Ce qu'on a appelé jusqu'ici démocratie béninoise n'est en vérité qu'une oligarchie fondée sur le consensus frauduleux. On le voit bien, lors des élections la fraude est un facteur et un acteur importants de la vie politique au Bénin. Pour son entrée en scène, elle est précédée puis accompagnée d'un aréopage de conditionnement et de légitimation qui constitue le principe même du consensus frauduleux. La première idée frauduleuse est celle qui naturalise la substitution des instances de légitimation dans un régime qui se dit démocratique. On passe de la volonté du peuple à une naturalisation de la toute-puissance de l'influence de quelques faiseurs de roi nommés ou institués par on ne sait qui. La démocratie réelle a du mal à prendre place et tout se passe comme si nous étions dans un régime monarchique ou la cooptation et l'élection du monarque sont l'affaire de quelques personnes ou familles influentes qui imposent leur volonté à tous. Le Renouveau démocratique n’est renouveau que parce qu'il a balayé le régime médiocre et passablement dictatorial de Kérékou. Il a peut-être été éphémèrement démocratique à ses débuts avec l'élection de son premier président-et encore ! Mais par la suite, l'aréopage de pré-nomination et de post-nomination royales s'est constitué. D'abord il a œuvré pour punir Soglo jugé trop arrogant et peu docile-défauts qui, comme on le voit, ne sont pas incompatibles avec la bonne gouvernance ou l'intérêt du peuple. L'instrument et l'arme principaux de cet aréopage subtil de légitimation et de détournement subtil de légitimation sont la fraude et la manipulation médiatique. Ils s'acquièrent avec la corruption : souvent massive, autoritaire, impunie, aveugle et systématique. Sous ce rapport est entériné cyniquement l'objectif direct des détenteurs de pouvoir : l’accaparement des ressources nationales et la mise en réserve du peuple ; mise en réserve de l'expression de sa volonté, mais mise en réserve aussi de la jouissance effective du bien commun. Ce bien commun est mis en coupes réglées, taillé, dépecé, accaparé par une minorité de cupides sans foi ni loi sous le patronage irrationnel de l'aréopage de légitimation. Fraude, conditionnements médiatiques et corruption sont donc les trois piliers de la pseudo démocratie béninoise. Et comme l'hétéronomie de l'Afrique est telle que sa mesure et le jugement sur ce qu'elle fait sont hexogènes, le regard extérieur, souvent occidental vient ajouter à cette légitimation sa reconnaissance paternaliste et intéressée qui referme le cercle vicieux de la mise hors jeu du peuple ; le cercle vicieux de la pseudo démocratie sans peuple, de la démocratie par-dessus le peuple et du pouvoir d’une oligarchie cupide assistée de l'extérieur. Une oligarchie qui continue de mettre le peuple en réserve comme du temps colonial et dont l'exploitation cynique des ressources nationales est encore plus violente et plus stérile que ne l'était exploitation coloniale elle-même.
Ce qui s'est passé ces dernières années et qui a culminé au hold-up électoral d'avril 2011 en vérité ne dépareille pas essentiellement avec ce qui se passait dans les périodes antérieures en termes de fraudes électorales. Mais dans la forme le régime dit du changement et son aréopage de légitimation ont été confrontés à de nouveaux défis. Défis qu'ils ont relevés avec un succès apparent quoique fort discuté et essentiellement factice. Mais pour un système fondé sur le détournement et le consensus frauduleux la facticité n'est-ce pas le cours normal des choses ? Le donner à croire n'est-ce pas sa seconde nature ?
Le premier des défis auxquels était confronté le gouvernement dit du changement était celui de la fraude dont la nature a changé en raison de la mise en jeu de la LEPI. Cette LEPI, d'instrument de développement proclamé de façon grandiloquente a été transformée en un instrument redoutable de fraude par excellence. Aucune surprise à cela : en Afrique et jusqu'à nouvel ordre, le développement est synonyme de fraude au lieu du développement de la condition de vie du peuple comme cela a été et est le cas dans les grandes nations d'Europe et d'Asie. Non en Afrique, continent des Ténèbres, nous assistons plutôt au développement de la fraude qui met hors jeu le peuple, renvoyé à une condition bestiale et sans histoire. Et la dénaturation ou le détournement pervers de la LEPI-condition sine qua non du succès de la fraude-participe de cette conception sinistre et rétrograde, cynique et pathétique du développement en Afrique. Conception subtilement promue et encouragée par l'Occident qui trouve là l’occasion rêvée de perpétuer sa domination par d'autres moyens que ceux rejetés par l'histoire.
Le deuxième défi réside dans la transformation factice du paysage politique qui paraissait rendre la vie dure au pouvoir en place et hypothéquait sa volonté de se perpétuer. En effet au lieu du spectacle de division dont profitait le pouvoir lors des précédentes élections, une certaine réorganisation du paysage politique avait paru aboutir à l'union de tout ceux qui étaient contre le pouvoir dans un ensemble appelé l’UN. Dans cette nouvelle configuration, les chances de succès et de perpétuation au pouvoir du régime en place paraissaient ténues. Mais ces difficultés n'étaient qu'apparentes dans la mesure où les regroupements de surface n'avaient rien à voir avec un regroupement qui touche le peuple dans sa réalité.
En rapport avec le défi précédent, le troisième défi réside dans la lutte de légitimation entre ces appareils ainsi constitués. Il y avait d’un côté l’UN et de l'autre le pouvoir en place. Lutte d'appareils qui, à aucun moment là aussi n'a impliqué le peuple dans sa réalité. Qui a jamais eu le sentiment que l’UN, qui s'est voulu pourtant une vaste fédération de partis, ait jamais embrassé le peuple ? Quand, durant ces deux ou trois années de son éphémère aventure, a-t-il essayé de mettre en branle le peuple ? D'agir pour son unité réelle, et pour autant que les élections ont éminemment un caractère ethnique comment a-t-il essayé d'unifier et de faire retrouver la fraternité perdue entre Adja, Fon, Yorouba et autres Goun ?
Au lieu de quoi on a assisté de part et d'autre à des gesticulations de surface à des luttes d'appareils, à des doubles jeux qui ont fait déplacer le centre de gravité de l'aréopage de légitimation vers le pouvoir qui, en l'occurrence, avait la haute main sur l'argument massue que constitue l'argument financier. Pendant tout ce temps, bien sûr, comme cela a toujours été le cas depuis ce qu'on appelle le Renouveau démocratique, le peuple était laissé dans sa réserve politique et socio-économique, plus ou moins abandonné à lui-même et à ses déboires : regardez sa misère, regardez les inondations auxquelles elle est aux prises régulièrement, d'année en année, qui n'ont pas avancé d'un iota et qui, au contraire se sont aggravées ; regardez cette escroquerie qu'on appelle ICC SERVICE qui a ruiné une grande partie du peuple avec plus ou moins la complicité du gouvernement et sans que l'opposition ne fasse rendre gorge à celui-ci comme il se doit. Bref, le peuple est enfermé dans sa réserve politique et socio-économique comme du temps de la période coloniale avec la seule différence que ceux qui l’exploitent au premier chef ne sont plus des blancs ni les Européens mais des gens issus de son sang et de son sein.
La mise en réserve du peuple est donc la constante et la caractéristique permanente de la vie politique béninoise à travers ses mœurs et ses pratiques codifiées, que par un jeu de mots audacieux on a osé appeler démocratie. Cela était le cas jusqu'à l'assassinat précédé de viol brutal, non pas de la démocratie qui n'était qu’un trompe-l’œil, mais de l'idée de la démocratie à laquelle aspirait tout un peuple ; assassinat qui a été perpétré en 2011 par Yayi Boni et sa bande d'obsédés de pouvoir sans foi ni loi.
L'une des manifestations de cette mise à l'écart cynique du peuple en 2011 à résidé dans l'absence totale de débats. Durant tout le quinquennat dit du changement, la question de la liberté d'expression était critique. Le pouvoir et son chef étaient très à cheval sur la toute-puissance de la pensée unique. Tout ce qui n'allait pas dans le sens de la louange du pouvoir, de la glorification de son chef et de l'endormissement du peuple sur ses prouesses imaginaires pourtant démenties par la misère grandissante du peuple, les crises et autres escroqueries à répétition, les détournements de deniers publics, les corruptions à grande échelle, tout ce qui n'allait pas dans le sens de la démagogie et de la propagande du régime était écarté cyniquement, parfois réprimé avec violence et cynisme.. On a vu à cet égard la vigilance retorse d'une institution comme la HAAC entièrement au service du pouvoir dont elle ne se cachait pas d'être l'émanation. Mais malgré cette partialité et cette culture de la pensée unique qui dominèrent tout au long du quinquennat d'un régime qui se disait démocratique et prônait le changement, on s'attendait naïvement à ce que, à l'approche des élections, le pouvoir retrouvât un certain bon sens, fit montre d'un minimum d'ouverture, d'éthique, et de volonté de conformité avec la vérité, la justice, la liberté, la tolérance et la diversité politique au service d'un idéal de progrès pour notre nation et notre race au sens large. Au lieu de quoi, on a assisté à une étourdissante mise hors jeu du débat, un régime dont la gestion quotidienne avait été cinq années durant émaillée de fraudes, de corruptions, de gabegie et de pillages a réussi à substituer des disputes électorales inventées de toutes pièces – comment intégrer les 1 300 000 électeurs exclus de la LEPI – à substituer cette problématique adventice idiote au véritable jugement et critique sur son bilan. De même, à l'issue des élections présidentielles et législatives, la rapidité avec laquelle la famille RB dont la présidente, Rosine Soglo, fustigeait naguère le régime et son chef, la rapidité avec laquelle tout ce clan obsédé de lui-même n'a pas hésité à pactiser avec le pouvoir pourtant manifestement usurpateur, montre bien à quel point le peuple est exclu des élections de 2011. Car il va de soi que le peuple n'a pas eu son mot à dire dans ces revirements d'autant plus choquants que leur rapidité trahit leur nature préméditée. Comment peut s'expliquer la rapidité du revirement de la Renaissance du Bénin sinon par le fait que les alliances politiques ne sont pas l'expression de la volonté du peuple mais traduisent le bon vouloir de quelques-uns qui se disent chefs de parti ? Mais des partis dont l'implication dans la vie réelle et le sort du peuple, en dehors de l'exploitation des réflexes ethniques, est sujette à caution.
Au total le peuple au Bénin est et reste un prétexte et en marge de la vie politique. La démocratie est un formidable consensus frauduleux manipulé par un aréopage de légitimation habitué à faire main basse sur les maigres ressources du pays, en commensalité abjecte avec les Blancs capitalistes étrangers, exploiteurs impénitents de notre race et de nos richesses qui refusent de mettre un terme à leurs pratiques inhumains pourtant condamnées par l'histoire.
Seule une révolution radicale et éclairée pourra mettre fin à la culture de supercherie et de théâtre politique qui tourne à guichet fermé avec un peuple laissé en coulisse…
Prof. Cossi Bio Ossè
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