Premiers constats à propos de la suppression de la subvention sur le pétrole par Goodluck Ebele Jonathan. Le Nigéria étant un pays multi-ethnique divisé grossièrement en trois grandes régions : le sud-est, le sud-ouest et le nord ; et affecté par la démarcation dualiste Nord/Sud, censée traduire mais de manière là aussi grossière la dualité religieuse musulman/chrétien ; le constat qu'on peut faire ici concerne l'attitude mais surtout les réactions à la suppression de la subvention sur le pétrole. Le sud-est semble globalement favorable à cette mesure, ou dans le pire des cas ne dit rien et dans le meilleur des cas apporte son soutien ferme et déterminé
Le Nord dans le pire des cas s'oppose mais souvent mollement, se tait par endroits où exprime son soutien comme à Kano. Le sud-ouest est quant à lui contre, il s'agite, s'oppose et la plupart de ses représentants n'ont pas de mots assez durs, voire violents pour fustiger la décision promettant de l'abolir par tous les moyens y compris par la force, selon la psychologie de l'agidi propre aux Yoruba. Toutes sortes de personnalités politiques, syndicales, associatives, médiatiques et du showbiz participent à la protestation. Lagos, la capitale économique du pays qui est aussi la plus grande ville du sud-ouest est au coeur des manifestations et c'est le lieu où elles se font le plus spectaculaire, le plus pathétique, le plus violent, le plus spasmodique et le plus désespéré. Il ne s'agit là que d'un constat dans un survol rapide des réactions à la suppression de la subvention sur le pétrole décidé par Goodluck Ebele Jonathan. Ce constat des réactions après la suppression effective de la subvention est en cohérence avec la tonalité de la noria des réactions persistantes qui, des mois durant, avaient déjà marqué son annonce. Toutefois de ce constat, on peut déduire que ceux qui ressentent le plus la suppression de la subvention, comme qui dirait dans leur chair, sont les Yoruba, et plus généralement les populations du sud-ouest centré autour de Lagos ; les habitants de Lagos en premier lieu car Lagos est aussi la capitale de cette culture de la voiture que le nigérian à érigée à un niveau d’hubris, de frénésie et de dépendance absurde. Les Nigérians qui ont basculé de la civilisation agraire et de la mobilité naturelle à celle de l'automobile grâce à l'accessibilité du pétrole, protestent contre la suppression de la subvention comme sous d'autres cieux on proteste contre l'augmentation du prix du pain. Les Ibos, Ijaws et autres peuples du sud-est font quant à eux bloc derrière le gouvernement et le président Goodluck Ebele Jonathan selon une
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logique disciplinaire régionaliste et ethnique classique. Mais on peut aussi comprendre qu'ils sont en phase avec la suppression dans la mesure où ils ne voient pas d'un bon oeil que le pétrole tiré de leur région, soit distribué à tous théoriquement, mais en réalité à un lobby pro-subvention qui nourrit la corruption, et dont le centre de gravité est situé dans le sud-ouest. Au contraire ils préféreraient que ces milliards de nairas servant à la subvention du pétrole aillent plutôt vers la mise en chantier des infrastructures susceptibles de stimuler la politique industrielle et de créer des emplois dans tout le pays à commencer par leur propre région. Enfin il semble que les nordistes qui ne bénéficient pas de la plus grosse partie des subventions ou des revenus du pétrole voient ce débat d'un l'oeil lointain. L'idée des promesses inhérentes à la suppression de la subvention, en termes d'infrastructures et de création d'emplois dont leur région a le plus grand besoin ne leur déplaît pas. S'ils protestent c'est pour des raisons qui sont à l'exact opposé de celles pour lesquelles le sud-est ne proteste pas : par réflexe régionaliste et ethnique, et par opposition systématique à un gouvernement qu'ils considèrent comme “sudiste”.
Prof. Benjamin ADELEKE
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