Souvent, lorsque les tyrans poursuivent un journaliste, en jouant la vertu offensée, c'est que les révélations du journaliste sont vraies à ceci près qu'il n'était pas censé le savoir, encore moins la proclamer. Et ce qui indigne le tyran, la raison pour laquelle il n'a de cesse de punir le téméraire journaliste, c'est que celui-ci n'était pas censé savoir cette vérité, et peut-être même ne dispose pas des preuves de ce qu'il avance quand bien même il s'agirait de la pure vérité. Le tyran s'étrangle de colère et poursuit le journaliste non pas tant sur la valeur de vérité de ses affirmations que sur sa capacité à en administrer la preuve, ou sur l’audace et l’impertinence qu’il s’est permis de dévoiler un fait supposé à jamais celé sous le sceau de sa suprême autorité. Il y a là sous-jacent une question éthique et de mauvaise foi. Exemple ce n'était pas tant qu'un appartement, dans la réalité, n'eût été acquis à Paris dans les conditions de propriété insinuées par un blogueur béninois intrépide. Non le tort de ce compatriote aux yeux du tyran était que ce blogueur n'était pas censé savoir ce qu'il insinuait, qu'il n'en avait pas les preuves. Et cela seul suffisait pour le déférer devant un tribunal parisien et jouer la comédie du chef d'État offensé parce que innocent de ce dont on l'accuse, un de ces crimes ordinaires que commettent les présidents Françafricains, à savoir détourner les deniers publics pour les transformer en biens meubles et immobilier dans les capitales dorées des anciennes puissances coloniales et actuellement néocoloniales de leur pays. Même chose lorsque des journalistes sont récemment révoqués de leurs fonctions, interdits de faire leur métier et poussés à prendre la fuite pour préserver leur vie en danger ; là aussi, ce n'est pas tant que certains présidents ou chefs d'État ouest-africains francophones--à commencer par celui bizarre qui s'imposa à eux lors des élections d'avril 2011 dans un douteux chaos/K-O. infernal-ne soient en vérité mal élus, comme l'affirmaient à juste titre les journalistes mis
|
|
en cause par un aréopage fantaisiste de mollahs à la solde du pouvoir, mais parce que les pauvres journalistes ne devaient pas dire à la face du monde, réveiller la dormante conscience d'une vérité que le tyran fantasmait de voir s'étioler, s'estomper ou dont l'oubli se naturaliserait à force de n'avoir plus personne pour les évoquer ou y faire référence.
C’est donc plus pour des raisons de forme que des raisons de fond que le Tyran poursuit le journaliste, l’émascule socialement, le persécute, le fait massacrer ou le déclare persona non grata dans son propre pays. Car son honneur, qui est la seule chose qui l’obsède n’est qu’un honneur de façade ; construit dans le présent de toute pièce pour nourrir les exigences mégalomaniaques de sa bonne conscience autoérotique, cet honneur usurpé et imaginaire ne résistera pas à l'usure du temps !
Éloi Goutchili
|
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.