Sénégal : Pourquoi Wade a Fait Profil Bas

Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur…:

Un Couteau sans Manche ni Lame

L'aventure finale de M. Abdoulaye Wade montre si besoin en est comment fonctionne ce qu'on appelle démocratie en Afrique ; comment les élections sont gagnées ou perdues en fonction de décrets venus d'en haut ou de l’extérieur, qui planent sur les voix du peuple d’en bas et de l’intérieur. Abdoulaye Wade avait posé un certain nombre d'actes qui montrent très bien sa volonté de puissance. Au regard de cette série d’actes, son échec, rétrospectivement, paraît pour le moins absurde. C’est qu’il avait, par aveuglement, sous-estimé un certain nombre de paramètres. Au premier rang desquels, la réaction de la jeunesse sénégalaise ouverte et poreuse aux influences du monde ; deuxièmement, le contexte international porté aux révolutions plus ou moins aidées par l'Occident bien-pensant, et surtout bien intéressé. Abdoulaye Wade avait aussi sous-estimé l'absurdité de l'avancée de son âge, aveuglé qu'il était sans doute par le discours de la spécificité culturelle qui voudrait qu'en Afrique plus on est vieux, plus on a de la valeur. Enfin, Wade n'a pas tenu compte du précédent de Gbagbo que la France sans vergogne ni scrupule à détrôné et remplacé par un pantin à sa solde. Ce dernier coup de force de la France dans une nation africaine théoriquement indépendante reste sur la conscience des Africains et aux yeux du monde comme une ingérence autoritaire scandaleuse et profondément choquante. Les occidentaux ont beau jouer avec les « révolutions arabes », il arrive un moment où ils ne pourront plus les contrôler. Et les attendus sur lesquels la jeunesse sénégalaise était remontée contre son vieux président étaient d'une telle clarté que l'Occident, la Françafrique ne pouvait cautionner ses caprices

crépusculaires sans pousser le peuple sénégalais à la révolte. Car alors cette injustice faite à la conscience africaine par les traitements injustes et humiliants infligés à Gbagbo et Kadhafi, violence subie dans la résignation, trouverait avec une éventuelle caution apportée aux velléités de M. Wade un exutoire irrémédiable.Voici pourquoi Abdoulaye Wade et la Françafrique ont préféré faire profil bas. Après avoir mis en marche le rêve éculé de leur toute-puissance capricieuse, face à la réalité qui menaçait de mettre à nu leurs abus dans une explosion qui ferait voler en éclats le système de leur pouvoir escroc, ils ont compris qu'ils avaient tout intérêt à faire marche arrière sur ce coup-là. Quoi qu'il en soit, la victoire de M. Macky Sall qui, comme il l’a dit lui-même, est d'abord celle du peuple sénégalais et de sa jeunesse combattante, montre si besoin en est comment en Afrique, les victoires comme les échecs électoraux sont toujours l'objet d'un décret arbitraire qui n'a rien à voir avec les voix du peuple. Ce qui donne tout son sens au concept spécifiquement africain d'une démocratie sans peuple, comme un couteau sans manche ni lame. Éloi Goutchili