Les douaniers béninois sont en lutte pour préserver leurs droits au premier rang desquels celui de faire grève. Alors qu'une jurisprudence établie par la Cour constitutionnelle leur reconnaît et affirme ce droit, le gouvernement actuel est engagé dans un bras de fer visant à supprimer ce droit. La méthode utilisée est inspirée par une volonté totalitaire et autoritaire. Au lieu de négocier avec les douaniers sur les questions précises et spécifiques qui motivent leur mouvement, le gouvernement, dans une surenchère hargneuse et fidèle à sa méthode du fait accompli, fait voter à l'Assemblée la suppression du droit de grève des douaniers, assimilés pour lors aux Forces Armées. Cette attitude abjecte du gouvernement est antidémocratique et suinte d'un autoritarisme pour le moins inique. Le refus de discuter de revendications spécifiques doit-il conduire à la suppression du droit de revendication ? Après avoir épuisé les charmes du discours creux du changement qui nous a été servi tout au long de la législature précédente, est-on en train de commettre le même péché rhétorique consistant à rabattre une notion politique ouverte et dense sur une perception monomaniaque et bornée ? La nouvelle figure de la tromperie démagogique servant de fil conducteur rhétorique au régime usurpateur se résume est-elle à l'autoritarisme ? La question en filigrane ici et une question préalable : il s’agit de la légitimité des lois, non seulement au regard de leur justesse et de leur justice, non seulement au regard de l'esprit retors dans lequel elles sont amenées et menées par un gouvernement moralement aux abois mais d'abord et avant tout au regard de leur fondement politique général.
Que ce soient les lois visant le corps des douaniers ou n'importe quelle loi--qu'on songe aux lois visant la modification de la constitution sur laquelle s'acharnent depuis son élection truquée l'actuel gouvernement et son chef-- que le gouvernement conduit dans un esprit de dissension cavalière en visant comme toujours le rapport de force et le fait accompli ; dans la mesure où le gouvernement agit de manière retorse, comme si légiférer, faire de la politique c’est piéger ses adversaires et imposer sa volonté au peuple, se pose la question de la légitimité de l'Assemblée qui vote ces lois dans un tel contexte. Dans le cas d'espèce, le gouvernement s'appuie de façon polémique sur une Assemblée qui n’a rien de national et dont la légitimité est sujette à caution. Pourquoi ? Eh bien cette Assemblée est issue d'élections qui n'ont eu rien de juste et équitable dans leur tenue et résultats, et dont les contestations, comme cela a été le cas durant tout le quinquennat précédent, ont été méprisées, étouffées dans l'oeuf, cyniquement rejetées par une Cour constitutionnelle et une CENA complaisantes dont les Présidents après avoir été souvent désignés dans des conditions constitutionnellement contestables, ont été achetés sans vergogne ni scrupule à coups de milliards pour faire la seule volonté obstinée d’un gouvernement autoritaire. Ce schéma calamiteux et immoral compte au chapitre de la fraude qui a émaillé les élections de mars 2011 au Bénin et dont les preuves qui existent à foison ont été logiquement passées sous silence, déniées et rejetés par les institutions idoines chargées de les contrôler. On est donc en droit de se demander comment une Assemblée élue à travers des élections truquées au lieu d'avoir le profil bas et de rechercher le consensus dans ses actions, parce qu'elle est à la botte du pouvoir usurpateur, s'empresse-t-elle à nouveau de se mettre à danser au rythme de la même musique diabolique du gouvernement ? Mais puisque nous sommes en Afrique et que le trucage est l'ombre portée inévitable de toute élection, leur envers indécrottable, on peut estimer à juste titre que la question posée ici à quelque chose de radical ou intransigeant. Le trucage faisant partie intégrante des vices électoraux admis par la morale démocratique africaine, vices sur lesquels comptent les pouvoirs établis pour se perpétuer en enfermant les électeurs dans le piège du fait accompli, il ne saurait, dira-t-on, constituer un élément nouveau, rédhibitoire de la validité des résultats électoraux, et donc de la légitimité des élus. Mais, si le trucage passe ou peut passer allègrement la barrière de la légitimité et de l'éthique en démocratie, qu'en est-il alors du troncage ? Tout le monde sait que la liste électorale dite LEPI qui a servi dans les dernières élections au Bénin n'était pas seulement truquée mais fait plus grave, elle était tronquée ! Un gros tiers des citoyens de ce pays ont de ce fait été délibérément et sciemment privés de leurs droits constitutionnels de vote. Aucune liste n'a jamais été publiée comme l'exige la loi avant les élections parce que finalement le i du mot LEPI voulait dire Imaginaire. Cet état de choses a été reconnu par le chef de l'État lui-même, qui s'est, sur un mode irrationnel à visée populiste fendu d'une demande de pardon idiote. Cette demande de pardon étant la reconnaissance de fait du troncage, délibérés, des fraudes et de la responsabilité du pouvoir en place. Elle reconnaît le fait d’une Assemblée élue sur la base d'une liste imaginaire et tronquée et une Assemblée sinon illégitime du moins dont les actes sont susceptibles de soulever la question préalable de légitimité.
Et cette question prend tout son sens dès lors que la méthode du gouvernement qui est hélas l’âme de l’Assemblée dans un régime où tous les pouvoirs sont aux mains d'un seul homme, est tout entier basée sur le fait accompli et le refus du consensus, au motif qu'il aurait été élu. Mais comment peut-on concéder la légitimité indiscutable de lois que le gouvernement s’acharne à faire voter, à marche forcée et sans consensus par une Assemblée issue d’élections à la constitutionnalité douteuse, parce que tenues sur la base d'une liste électorale truquée et tronquée ?
Binason Avèkes
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