Cotonou, le 03 Novembre 2011
Aux Responsables des Partis et Organisations Patriotiques, Démocratiques, Syndicales et de Défense des Droits de l’Homme,
Aux travailleurs, jeunes, femmes,
Au peuple du Bénin
Depuis les dernières élections présidentielles et législatives, marquées par le hold-up électoral que tout le monde sait, des événements d’une rare gravité assaillent votre vie quotidienne. Les méventes des vendeuses et vendeurs sur les marchés, la torture récurrente de la rentrée académique pour les parents avec son lot de problèmes, l’instruction détruite par les ravages dévastateurs des NPE ; les usines qui se ferment par manque de matières premières (usines textiles, usines d’huile de toutes sortes), la montée brutale des prix des produits de première nécessité suite à la mise en scelle du fameux Programme de Vérification des Importations et la misère que cela entraîne pour l’immense majorité de la population, le chômage qui frappe l’ensemble de la jeunesse, les multiples brimades du soldat, la diplomatie en panne, etc. tout cela est connu. Et vos plaintes provenant des marchés, des ateliers, des champs, des bureaux, des amphithéâtres, des casernes, résonnent de toutes parts et me parviennent.
Mais ce qui est plus notable encore depuis le dernier hold-up, c’est l’escalade dans laquelle se lance le pouvoir de YAYI Boni pour l’instauration d’une tyrannie à la Ben Ali ou à la Eyadema Père. C’est l’attaque frontale contre les libertés fondamentales qui font jusqu’à maintenant la fierté du peuple béninois et l’adoption par le régime d’une panoplie de lois à caractère autocratique.
Tel est le sujet dont je veux vous entretenir aujourd’hui.
Dans une adresse aux Députés en date du 27 Septembre 2011, j’écrivais : « Depuis quelque temps, une avalanche de projets ou propositions de lois sont déposés devant vous à l’Assemblée nationale pour être votées. La caractéristique commune de ces projets et propositions de lois c’est la restriction sinon la liquidation des libertés fondamentales, acquis des combats populaires de l’année 1989 et consacrés par la Conférence nationale. Il s’établit comme une conjonction des actions les unes provenant du gouvernement les autres provenant de la majorité présidentielle au parlement. Toutes n’ayant qu’un seul objectif : museler le peuple et le retourner à la période du despotisme obscur de Kérékou-PRPB ». Sur cette lancée, après l’adoption de la loi portant interdiction de la grève aux douaniers et autres policiers, c’est la proposition de loi référendaire qui vient d’être faite et bientôt ce sera la loi sur la grève en fait une loi anti-grève, c’est-à-dire celle portant interdiction pratique de la grève à l’ensemble des travailleurs.
A ce propos, la dernière décision de la Cour Constitutionnelle, la décision DCC 11-067 du 20 Octobre 2011 par laquelle la Cour constitutionnelle a jugé de la conformité de la loi organique portant conditions de recours au référendum, constitue un jalon qui sonne comme un couronnement du complot consistant à mettre complètement le bâillon à notre peuple.
Cette décision est annoncée dans des journaux du lundi 25 Octobre 2011 avec force commentaires élogieux. « La Cour affiche son indépendance vis-à-vis de YAYI » (Le Matinal). « La Cour déjoue les partisans de YAYI » ; « La Cour envoie un signal fort à la majorité présidentielle au Parlement », etc. Autant d’écrits qui soit soulignent l’ignorance des auteurs dans le domaine, soit sont commandités par ceux-là même qui ont intérêt à un maquillage de ce machin qui a commis tant de crimes contre la démocratie béninoise et le peuple béninois.
Examinons un peu la fameuse décision. En dehors des ajouts à la Loi référendaire qui sont autant de réécritures du texte de loi, l’élément essentiel qui fait l’objet de flot d’éloges médiatique est le rejet de l’article 6 de la loi votée, le déclarant contraire à la Constitution et le reformulant. Je cite : « Considérant que l’examen de la loi fait ressortir que l’article 6 est contraire à la Constitution en ce qu’il ne cite pas toutes les options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990 et qui sont reprises par les articles 42, 44 et 54 de la Constitution ; qu’il s’agit du nombre de mandats présidentiels, de la limitation d’âge pour les candidats à l’élection présidentielle et de la nature présidentielle du régime politique dans notre pays ; que l’article 6 doit donc être reformulé comme suit :
« Ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum les options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990, à savoir :
- la forme républicaine et la laïcité de l’Etat
- l’atteinte à l’intégrité du territoire national
- le mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une seule fois
- la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle ;
- le type présidentiel du régime politique au Bénin » (Souligné dans le texte)
Une telle décision soulève les questionnements suivants :
1°- La Constitution du Bénin est-elle restée muette sur les questions ne pouvant faire l’objet de révision ? Certainement non. Elle a été formelle. Elle en traite à l’article 156 qui dispose : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision ». D’où la Cour de Dossou-Holo a-t-elle tiré les autres éléments non susceptibles de révision tels que : - le mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une seule fois, - la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle, - le type présidentiel du régime politique au Bénin ? De son imaginaire. Même la question de l’intégrité territoriale n’est pas une question posée dans les termes tels orientés par la décision de la Cour. La question de l’intégrité territoriale ne se pose que comme condition du moment de non révision de la Constitution et est à rattacher à une annexion du territoire national par une action militaire étrangère. Ce qui est dit dans la Constitution, c’est qu’on ne saurait engager une révision constitutionnelle lorsqu’une partie du territoire national est occupée par des forces étrangères. Les cas de cession ou de gain de territoire par accord de délimitation de frontière entre le Bénin et ses voisins par exemple n’est pas à envisager ici tout comme la perte par le Bénin de l’Ile de Lété devant la CIJ n’est pas une question constitutionnelle.
D’où la Cour de Dossou-Holo est-elle donc allée chercher ces autres éléments ? Des « options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990 et qui sont reprises par les articles 42, 44 et 54 de la Constitution ». Or parmi ces fameux éléments « d’options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990», on en trouve qui n’ont jamais été évoqués à la Conférence Nationale et qui n’ont été introduits que plus tard avec le Haut Conseil de la République (HCR). Certains de ces éléments surajoutés tel par exemple la question des conditions d’âge de 40 ans et de 70 ans, ont fait l’objet de polémique au point où le HCR a dû introduire une troisième question entre le « oui » et le « non » avec le « oui mais » au référendum constitutionnel. En quoi la question du régime présidentiel, celle de l’âge pour être candidat aux élections présidentielles, celle du mandat présidentiel, par exemple sont-elles des questions non révisables par le peuple ? La France qui a adopté un régime parlementaire en 1958 ne l’a-t-elle pas modifié par référendum en régime semi-présidentiel en 1962 ? Et récemment n’a-t-elle pas modifié par révision constitutionnelle la durée du mandat de 7 ans à 5 ans ?
Première conclusion : La Cour de Dossou-Holo qui n’est qu’un organe de la Constitution, se met au-dessus de celle-ci, use du faux pour la réécrire à sa manière.
2°- Où se trouve la souveraineté dans l’Etat ? Tout étudiant de première année de droit sait que la souveraineté dans l’Etat appartient au peuple et qui est de ce fait appelé « le constituant originaire ». Le peuple peut déléguer l’exercice de cette souveraineté au parlement qui est ainsi appelé « constituant dérivé ». L’article 4 de la Constitution exprime cette situation de la manière suivante : « Le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum… », étant entendu que la question du soulèvement populaire qui a permis l’avènement de la Constitution actuelle demeure. Et si la Cour constitutionnelle met déjà une bride au constituant originaire, cela va de soi pour le constituant dérivé qu’est le parlement et une révision par voie parlementaire sera soumise aux mêmes limites.
Or selon le principe démocratique et républicain exprimé par l’article 4 ci-dessus cité, aucune limite, aucune bride, aucune muselière, ne peut être mise au peuple dans l’exercice de cette souveraineté. Le peuple doit être libre de réviser toutes dispositions lui permettant l’exercice de ce droit de souverain. Il est ainsi entendu que les deux éléments exclus de révision aux termes de l’article 156 à savoir « La forme républicaine et la laïcité de l’Etat » sont consubstantiels à l’exercice par le peuple de la souveraineté ; car dans une royauté par exemple, la souveraineté appartient au Monarque et non au peuple. En dehors de ces deux éléments il ne peut exister aucune limite au peuple.
Deuxième conclusion : En élargissant les domaines exclus de révision, la Cour de Dossou-Holo, qui s’est déjà arrogé l’exercice de la souveraineté déléguée au parlement (en se substituant à la représentation nationale dans son rôle législatif), vient ainsi de s’arroger enfin à son profit la souveraineté du peuple au détriment du peuple.
De ce fait, le Professeur agrégé de droit privé, Joseph DJOGBENOU qui trouve « rassurante » une telle décision qualifiée par lui de « sage » et de « passerelle entre le peuple et la conférence nationale des forces vives de la nation » tombe consciemment ou inconsciemment dans le jeu des comploteurs. Un organe de la Constitution qui usurpe la souveraineté du peuple en lui définissant des limites extraconstitutionnelles de cette souveraineté ? Voilà la triste réalité à la quelle le peuple est confronté. La démarche anti-peuple de la Cour est d’une duplicité diabolique. Le peuple veut le départ de YAYI Boni et pense que la Constitution actuelle lui garantit son départ au plus tard en 2016. Un référendum sur la révision de la Constitution comportant explicitement des éléments susceptibles de permettre un retour du nouvel autocrate en 2016 aurait du mal à passer. Alors la Cour organise une ruse qui dépouille le peuple de sa souveraineté en faisant croire qu’elle défend ce peuple. Le Président YAYI Boni a toujours clamé sa volonté de ne pas réviser les articles 42 et 44 de notre Constitution. De ce point de vue, la Cour ne dit pas autre chose. Mais cela peut-il empêcher le camp YAYI Boni, de déclarer après adoption de la révision par référendum (ou par voie parlementaire) que nous nous trouvons devant une Nouvelle République « refondée » et de ce fait qu’on remet les pendules à zéro pour se donner les moyens de refaire un double mandat de cinq ans (après 2016) ? Et ce avec la bénédiction de cette même Cour !? Les exemples de Wade, de Compaoré, de Biya etc. ne sont-ils pas là pour nous inspirer ? Les Dossou Robert et Holo Théodore qui ont fabriqué de toutes pièces YAYI Boni II ont partie liée avec celui-ci et attendent sûrement le renvoi de l’ascenseur pour un deuxième mandat à la tête de cette Cour en 2013. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que les députés de la majorité mécanique pro-Yayi au Parlement ont applaudi des deux mains la décision constitutionnelle. Le partage des rôles est parfait.
Par l’adoption de la loi référendaire qui arrache au citoyen à titre individuel ou organisé avec d’autres en diverses associations diverses telles les ONG, le droit de participer à la campagne référendaire censée porter sur des questions existentielles de l’Etat, qui soumet à autorisation préalable une liberté inscrite à l’article 5 de la Constitution d’une part, et d’autre part la révision constitutionnelle, la boucle est faite. Le peuple est dépouillé de sa souveraineté et la nouvelle Constitution (adoptée par référendum avec une LEPI truquée, ou par voie parlementaire) sera la copie conforme de la Loi Fondamentale de Kérékou-PRPB avec seulement en moins un Parti-Etat et un Comité Central qui contrôlent l’Etat. Nous voilà en plein dans une nouvelle autocratie.
Ainsi désormais est fermée aux travailleurs et aux peuples, toute voie formellement prescrite par la Constitution pour la démocratie et le développement au Bénin. Il ne sera désormais resté que la voie révolutionnaire à laquelle nous contraint le pouvoir de YAYI Boni et qui est singulièrement remise en valeur et au goût du jour au niveau planétaire par les exemples tunisien et égyptien.
Responsables des Organisations Patriotiques, Démocratiques, Syndicales et de Défense des Droits de l’Homme, travailleurs, jeunes, femmes du Bénin,
Depuis le k-o électoral de mars, bon nombre de Béninois se trouvent comme dans un état second, sonnés par la violence du coup qu’ils viennent de recevoir. Et on entend : « Comment ! Qu’est-ce qui nous arrive ? Le Béninois devient comme tous les citoyens des autres pays qui croupissent sous les autocraties. On n’a plus de jeunesse courageuse. Il faut retourner vers les années 1985-90 où des jeunes héros étaient prêts à affronter même la mort pour battre l’autocratie etc. ». Oui, je vous entends bien.
C’est dans ce sens que dans une déclaration en date du 03 Octobre 2011, mon parti a appelé les travailleurs et les Peuples à « approfondir la réflexion et le mouvement global pour vous donner les moyens de battre par la force la nouvelle autocratie, celle de Boni YAYI. Voilà où nous en sommes aujourd’hui et voilà le défi. Le défi à relever par tous les travailleurs et les peuples. Vous en êtes capables ».
J’ai en effet confiance. Je fais confiance à mon vaillant peuple qui a pu réaliser le grand mouvement populaire du 11 décembre 1989 ayant abouti au renversement du pouvoir honni de Kérékou-PRPB, ce peuple qui a pu résister à des avatars de l’histoire séculaire de notre pays.
Le dernier colloque tenu sous l’initiative de mon Parti avec votre massive et enthousiaste participation et dont le thème a porté sur « La gestion du bien public et l’avenir du Bénin » a été la preuve que les forces patriotiques et démocratiques de ce pays peuvent se battre et vaincre tous les criminels économiques et politiques. Les deux crimes étant souvent indissolublement liés. Car si le pouvoir de YAYI Boni recourt à la dictature autocratique c’est pour tenter d’endiguer toutes protestations contre les atteintes grossières au bien public dont il est coupable.
Voilà pourquoi, Responsables des Partis et Organisations Patriotiques, Démocratiques, Syndicales et de Défense des Droits de l’Homme, vous ne devez jamais céder au découragement et au défaitisme. Je vous appelle à une union patriotique pour relever le défi de la mauvaise gouvernance, de la dictature et pour bâtir un pays émancipé. Je vous convie à élever un rempart infranchissable contre la vague fascisante de la « Refondation ».
A vous les jeunes, vous devez faire vôtre cette expression de Danton, révolutionnaire français : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » pour conjurer le mauvais sort que vous tisse le pouvoir corrompu et dictatorial de YAYI Boni. L’avenir du pays en dépend. Votre avenir en dépend.
A vous tous, Travailleurs de toutes catégories, jeunes, femmes, le pays est complètement détruit et ce, quel que soit le compartiment auquel on se réfère. Pour le reconstruire, il faut des sacrifices car des jours difficiles nous attendent. Tous les démocrates, tous les patriotes y sont conviés. Chacun doit y aller de ses forces et moyens. La plus petite contribution sera la bienvenue dans la marée des tâches à accomplir pour l’émancipation de ce pays. Et à l’heure du bilan, chacun pourra dire avec la satisfaction du devoir bien accompli : « J’y étais ».
En avant nous vaincrons !
Philippe NOUDJENOUME
Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin.
PARTI COMMUNISTE DU BENIN (P.C.B)01 B.P. 2582 Recette Principale Cotonou (Rép. du Bénin) Tél. :21 30 03 22/97 98 35 65 – Site : www.la-flamme.org |
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