Le président Nicéphore Soglo est une figure contrastée de la vie politique béninoise. À cet égard, il cumule des défauts et des qualités. À l'époque de son activité présidentielle, ses détracteurs stigmatisaient son arrogance et sa suffisance ; on a pu aussi se plaindre de son approche clanique du pouvoir. L'homme qui n'avait pas froid aux yeux lorsqu'il s'agissait de truffer l'appareil d'État ou des postes stratégiques du gouvernement des membres directs de sa famille, avait fini par révulser plus d'un.
À l'époque, la passion politicienne aidant, ces défauts qui étaient les seuls dont on l'accablait, ont suffi à faire l'unanimité contre lui. Leur exagération ou la fixation dont ils ont fait l'objet ont occulté son action positive à la tête du pays. Passe encore que ses ennemis politiques aient sous-estimé son rôle dans le redressement de la situation socio-économique héritée du régime désastreux de Kérékou qui a ruiné le Bénin jusqu'à la fin des années 80. Mais la sous-estimation de son œuvre de redressement socio-économique, sinon son oubli qui a été propagée dans le peuple et y a fait florès ont marqué son échec électoral. Cet oubli rapide endossé par le peuple lui-même donne raison au caractère proverbial du tropisme à l'amnésie du peuple, sa tendance à n'être sensible qu’aux sirènes de l'instinct et de l'instant, au détriment de la voix de la raison et d'un regard plus synthétique et juste sur l'action des gouvernants.
Rétrospectivement pourtant, à l'expérience de la médiocrité viscérale et récurrente des régimes qui lui ont succédé, tout le monde s'est accordé sur l'importance de l'œuvre de M. Nicéphore Soglo en tant que président de la République de 1990 à 1995. Cette reconnaissance tardive va de pair avec le souhait rétrospectif de sa réélection en 1995 qui aurait permis la continuation de son œuvre salutaire dans tous les domaines : socio-économique, culturel, diplomatique, symbolique, historique etc. La non-réélection est vécue et ressentie par le président Nicéphore Soglo et les siens--c'est-à-dire les membres directs et fidèles de son clan familial--comme une frustration. Une frustration et un opprobre dont ils n'ont de cesse de relever le défi, de compenser l'injustice et de laver l’affront.
Mais la frustration est d'autant plus forte qu'à l'instar de ce qu'en pense l'opinion, M. Soglo ressent ou présente son échec électoral de 1995 comme le fait de l'action nocive de ses frères ennemis de race, de région ou d'ethnie ; rôle que campèrent avec passion et brio à tort ou à raison, les Houngbédji et autres Tévoédjrè. Mais, à l'analyse des faits et gestes de M. Soglo sur la durée, on se rend compte que l'hypothèse de la haine des autres (ou de l'autre) n'épuise pas-et loin s'en faut-les raisons de son échec de 1995. Elle n’exonère pas l’effet de son propre caractère. En fait la caractéristique fondamentale et la source première de l'échec de M. Soglo en 1995 et de ses échecs politiques subséquents est sa mollesse de caractère. Cette mollesse est devenue historique puisque M. Soglo est sans doute le premier sinon le seul président en Afrique à avoir perdu une élection qu'il a organisée lui-même. Et le rôle de la France qui était manifestement contre lui en raison de sa lucidité, de son authenticité et de son indépendance d'esprit, ce rôle néocolonialiste bien connu seul n'explique pas son échec en 1995. La mollesse de M. Soglo peut se donner des justifications morales ou intellectuelles mais elle reste ce qu'elle est : de la mollesse. M. Nicéphore Soglo est un homme qui manque de couille. C'est la raison principale pour laquelle il a perdu les élections en 1995, et ce faisant, perdu les intérêts du sud qui depuis lors trime et est à la peine électorale. À l'appui de ce caractère politiquement inopérant, on peut citer d'autres exemples. Comme la position de M. Soglo dans la crise au sommet suscitée par les dérives disciplinaires de son fils Galiou dans sa participation réprouvée au gouvernement. Au plus fort de la crise, M. Soglo adressa une lettre à la présidence de la RB, dans laquelle il signifiait clairement et justifications à l'appui sa démission en tant que président d'honneur du parti. Mais cette démission n'a jamais été effective. Elle est restée lettre morte. Au contraire, M. Soglo a continué à agir pour et au nom de la RB, à assumer le rôle de leader charismatique et de président d'honneur ! Il n'y a pas d'autre explication à ce comportement que la mollesse. Est-ce sérieux de donner sa démission publiquement et de ne pas l'assumer ? Comment expliquer ce hiatus entre la parole et les faits ? Il n'y a pas d'autre explication que la mollesse de M. Soglo. Cette mollesse conduit M. Soglo et les siens dans l'entre-deux, dans l'indéterminé et à certains égards dans le double jeu qui frise la trahison. Sous les dehors de la rationalité légale ou éthique, ce trait fait pendant à la réputation de bagarreuse de son épouse Rosine, très versée dans les rodomontades, d'autant plus furibondes et retentissantes qu'elles sont calculées, et sans lendemain.
Enfin, comment expliquer l'échec de l'aventure de l’UN dont les Soglo prétendent avoir la paternité ? Ils sont en effet à l'origine de l'initiative, et sont aujourd'hui les premiers à quitter le navire aux premiers signes de la tempête. Cette attitude ambiguë des aurores de l’UN qui a servi surtout à endormir la vigilance de ceux qui voulaient en découdre avec M. Yayi a atteint son point d'orgue avec la collaboration en plein jour avec un régime que directement ou de façon subtile, ils ont objectivement contribué à réinstaller au pouvoir. Quand on regarde bien les faits et gestes de M. Soglo et des siens, le manque de couilles est une constance qui va de pair avec les jeux de l'ombre où les doubles jeux. Attitude et disposition qui sont tout le contraire de la virilité conquérante et de la fermeté dont nous avons besoin au sud pour affirmer notre unité et notre voix au chapitre présidentiel. Or les Soglo, enfermés dans l'obsession dynastique et revancharde de l'élection d'un des leurs comme président de la république, manquent de virilité. Les bonnes raisons – la démocratie, la rationalité légale, la cohésion nationale, la paix, etc. – sont souvent avancées pour excuser la mollesse de Monsieur Soglo. Mais le fait qu’une famille biologique se croie élue à (et agisse dans le sens de la réalisation d’) un destin présidentiel est-ce un idéal démocratique ? Où est l’éthique dans tout ça ? Pour que le sud parvienne à retrouver son unité et s'affirme au plus haut niveau politique de façon démocratique, il faut en finir avec l’obsession du destin présidentiel et sortir du cercle vicieux de la mollesse dans lequel le clan des Soglo a enfermé le destin de notre race.
Aminou Balogoun
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Oui,on comprend de mieux en mieux les choses aujourd'hui.Ces gens-là qui visitent souvent les grandes capitales occidentales,assistent aux fora et autres sommets ne sont-ils pas les agents par qui la recolonisation se réalise maintenant sous nos yeux et avec la participation active de certains chefs et intellectuels africains? Ne sont-ils pas dans le coup avec les conquérants français, anglais, italiens et autres des pays africains, quitte à venir nous tenir après des discours d'hommes intègres, propres, dignes et compétents, discours pour endormir les autres, le temps d'une autre contribution à l'asservissement de nos peuples.Oui, on a tout compris. Reste à passer à l'action libératrice. Le temps n'est plus loin. Le printemps du sud n'est plus si loin.
Rédigé par : Mathieu AHOUANSOU | 10 juin 2011 à 11:43