Curieusement – fort triste curiosité tout de même – on a vu les Nigérians se mobiliser massivement dans les villes, les préfectures et les Etats de la Fédération en réaction à la suppression de la subvention sur le pétrole décidée par le gouvernement le 1er janvier 2012.
Mais depuis que Boko Haram terrorise le pays, assassinant, semant le chaos de jour comme de nuit, fauchant des vies innocentes, s’en prenant aux chrétiens originaires du Sud ( euphémisme commode pour dire Ibo) dans une espèce de remake des pogroms qui ont précédé l’historique guerre de sécession dont les atrocités sont encore vivaces dans les mémoires ; depuis que l’intolérance ethno-religieuse d’inspiration islamiste provoque des heurts ethniques et des massacres à grande échelle de façon récurrente à Jos, et ailleurs ; et que dans le même esprit l’intolérance régionaliste a pris une tournure dramatique lors des dernières élections présidentielles où les militants nordistes, déçus de l’échec de leur candidat, ont déclenché une violente émeute qui s’est soldée par plus de 500 victimes sans compter les destructions ou incendies de biens, meubles et immeubles ainsi que la dégradation de l’environnement socio-urbain ; sachant que derrière la phraséologie pseudo-idéologique d’une secte qui prétend faire le bonheur des Nigérians en autarcie culturelle et religieuse se cache la même intolérance régionaliste qui informe le refus constant des Nordistes d’accepter un président autre que nordiste et musulman ; depuis et malgré toutes ces horreurs meurtrières successives et répétitives, aveugles et inhumaines les organisations syndicales et de la société civile en général, les
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forces vives du pays, les partis politiques, aucune de ces parties de la société politique n’a jugé utile, nécessaire et signifiant de descendre massivement dans la rue pour manifester contre cette culture d’intolérance et de mort qui mine la société nigériane et met en cause son unité sinon son existence. Mais il a suffi que la subvention sur le pétrole soit supprimée pour que tout ce beau monde se mette en branle. Les morts et destructions que causent de façon chronique le terrorisme islamiste ou l’intolérance ethnique sont-elles si théoriques et si éthérées qu’elles ne signifient rien au peuple et à la société démocratique du Nigéria , là où l’augmentation du prix du pétrole prend la forme d’une cause concrète qui métrite qu’on proteste pour elle ? Et pourtant, la santé d’une démocratie et sa vraie grandeur résident moins dans les revendications égoïstes ou corporatistes que dans la capacité à se battre pour des idées, à commencer par celle du respect de la vie humaine
Éloi Goutchili
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