Après les élections du 13 mars 2011– tout se passe comme si – les gens qui sont au pouvoir n'ont pas la conscience en paix. Et ils n'ont de cesse de créer les conditions de cette pseudo pacification morale qui consiste à réduire et à éliminer la hantise de la culpabilité qui les étreint, les mine de l'intérieur. Comme un diable jeté dans l'eau bénite, ils ne savent plus à quel saint se vouer et n'ont de cesse qu'ils en fussent sortis sains et saufs. Le moyen choisi à cet effet est double. Il s'agit dans un premier temps de dénier la réalité de ceux qu'on a volés, brimés et frustrés. Comme le font souvent les violeurs. Lorsque le pédophile tue sa victime, il a le sentiment d'effacer son crime de la surface de la terre. La dénégation de la victime qui, en politique est une attitude antidémocratique, et à terme ruineuse pour le pays, est illustrée par la trahison rapide des Soglo. Comme le dit si bien Roger Gbégnonvi dans un langage imagé, les Soglo fustigeaient le voleur du gâteau puis tout à trac, sans crier gare, se mettent à table pour manger leur part du même gâteau. Le but de cette trahison orchestrée par le pouvoir est de déstabiliser l’UN et à terme de la discréditer et de la ruiner. Donc de l'éliminer de la surface de la terre comme le font les violeurs de leurs victimes. Dans le même élan, on assiste, ces derniers jours, à des démissions significatives au sein du PRD. Et les médias manipulés crient déjà à l'hémorragie de ce parti ainsi qu'à l'agonie politique de son président.
Dans un article de la Nouvelle Tribune consacré au sujet, on pratique avec astuce le second moyen utilisé par le pouvoir pour ruiner sa victime électorale : le consensus frauduleux. Le journaliste dit sans prendre de gants et ce, à maintes reprises, que : « M. Adrien Houngbédji a perdu les élections du 13 mars 2011 » comme si dans une affaire de viol d'une mineure perpétrée par un vieux satyre, on écrivait : « le Bel homme a fait l'amour à la jeune fille sur l'herbe verte du pré au clair de lune » !
Comment dire sans prendre de gants que M. Adrien Houngbédji a perdu les élections du 13 mars 2011, lorsqu'on a un peu d'attachement à la vérité et qu'on a suivi ce qu'il s'est passé dans le pays lors de ces soi-disant élections ? Les journalistes chez nous ont quand même le niveau bac et/ou plus ; ils ont un certain niveau de culture. Et ils sont censés avoir un certain sens de la vérité. Dès lors est-ce qu'on peut dire sans détours, sans réserve et sans prendre de gants que M. Adrien Houngbédji a perdu les élections du 13 mars 2011 puis enchaîner sans sourciller sa démonstration sur cette fausse évidence ? Pourquoi participer à cette naturalisation intellectuelle du crime électoral du 13 mars 2011 et estimer qu'on participe du même coup au progrès moral et économique de sa société, de sa nation, de sa race ? Est-ce que les Africains pensent qu'ils feront l'économie de la vérité, de la sincérité, de la droiture et de la morale dans l'objectif de redressement de leur race ? Les faits auxquels il est référé dans l'expression incriminée pouvaient bien être qualifiés autrement. Par exemple, on peut parler de maintien au pouvoir de M. Yayi sans verser dans la polémique, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Dire que M. Adrien Houngbédji a perdu des élections, cela veut dire qu'il y a eu des élections, qu'elles étaient libres, transparentes et justes, que les citoyens en âge de voter l'ont fait, que comme en 2006, les deux adversaires étaient d'accord sur l'issue des élections, etc. etc. Or rien de tel n'a été, et tout le monde le sait. Dans ce cas, le journaliste invendu, non stipendié, non récupéré, le journaliste qui n'est pas sous influence, s'il est épris un tant soit peu de vérité doit user de précautions de langage pour exprimer les choses. Et ces précautions de langage existent. De « M. Yayi s'est maintenu au pouvoir » à « M. Adrien Houngbédji a été victime d'un hold-up électoral le 13 mars 2011 », les variantes plus ou moins édulcorées, plus ou moins polémiques ne manquent pas. Comment se fait-il que dans les élections du 13 mars 2011 tout se passe comme si on voudrait qu'il n'en restât que ce qu'en a voulu, ce qu’y met, ce qu'en pense ou ce qu'impose le pouvoir ?
Cette culture implicite de l'amnésie qui va de pair avec la médiocrité morale et la compromission, lorsqu'elle se conjugue avec un manque de rigueur aboutit fatalement à la ruine de l'âme collective.
Nous ne pouvons pas construire – pour autant que nous le voulions– notre pays dans l'injustice, le vol et le viol électoraux. Nous le pouvons encore moins en maquillant ces réalités et en prêtant flanc à la campagne de dénégation et au consensus frauduleux d'un pouvoir en proie à la culpabilité et qui voudrait que nous lui tenions la chandelle pendant qu'il se masturbe, viole notre destin et censure notre mémoire collective.
Aminou Balogoun
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