La Présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, candidate à sa succession, parlant à l'Institut américain pour la paix à Washington le 24 Juin 2011
L'interview qui suit a été réalisée quelques semaines avant qu’Ellen Johnson Sirleaf ait été annoncée comme l'une des trois lauréates du Prix Nobel de la Paix 2011.
La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a remporté une reconnaissance mondiale en tant que première femme élue chef d'Etat en Afrique. Maintenant en course pour sa réélection, elle a parlé à Karen Leigh de Time à son manoir présidentiel dans la capitale, Monrovia.
Pourquoi postuler pour un second mandat?
Simplement parce que nous devons nous assurer qu'il n'y ait pas une remise en cause des acquis que nous avons faits. Il nous a fallu près de cinq ans pour réparer une économie brisée, un pays brisé. Lorsque nous sommes arrivés, nous n'avions pas réalisé l'ampleur de la destruction - une économie effondrée, les institutions dysfonctionnelles, aucune discipline, des infrastructures détruites. Il nous a fallu travaillé de fond en comble - mobiliser des ressources, régler la dette, adopter de nouvelles lois, bâtir les institutions et notre capacité. Le Liberia avait besoin de passer par cette transition politique avant de vraiment décoller. Tout est en place maintenant. Nous ne pouvons pas nous permettre de remettre le pays dans les mains de quelqu'un qui manque d'expérience.
Des surprises de campagne?
La participation massive de samedi. Je savais que nous avions l'appui populaire. Mais le niveau du soutien, l'enthousiasme, a été une agréable surprise. C'était un spectacle de soutien. J'ai été très satisfait.
Aucun soucis?
Nous avons été préoccupés par certains dirigeants politiques qui menacent d’user de la violence, d'action de masse et autres incitations. Mais je pense que c'est juste des tambours de guerre. Je pense que la majorité de la population libérienne veut la paix.
Vous avez d'abord dit que vous ne serviriez qu’un mandat. Quand avez-vous décidé d'aller pour un deuxième?
J'ai continué à résister, car je crois que j'ai assez fait dans ma vie. Je pouvais me retirer sans façon et me dire « j' y ai été, je l'ai fait. » Et je me rends compte qu’il doit y avoir une transition générationnelle. Les jeunes de ce pays doivent prendre le relais. Je vais préparer nombre d'entre eux afin que, quand je ne serai plus aux commandes, ils puissent prendre le relais et assurer la continuité dans la reconstruction du pays. Mais la persuasion était si forte des partenaires, des institutions internationales, en particulier du peuple libérien.
L'éducation est-ce un grand accomplissement?
Absolument. La plupart de nos jeunes gens ont été privés d'éducation au cours des nombreuses années de conflit. Nous avons appliqué la politique de l’enseignement primaire obligatoire, et l'inscription dans les écoles publiques a été plus que doublée. Nous avons insisté sur l'éducation des filles car les filles ont été négligées depuis si longtemps. La chose la plus permanente est l’éducation. Ils peuvent voler votre voiture, ils peuvent brûler votre maison, [mais ce] que vous avez dans votre tête, personne ne peut vous l'enlever
Et le plus grand défi qui reste?
Amener les jeunes employés ... [Personnes] qui étaient des enfants soldats. Et de poursuivre notre développement infrastructurel, car vous ne pouvez industrialiser si vous n'avez pas assez de puissance et de routes.
Que dites-vous à ceux qui disent que votre sexe est la clé de votre présidence?
La question du genre est une partie importante de notre action, il n'y a aucun doute à ce sujet. Elles [les femmes] n'avaient pas voix au chapitre avant. Aujourd'hui, nous savons qu'elles nous écoutent. Les femmes analphabètes du marché ... beaucoup d'entre elles peuvent maintenant lire et écrire leurs noms. Toutes les filles savent qu'elles peuvent être n'importe quoi maintenant. Cette transformation est pour moi une des choses les plus satisfaisantes. [Avoir un président femme] envoie un signal. Les femmes simplement tout d'un coup s'animent parce qu'elles ont un modèle de rôle, parce qu'elles savent que c'est possible. Je m'attends à quelques endroits au Moyen-Orient où les femmes après avoir été contenues émergent suite à ce printemps arabe.
Votre association passée avec [l’ancien président criminel de guerre inculpé] Charles Taylor continue-t-elle de vous peser ?
Telle était la question clé, en 2005, et les électeurs l'ont rejetée parce que les électeurs savent la vérité. La contribution de Taylor a été faite [à partir] d'une institution aux Etats-Unis, dont je faisais partie. Oui, j'ai apporté une contribution personnelle. Mais comme des centaines de Libériens l’ont fait. Et dès l’instant où nous avons découvert que les motivations de Taylor étaient ce que nous savons aujourd’hui, je suis rentrée au pays, je l'ai combattu, j'ai perdu, je n'ai pas abandonné.
Qu'est-ce que vous tient éveillée la nuit?
Je travaille dur, je travaille tard, je n'ai rien sur ma conscience. Quand je vais au lit, je dors.
Envisageriez-vous un troisième mandat?
Absolument pas. Mon âge ne le permettrait pas. La Constitution l'interdit. Le peuple libérien ne le tolérerait pas. Il n’en est pas question !
Trad. Binason Avèkes
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