pas besoin d'être nommés ! Lorsqu'il s'agit de compter par exemple les écrivains, les sportifs de haut niveau, les chanteurs, les créateurs, les artistes, les représentants du Bénin dans les compétitions de l'esprit à l'échelle internationale, les grands universitaires alors les noms qu'on entend nous mettent le coeur en joie ; parce qu'ils ressemblent un peu plus à ceux de la moyenne sinon de la majorité des Béninois et cela est infiniment plus rassurant. Car quel que soit l'objectif d'une discrimination positive régionaliste on ne voit pas pourquoi elle se ferait au mépris de ce qu'est la moyenne des gens…
Aminou Balogun
|
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.